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Trou de mémoire...
Publié le : mardi 26 octobre 2010
Hors-la-loi de Rachid Bouchareb




Scène d’ouver­ture : 1925 dans un vil­lage algé­rien, le caïd expulse une famille de pay­sans et leurs enfants. Deuxième acte : Sétif, le 8 mai 1945, jour de la Victoire. La France (aidée des bataillons d’indi­gè­nes, et des alliés …) a gagné la guerre. Les mani­fes­tants se réjouis­sent et deman­dent une reconnais­sance de leurs droits. Une mas­sa­cre s’ensuit dont le nombre de vic­ti­mes est lar­ge­ment désé­qui­li­bré. Mort du père de famille, le frère ainé est empri­sonné.
L’his­toire peut com­men­cer. En France. Autour de la mère, les trois frères, chacun à sa façon, « hors-la-loi ». Décor : un pays qui sort d’une guerre pour se replon­ger dans une autre, qui manque de bras. Arrivée de main d’œuvre algé­rienne. Usines Renault le jour, bidon­vil­les de Nanterre la nuit.
L’ainé à la Santé, le cadet dans l’armée fran­çaise, en guerre en Indochine, le der­nier tourné vers le monde de la nuit, boîtes, jeux, trot­toir. En commun, une mère qui leur impose d’être « un homme ». Une saga à tra­vers l’Histoire. Filmée pour­rait-on dire, à l’amé­ri­caine, vio­lence, bruit, fureur et mitraillage. Un œil sur Coppola (scène de mariage… bataille de Valencienne), un autre sur Sergio Leone : la pre­mière scène celle qui scelle le destin, ren­voie à Il était une fois dans l’Ouest
Montée du FLN sur fond d’ « évènements » en Algérie. L’ainé sort de prison en charge de réseau. Le cadet, revient d’Indo. Il a appris à tuer, et vu que ses sup­po­sés enne­mis étaient des frères qui se bat­taient pour leur indé­pen­dance. Et l’avaient obte­nue…Le der­nier, sen­ti­men­tal « com­mer­çant » paci­fiste, rêve d’aider la famille …
Violence de la guerre. Qu’impor­tent les moyens ! Au ser­vice d’une cause exi­geante, pen­seurs, hommes de main, finan­ciers, avan­cent désor­mais. Tous ne sont pas blancs… Une armée de l’ombre qui, sacri­lège, copie les métho­des d’une Résistance de fraî­che mémoire, et en rallie cer­tains acteurs.
Sur le ter­rain, batailles au corps à corps, dans les salons des poli­ti­ques des deux bords, cyni­ques stra­té­gies. Où est la loi ? De quel côté ? Une ques­tion d’angle !
Au-delà de la tra­gé­die fami­liale, c’est notre his­toire qui défile. Les por­teurs de valise, les atten­tats, le FLN, l’OAS, De Gaulle, Papon, le métro Charonne…Pas touche à cette Histoire ! Qui inter­dit de parler aussi de la souf­france des Algériens ? Et pour­quoi des deux films sortis à Cannes et actuel­le­ment sur les écrans, Des Hommes et des Dieux et Hors-la-Loi, trai­tant de sujets « cou­sins » seul le second sou­lève la polé­mi­que en France ? C’est qu’il est plus facile de s’iden­ti­fier à des moines vic­ti­mes d’une vio­lence aveu­gle, que de pren­dre en compte les consé­quen­ces d’une tuerie passée sous silence. Le film de Bauvois élève sans peine le spec­ta­teur, celui de Bouchareb le plaque au sol. Maelstrom venu des tripes, Hors la Loi, est une de ces tem­pê­tes dont on sort ren­forcé.
Fidèle, Rachid Bouchareb. A ses ori­gi­nes, à son équipe d’acteurs, à sa pro­messe d’aller jusqu’au bout de la tri­lo­gie com­men­cée par Indigènes. A sa façon exi­geante d’uti­li­ser une caméra qui peut, elle aussi, comme celle de René Vautier, être citoyenne.

Michèle Solle

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Fiche du film

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