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Drôles d’indiens !
Publié le : mardi 29 septembre 2015
Des Apaches de Nassim Amaouche

Sur les écrans d’autre­fois, un docu­men­taire pré­cé­dait tou­jours le grand film. Pour son deuxième long métrage, Des Apaches, Nassim Amaouche reprend la for­mule. Une voix off pro­mène le spec­ta­teur des mon­ta­gnes des Aures où les kaby­les orga­ni­sè­rent leur résis­tance contre les Romains jusqu’aux bis­trots de Belleville où ils ont adapté leurs règles com­mu­nau­tai­res à la vie pari­sienne : le chef de vil­lage est devenu pré­si­dent d’un groupe d’ action­nai­res, exclu­si­ve­ment mas­cu­lin, qui décide démo­cra­ti­que­ment de la ges­tion de bis­trots et d’hôtels du quar­tier. « Le socia­lisme de mes rêves », aurait déclaré Karl Max parti se soi­gner en Kabylie.

Changement de ton

Générique : tou­jours Belleville. Samir fait briller une belle paire de pompes emprun­tées à un ami, puis se rend au cime­tière porter Jeanne, sa mère, en terre. Désormais, il est seul au monde.
Mais caché der­rière une tombe, un homme épie la scène. C’est son père, l’inconnu. Dernier cadeau de Jeanne. En le sui­vant, il va « re »trou­ver sa place de fils aîné chez les kaby­les . On l’atten­dait . Dans les contes, le bon­heur se nour­rit tou­jours de la mort de quelqu’un...
Round d’obser­va­tion dans le bis­trot de son père où tout se joue. Lumières chau­des, ambiance polar. Scènes de brousse : les grands fauves sur­veillant le jeune efflan­qué au comp­toir. Samir belle gueule, fils pro­di­gue à l’envers.
Mais le prince rechi­gne, par­don­ner c’est trahir. Les riches­ses ne l’atti­rent pas. Trop yang tout ça, trop pier­res, règles, paro­les don­nées, déci­sions de grou­pes, argent . Samir est ailleurs et son rafiot prend l’eau, où il a embar­qué les siens, Jeanne (sub­tile Lætitia Casta) et l’Enfant. Ça fait du monde qui le visite, nuit et jour. Les sou­ve­nirs font du sur place. Entre reflets et échos, rêve et réa­lité, qui peut mettre un nom sur les choses ? L’Enfant lui tend la main, tandis qu’il court après Jeanne et qu’un drôle d’avocat, un peu griot et cer­tai­ne­ment deus ex machina(jubi­la­toire André Dussolier) éclaire son chemin.

« L’iden­tité n’est pas un héri­tage mais une créa­tion », Nassim Amaouche reprend Mahmoud Darwich et, pour décrire la folie ordi­naire d’un homme en cons­truc­tion, il sort du cadre, libère le mer­veilleux. C’est un film qui explore les trois âges de l’homme, un espace dédié à la femme rêvée, borné aux deux bouts par une fillette et une vieille femme. Bourré de réfé­ren­ces comme autant de secrets. C’est un film qui en cache un autre ...Rendez vous à la coda comme disent les jazz­men, chacun se bri­co­lant en chemin sa musi­que per­son­nelle. Quitte à y reve­nir.

Six ans de ges­ta­tion

Adieu Gary, prix de la cri­ti­que à Cannes en 2008, explo­rait déjà de la belle façon les méan­dres de l’héri­tage entre un père (géné­reux Jean Pierre Bacri) et ses fils Icham et Samir(déjà), rôle tenu par Yasmine Belmadi, l’alter ego et acteur féti­che du réa­li­sa­teur. L’équipe gagnante n’en est qu’à ces débuts, et le rôle du Samir de Belleville est évidemment pour lui, mais il se tue sur la route quel­ques jours avant de connaî­tre la gloire can­noise.
Pour panser ses bles­su­res, ima­gi­ner un cas­ting, convain­cre les ban­quiers qui ne croient pas à son his­toire, les forces man­quent à Nassim Amaouche. En 2012 Arte lui com­mande un docu­men­taire : une éclaircie dans cette tra­ver­sée du désert. Il part pour la pre­mière fois en Algérie avec son père kabyle, sur les traces de leur his­toire : En Terrain Connu. Et, for­ti­fié par la confiance pater­nelle, il repart au combat.

C’est lui, fina­le­ment, moin­dre tra­hi­son, qui rem­pla­cera Yasmine dans le rôle de Samir. Bien entouré par Laetitia Casta, la belle Marianne, dans le(s) rôle(s) de Jeanne, et André Dussolier (en par­ti­ci­pa­tion) grand parmi les grands acteurs fran­çais, se cou­lera avec déli­ces dans le rôle de Jean, l’avocat aty­pi­que.
Il avoue avoir aimé jouer avec ses acteurs pres­ti­gieux, écrire des scènes clé pour et avec Lætitia Casta, et donner la répli­que à un André Dussolier modeste et enthou­siaste, qui deman­dait après chaque prise « J’ai été bien là ? »

Malédiction du numéro 2

Dans les famil­les, c’est dur d’arri­ver après un génie. Le cadet porte sur ses épaules le poids d’une attente sus­pi­cieuse, on l’attend au tour­nant. C’est ainsi que Nassim Amaouche ana­lyse les freins oppo­sés à son der­nier projet, très per­son­nel. Partir d’un film de genre pour bas­cu­ler dans le fan­tas­ti­que n’est pas chose cou­rante, ni facile. Transformer un polar franco kabyle en féerie sur­réa­liste, ça peut être car­ré­ment casse gueule. Raison du budget mini­ma­liste qui l’a obligé à un tour­nage acéré, avec caméra numé­ri­que pour la pre­mière fois, l’ellipse lais­sant place à des moments magni­fi­ques. Preuve est faite, le réa­li­sa­teur excelle autant dans les scènes inti­mes que dans les ambian­ces de groupe, dans la comé­die que dans le drame. On se sou­vien­dra des scènes de bis­trot, de Lætitia Casta, jusque là très simple, fou­lant glo­rieu­se­ment le tapis rouge de l’hôtel où Samir l’attend, de Nassim Amaouche, acteur, qui explose dans un rôle d’écorché vif , et des ren­contres avec l’Enfant, moments de grâce et de ten­dresse.
Des Apaches, à l’opposé des pro­duits com­mer­ciaux dont le public est abreuvé n’a béné­fi­cié d’aucune promo. Il est sorti fin juillet en France, la plus mau­vaise date. Peu de salles l’ont pro­grammé, il n’a donc pu béné­fi­cier du bouche à oreille. Il reste une pépite à décou­vrir .

Michèle Solle
Gindou 2015

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