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"L’émergence d’un axe Sud / Sud dans la coopération cinématographique africaine"
Publié le : lundi 17 mars 2003

Pas de cinéma sans argent. La recher­che de finan­ce­ment est un chemin par­semé d’embû­ches pour les pro­duc­teurs afri­cains. Dans un arti­cle fort bien docu­menté, Sophie Hoffelt nous invite à un voyage dans les cou­loirs de la pro­duc­tion des films afri­cains.

Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux, Sophie Hoffelt a sou­tenu une thèse de doc­to­rat à l’Ecole doc­to­rale de Science poli­ti­que de Bordeaux en sep­tem­bre 2001. Le sujet : Cinémas d’Auteurs en Afrique sub­sa­ha­rienne. Le cas du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. Parallèlement, elle a publié plu­sieurs arti­cles dans des revues comme Afrique Politique, Africultures, Notre Librairie ou CinémAction. En 1999, elle a réa­lisé un docu­men­taire Djandjon ! qui est un hom­mage au Mali à tra­vers le prisme du cinéaste Cheick Oumar Sissoko. Actuellement, elle tra­vaille à la réa­li­sa­tion d’un docu­men­taire sur le Général Lamizana, ancien chef d’Etat de la Haute-Volta de 1966 à 1980.

I.La néces­saire recher­che de copro­duc­tions inter­na­tio­na­les pour les films afri­cains
II / L’émergence de pos­si­bi­li­tés nou­vel­les dans les copro­duc­tions Sud / Sud

Il existe un cer­tain nombre de textes qui ont pour charge de défi­nir des poli­ti­ques de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique : sur le plan cultu­rel et économique, au niveau natio­nal, régio­nal, pana­fri­cain et inter­na­tio­nal. Une appro­che his­to­ri­que de la FEPACI et de sa col­la­bo­ra­tion avec l’OUA montre qu’au fil du temps, une prise de cons­cience s’est fait sentir dans ce domaine. Elle vise à faire pres­sion sur les Etats afri­cains pour que ces der­niers met­tent en appli­ca­tion les textes édictés par ces deux ins­ti­tu­tions. Malheureusement, les pro­blè­mes inter­nes de la FEPACI, ren­for­cés depuis le départ en 97 de son Secrétaire géné­ral, Gaston Kaboré, limi­tent ses capa­ci­tés d’influence sur des Etats fri­leux en matière de poli­ti­que ciné­ma­to­gra­phi­que.

Parallèlement, on assiste actuel­le­ment en France à un rema­nie­ment de sa poli­ti­que de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que avec l’Afrique. Véritable gage du main­tien de la force fran­çaise dans ses ancien­nes colo­nies, le minis­tère de la Coopération a long­temps main­tenu son influence par le biais de son aide au déve­lop­pe­ment en géné­ral, et pour ce qui concerne le cinéma, par le biais de son aide aux cinéas­tes en par­ti­cu­lier. Ceci expli­que que cer­tains pays afri­cains aient vu leur pro­duc­tion monter en flèche dès les pre­miè­res années des indé­pen­dan­ces1. Entre 1960 et 1980, envi­ron deux cents films afri­cains de court ou long métrage ont été pro­duits grâce à l’aide du minis­tère de la Coopération. Longtemps pre­mier bailleur de fonds du cinéma afri­cain, le minis­tère de la Coopération a fusionné depuis début 99 avec le minis­tère des Affaires Etrangères (MAE). Symbole d’un temps nou­veau, ce chan­ge­ment nous pousse à nous ques­tion­ner : quel est l’avenir de la poli­ti­que de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que de la France avec l’Afrique et, plus lar­ge­ment, quel est l’avenir du finan­ce­ment des films afri­cains lors­que l’on sait que ce sont avant tout des ciné­mas sub­ven­tion­nés, dépen­dants des finan­ce­ments exté­rieurs ?

Difficulté de faire pres­sion sur les Etats afri­cains pour la mise en place de poli­ti­que de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique, recul du sou­tien de la France avec l’Afrique... ce double cons­tat pour­rait bros­ser un tableau plus que pes­si­miste s’il n’y avait pas l’émergence de pers­pec­ti­ves nou­vel­les de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que par le biais de copro­duc­tions Nord / Sud et sur­tout Sud / Sud.

