Scène d’ouverture : 1925 dans un village algérien, le caïd expulse une famille de paysans et leurs enfants. Deuxième acte : Sétif, le 8 mai 1945, jour de la Victoire. La France (aidée des bataillons d’indigènes, et des alliés …) a gagné la guerre. Les manifestants se réjouissent et demandent une reconnaissance de leurs droits. Une massacre s’ensuit dont le nombre de victimes est largement déséquilibré. Mort du père de famille, le frère ainé est emprisonné.
L’histoire peut commencer. En France. Autour de la mère, les trois frères, chacun à sa façon, « hors-la-loi ». Décor : un pays qui sort d’une guerre pour se replonger dans une autre, qui manque de bras. Arrivée de main d’œuvre algérienne. Usines Renault le jour, bidonvilles de Nanterre la nuit.
L’ainé à la Santé, le cadet dans l’armée française, en guerre en Indochine, le dernier tourné vers le monde de la nuit, boîtes, jeux, trottoir. En commun, une mère qui leur impose d’être « un homme ».
Une saga à travers l’Histoire. Filmée pourrait-on dire, à l’américaine, violence, bruit, fureur et mitraillage. Un œil sur Coppola (scène de mariage… bataille de Valencienne), un autre sur Sergio Leone : la première scène celle qui scelle le destin, renvoie à Il était une fois dans l’Ouest
Montée du FLN sur fond d’ « évènements » en Algérie. L’ainé sort de prison en charge de réseau. Le cadet, revient d’Indo. Il a appris à tuer, et vu que ses supposés ennemis étaient des frères qui se battaient pour leur indépendance. Et l’avaient obtenue…Le dernier, sentimental « commerçant » pacifiste, rêve d’aider la famille …
Violence de la guerre. Qu’importent les moyens ! Au service d’une cause exigeante, penseurs, hommes de main, financiers, avancent désormais. Tous ne sont pas blancs… Une armée de l’ombre qui, sacrilège, copie les méthodes d’une Résistance de fraîche mémoire, et en rallie certains acteurs.
Sur le terrain, batailles au corps à corps, dans les salons des politiques des deux bords, cyniques stratégies. Où est la loi ? De quel côté ? Une question d’angle !
Au-delà de la tragédie familiale, c’est notre histoire qui défile. Les porteurs de valise, les attentats, le FLN, l’OAS, De Gaulle, Papon, le métro Charonne…Pas touche à cette Histoire ! Qui interdit de parler aussi de la souffrance des Algériens ? Et pourquoi des deux films sortis à Cannes et actuellement sur les écrans, Des Hommes et des Dieux et Hors-la-Loi, traitant de sujets « cousins » seul le second soulève la polémique en France ? C’est qu’il est plus facile de s’identifier à des moines victimes d’une violence aveugle, que de prendre en compte les conséquences d’une tuerie passée sous silence. Le film de Bauvois élève sans peine le spectateur, celui de Bouchareb le plaque au sol. Maelstrom venu des tripes, Hors la Loi, est une de ces tempêtes dont on sort renforcé.
Fidèle, Rachid Bouchareb. A ses origines, à son équipe d’acteurs, à sa promesse d’aller jusqu’au bout de la trilogie commencée par Indigènes. A sa façon exigeante d’utiliser une caméra qui peut, elle aussi, comme celle de René Vautier, être citoyenne.
Michèle Solle
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