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Bled number one
Rabah Ameur-Zaïmeche
Publié le : 2005

Un film de Rabah Ameur-Zaïmeche, Algérie - France, 2005, 97’







SYNOPSIS

A peine sorti de prison, Kamel est expulsé vers son pays d’ori­gine, l’Algérie. Cet exil forcé le contraint à obser­ver avec luci­dité un pays en pleine effer­ves­cence, tiraillé entre un désir de moder­nité et le poids de tra­di­tions ances­tra­les.

LE REALISATEUR

Né en 1966 en Algérie, Rabah Ameur-Zaïmeche arrive en France en 1968. Après des études en scien­ces humai­nes, il est pas­sionné de cinéma et fonde en 1999 la société Sarrazink Productions. Il réa­lise en 2001 avec quel­ques amis son pre­mier film « Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? » un film sur la réin­ser­tion d’un ancien délin­quant, tourné sur les lieux de l’enfance du réa­li­sa­teur, la citée des Bosquets en Seine St Denis.
Ce film obtient de nom­breux prix, dont le prix Louis Delluc. En 2005, il signe sa deuxième réa­li­sa­tion Bled number one, sélec­tionné dans Un cer­tain regard à Cannes 2006.

CRITIQUE

Ecrire le com­men­taire de « Bled Number One » est un exer­cice dif­fi­cile.

Ce film aty­pi­que, sur­pre­nant, cou­ra­geux, est aussi un exer­cice de style chargé de mes­sa­ges qui peut être d’abord lourd à décryp­ter, avant l’adhé­sion finale à la ligne de l’auteur. Sur les traces de Kamel, le film nous emmène dans le vil­lage de Louloutj et nous y laisse plon­gés dans une atmo­sphère redou­ta­ble­ment oppres­sante. Ce retour aux sour­ces d’un jeune homme, dont la vie s’est cons­truite ailleurs, est empreint de sen­ti­ments contra­dic­toi­res qui assaillent le spec­ta­teur sous des formes inat­ten­dues, par­fois incons­cien­tes. Ainsi l’atta­che­ment à la famille, la ten­dresse pour la culture d’ori­gine, le res­pect de la tra­di­tion, la valo­ri­sa­tion de la diver­sité cultu­relle sont cons­tam­ment mises en conflit avec un regard plus dur, chargé de désirs frus­trés de liberté et d’auto­no­mie de pensée.

Toujours entier, refu­sant les conces­sions, c’est une société vio­lente dont Rabah Ameur Zaïmeche nous fait le por­trait. L’unique effu­sion de sang a pour­tant lieu lors de la mise à mort d’un tau­reau, qui sera ensuite paci­fi­que­ment par­tagé entre les vil­la­geois ; mais la vio­lence est ailleurs. Violence de la condi­tion fémi­nine, vio­lence du poids de la tra­di­tion, vio­lence de la sur­veillance cons­tante du groupe sur les indi­vi­dus, vio­lence de l’absence de pers­pec­ti­ves hors le vil­lage, vio­lence des réa­li­tés socia­les : chô­mage, désoeu­vre­ment, perte de repè­res, ter­ro­risme… L’oppres­sion est par­tout, autant dans le scé­na­rio que dans la réa­li­sa­tion : lon­gues séquen­ces tra­dui­sant l’attente – vaine – , plans longs et serrés, silen­ces, soleil de plomb, étroitesse de la com­mu­nauté… On se demande si l’espoir peut trou­ver une place dans le film, bien qu’on n’y renonce jamais vrai­ment. De ce point de vue, Bled Number One assure comme il l’annonce d’ailleurs une conti­nuité avec son pré­dé­ces­seur « Wesh Wesh ». Sans com­plai­sance, sans fausse pudeur, sans déma­go­gie, Zaïmeche garde le cap. En revan­che, la force de ce film, du point de vue du par­cours de son auteur, est d’avoir laissé der­rière lui l’uni­vers des ban­lieues, le parler de la cité, la cri­ti­que poli­cière ainsi que cer­tains autres éléments trop vite et faci­le­ment relé­gués au rang d’étendards d’une sous culture de ban­lieue dépré­ciée dans les sphè­res de l’Intelligentsia établie. Bien que pour­sui­vant avec achar­ne­ment le fil de son propos sur les rela­tions entre l’Algérie (ayant ici valeur d’exem­ple) et la France, Zaïmeche a tra­vaillé une acuité encore affi­née du regard, telle que les mots sont radi­ca­le­ment économisés, les dia­lo­gues ne trai­tant que de ce qui est hors du champ. Les redon­dan­ces sont ainsi super­be­ment évitées, lais­sant au spec­ta­teur une grande liberté d’inter­pré­ta­tion du récit pic­tu­ral.

Le cou­rage des partis pris d’écriture et de réa­li­sa­tion très forts, asso­ciés à cette per­ti­nence du regard et au tra­vail de retrans­crip­tion, font de ce film un réel essai ciné­ma­to­gra­phi­que. En la matière, on peut dire que l’essai est trans­formé. Le réa­li­sa­teur parle d’ailleurs de « cinéma de la per­cep­tion », met­tant en exer­gue la force évocatrice de l’image et rap­pe­lant au pas­sage les ori­gi­nes muet­tes d’un art aujourd’hui trop sou­vent asservi au rythme du dia­lo­gue.

Enfin, la modes­tie de l’ensem­ble, l’humi­lité rendue pal­pa­ble par l’appa­rente peti­tesse des moyens classe ce film dans la caté­go­rie de ceux qui sont portés par la seule qua­lité de leurs auteurs et inter­prè­tes, et fait ainsi de Rabah Ameur Zaïmeche un réa­li­sa­teur déci­dé­ment « dan­ge­reux ». A suivre…

Sophie Perrin (Clap Noir)

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Rabah Ameur-Zaïmeche
Avec : Meriem Serbah, Abel Jafri, Rabah Ameur-Zaïmeche, Farida Ouchani, Ramzy Bedia
Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche, Louise Thermes
Image : Lionel Sautier, Hakim Si Ahmed, Olivier Smittarello
Son : Thimotée Alazraki, Bruno Auzet, Mohamed Naman
Montage : Nicolas Bancilhon
Costumes : Sabrina Cheniti
Musique : Rodolphe Burger
Production : Sarrazink
Distribution : Les Films du Losange, tél 01 43 44 87 15, http://www.film­sdu­lo­sange.fr

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