I / La néces­saire recher­che de copro­duc­tions inter­na­tio­na­les pour les films afri­cains

A / une sélec­ti­vité de plus en plus sévère des sour­ces de finan­ce­ment des films afri­cains

Sur le plan pana­fri­cain et régio­nal, des textes exis­tent pour le déve­lop­pe­ment d’indus­tries ciné­ma­to­gra­phi­ques en Afrique. Malheureusement, ils ne sont pas appli­qués au niveau natio­nal pour les Etats afri­cains. Face à leur désen­ga­ge­ment mutuel, à l’heure d’aujourd’hui, il n’existe pra­ti­que­ment dans aucun pays afri­cain de cinéma natio­nal. Seul le Burkina Faso arrive en Afrique de l’Ouest a tiré son épingle du jeu. En Afrique anglo­phone, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud offrent désor­mais aux ciné­mas afri­cains des pers­pec­ti­ves de débou­chés inté­res­sants grâce à de nou­veaux mar­chés, par­ti­cu­liè­re­ment audio­vi­suels. Actuellement, les prin­ci­paux débou­chés des films afri­cains sont les fes­ti­vals et les télé­vi­sions. Rares sont les films afri­cains qui arri­vent à être ren­ta­bi­li­sés dans le cir­cuit ciné­ma­to­gra­phi­que, que ce soit en Afrique ou à l’étranger. Ajouté à cela que les sub­ven­tions du Nord ten­dent à se réduire d’années en années, et l’on com­prend pour­quoi il appa­raît de plus en plus néces­saire pour les films afri­cains de recher­cher des copro­duc­tions inter­na­tio­na­les, seules capa­bles de diver­si­fier leurs débou­chés. Parmi elles, on trouve bien évidemment des copro­duc­tions Nord / Sud.

* les tâton­ne­ments de la Fepaci et le désin­té­rêt des Etats afri­cains

Malgré les tâton­ne­ments de la FEPACI, et son inca­pa­cité à faire pres­sion sur les Etats afri­cains, cette der­nière a, dès le début des années 80, pris cons­cience très tôt de la néces­sité pour les films afri­cains de monter des copro­duc­tions. Dans le cha­pi­tre III du Manifeste de Niamey, il est sti­pulé au niveau des mesu­res à pren­dre pour le finan­ce­ment de la pro­duc­tion : "ins­tau­rer des accords-cadres de la pro­duc­tion au niveau bila­té­ral des com­mis­sions mixtes entre Etats au niveau régio­nal et inte­ra­fri­cain, en pré­voyant une libre cir­cu­la­tion des tech­ni­ciens concer­nés, l’accès aux Fonds de sou­tien réci­pro­ques, l’uti­li­sa­tion en commun des maté­riels, des infra­struc­tu­res."

La FEPACI a noué également des liens étroits avec l’OUA qui, elle-même, est enga­gée en Afrique dans la mise en place de poli­ti­que de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que. L’OUA a notam­ment orga­nisé du 20 au 24 jan­vier 92, à Nairobi, au Kenya, conjoin­te­ment avec l’UNESCO et, en col­la­bo­ra­tion avec l’Institut Culturel Africain (ICA) et la Fondation Culturelle et Sociale ACP / CEE, un Plan d’action pour le déve­lop­pe­ment des indus­tries cultu­rel­les endo­gè­nes en Afrique. Ce plan d’action fut soumis à la Conférence des chefs d’Etat et de gou­ver­ne­ment de l’OUA pour exer­cice et adop­tion, dans la pers­pec­tive de la créa­tion d’un marché cultu­rel afri­cain. Concernant plus par­ti­cu­liè­re­ment la pro­duc­tion, les objec­tifs du plan d’action étaient tour­nés, entre autres, vers le déve­lop­pe­ment de la coo­pé­ra­tion Nord / Sud et Sud / Sud ainsi que vers la signa­ture d’accords bila­té­raux de copro­duc­tion (Nord / Sud).

