La réalisatrice Sylvaine Dampierre enseigne le documentaire dans le cadre des Ateliers Varan, dont la tradition est de faire du cinéma direct, sans commentaire. Avec Gilda Gonfier, elle a mené des ateliers menés en Guadeloupe depuis 2010, accompagnant l’émergence d’une douzaine de réalisateurs. Le musée du quai Branly à Paris présentait le 10 novembre 2012 cinq court-métrages issu de la dernière session, en 2012. Ces films seront visibles par la suite en festivals et lors de diverses manifestations, ainsi que sur un webdocumentaire conçu par les Ateliers Varan. Lors d’une vingtaine de projections en Guadeloupe, la formatrice s’est réjouie de l’accueil incroyable réservé à ces films. « Il y a une soif des gens à se raconter et la fonction sociale du documentariste apparaît comme une évidence ! ».
L’atelier dure sept semaines, les stagiaires sont encadrés pour la conception, la mise en place du dispositif. Le tournage dure en moyenne une semaine, en s’adaptant aux contraintes du réel, après de très courts repérages. « On sait ce qu’on veut et on y va ! » sourit la formatrice, qui estime que l’atelier est « un mur pour voir les stagiaires rebondir, voir chacun trouver son écriture ». Puis, on part pour huit jours de montage, avec des monteurs formés et travaillant sur place. Avec un impératif : être dans le ressenti et surtout pas dans le jugement. Gloria Bonheur, qui a réalisé un film sur le zouk, Danse Lamnou, explique qu’elle a tourné sur deux week-end, en boîte de nuit.
Sylvaine Dampierre a proposé à ses stagiaires de concevoir leurs films autour du thème « tourment d’amour ». Les cinq films proposés offrent une radioscopie de la Guadeloupe telle qu’on ne la voit nulle part ailleurs, notamment dans le plus original d’entre eux, Intrigues et passions à Cité Chanzy, de Abel Bichara, qui décrit la vie d’une cité par le prisme de la télévision, regardée par les ménagères, allumée en permanence. Les films abordent également le thème du couple Mr et Mme Courant d’air de Cédric Michaux, de la famille Manman Kreyol de Didier Pierre et des jeunes filles Danse Lamnou de Gloria Bonheur. La jeune réalisatrice filme des filles qui s’habillent pour sortir en boîte. Leurs attentes, leurs codes amoureux, leur apparente superficialité sont à l’image d’une vision des relations entre hommes et femmes. La réalisatrice aurait pu se concentrer sur ses personnages féminins, les plus forts de son court-métrage et aller plus loin en les poussant dans leurs retranchements. Mauvais genre de Guy Gabon, film plus personnel, mené par une voix off qui révèle une femme à forte personnalité, Corinne Alguedel-Jalème, pose avec humour et justesse la question du genre, autour du choix du prénom.
Sylvaine Dampierre sent une « montée en puissance » de ces nouveaux talents. Elle espère poursuivre ces ateliers et continuer à accompagner ces réalisateurs, cette fois sur des projets plus longs. Elle sourit : « Et puis, on les lâchera, à un moment ! ». L’un d’entre eux, Didier Pierre, qui a déjà réalisé deux courts-métrages documentaires, est en écriture de son premier 52 minutes. Mais il faut pour cela convaincre les partenaires institutionnels et les chaînes de télévision. Et là, comme d’habitude pour le documentaire de création, ça coince. La formatrice confie avec une certaine amertume que dans le cadre du mois du documentaire, France O devait mener une opération avec les films des jeunes réalisateurs issus de l’atelier. Mais la chaîne aurait exigé de l’argent pour montrer les films !... Ambivalente, elle a parallèlement à cela envoyé une équipe pour interviewer Didier Pierre, jeune réalisateur prometteur.
Caroline Pochon
Novembre 2012
Intrigues et passions à Cité Chanzy, un film d’Abel Bichara, 2012, 18’
Dans les faubourgs de Pointe-à-Pitre, les journées du mois d’août à la cité Chanzy sont rythmées par les jeux des enfants, les promenades sur les coursives et bien sûr... les incontournables télénovelas.
Manman Kréyol, un film de Didier Pierre, 2012, 16’
Mamie a eu sa 1ère fille à l’âge de 16 ans, elle a élevé ses 10 enfants seule, à la force du poignet, car ses mains ne sont « ni coupées, ni liées » et sans l’aide d’aucun de leurs pères. Aujourd’hui, elle a 27 petits-enfants ou 28, elle ne sait plus très bien.
M. et Mme Courant d’air, un film de Cédric Michaux, 2012, 15’
Rosette et Emile, un couple de retraité de 18 et 19 ans inversés nous font partager un fragment de leur vie à travers leur histoire, leurs activités et leur amour.
Mauvais genre, un film de Guy Gabon, 2012, 19’
Je m’appelle Guy. Ce prénom de genre opposé à mon sexe féminin m’a été donné par mon père. J’ai eu besoin de retourner dans mes souvenirs et de rencontrer des gens comme moi pour comprendre pourquoi ce prénom est un fardeau que je porte.
Danse Lanmou, un film de Gloriah Bonheur, 2012, 18’
Le zouk, une musique et une danse qui passionnent nombre d’antillais, fait maintenant partie intégrante de notre culture. Et en y regardant de plus près, la rencontre des partenaires sur la piste de danse peut devenir un prélude à l’amour. Peut-être aussi que les codes de notre zouk ne sont que le miroir de nos relations amoureuses.
Distribution : Ateliers Varan (Guadeloupe)
Contact : Ateliers Varan Paris : contact@ateliersvaran.com
www.ateliersvaran.com
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