Pourtant, malgré l’exis­tence de textes précis qui sug­gè­rent sur le plan natio­nal, régio­nal, inte­ra­fri­cain et inter­na­tio­nal, des poli­ti­ques de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique, les Etats afri­cains demeu­rent fri­leux quant à leur appli­ca­tion. Sans véri­ta­bles struc­tu­res de pro­duc­tion, les réa­li­sa­teurs afri­cains sont obli­gés de se tour­ner vers l’exté­rieur.

* le désen­ga­ge­ment du minis­tère de la Coopération :

Ayant fusionné début 99 avec le minis­tère des Affaires Etrangères (MAE), l’ancien minis­tère de la Coopération a réduit pro­gres­si­ve­ment le mon­tant de ses sub­ven­tions. En fait, depuis 1991, la ten­dance était de refu­ser de plus en plus les aides accor­dées aux films afri­cains. Le Fonds inter­mi­nis­té­riel d’aide sélec­tive pour la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que des pays en déve­lop­pe­ment (Fonds Sud) reste cepen­dant le pilier de l’aide fran­çaise aux ciné­mas non occi­den­taux. Il attri­bue en moyenne à chaque film une aide d’un mon­tant de 600 000 FF. Jusqu’en 1999, les déci­sions d’octroi des aides aux réa­li­sa­teurs afri­cains ainsi que leur mon­tant étaient donc prises conjoin­te­ment par le minis­tre chargé du cinéma (CNC), le minis­tre de la Coopération et du Développement et le minis­tre des Affaires Etrangères. Depuis jan­vier 99, ce n’est plus le cas puis­que les réa­li­sa­teurs afri­cains dépen­dent désor­mais du champ de com­pé­tence du MAE.

Tout der­niè­re­ment, le MAE a modi­fié les condi­tions d’attri­bu­tion des sub­ven­tions. Il vient de créer une com­mis­sion d’appui au déve­lop­pe­ment des ciné­mas du Sud (ADC Sud). Jusqu’à cette nou­velle for­mule, la Commission qui déci­dait se réu­nis­sait 3 à 4 fois par an, selon le nombre de dos­siers dépo­sés. Elle rece­vait en moyenne 50 pro­jets de longs métra­ges chaque année et envi­ron une cen­taine de courts métra­ges sur les­quels 8 à 10 longs métra­ges et 20 courts métra­ges étaient rete­nus. De 1983 à 1990, 101 films ont été aidés sur 298 pro­jets pré­sen­tés repré­sen­tant 34 pays dif­fé­rents (y com­pris le Maghreb, les pays de l’Océan Indien et des Caraïbes). Depuis 91, les films qui ont béné­fi­cié de l’aide à la pro­duc­tion des pays en déve­lop­pe­ment. ont reçu entre 250 000 FF et 1 000 000 FF . Des cinéas­tes comme Cheick Oumar Sissoko ou Pierre Yaméogo reçoi­vent le mon­tant légal maxi­mal soit 1 M FF, ce qui tend à confir­mer la cohé­rence de l’action du minis­tère et son inter­ven­tion dans les limi­tes fixées par l’arrêté de 1991. Jusqu’à 1999, le dépas­se­ment de ces limi­tes était pré­levé sur un autre budget dont dis­po­sait le minis­tère de la Coopération au titre du Service de l’Action cultu­relle. Il s’agis­sait de l’aide per­son­na­li­sée ou aide directe. En effet, un deuxième type d’aide était attri­bué direc­te­ment par le Bureau du Cinéma du minis­tère de la Coopération sur fonds pro­pres sans passer par la Commission inter­mi­nis­té­rielle. Cette aide n’était pas for­ma­li­sée mais elle était bien enten­due régie par une régle­men­ta­tion inté­rieure au minis­tère. L’examen des bud­gets de pro­duc­tion res­tait très mino­ri­taire. Elle devait donc être accor­dée de manière excep­tion­nelle : Pierre Yaméogo du Burkina Faso en a obtenu 2, la pre­mière d’un mon­tant de 450 000 FF pour son film "Laafi" et la seconde de 500 000 Francs fran­çais pour "Wendemi" (L’Enfant du Bon Dieu). "Laafi" n’avait pas obtenu de sub­ven­tion du Fonds de sou­tien mais "Wendemi" s’était vu attri­buer le mon­tant maxi­mal d’un mil­lion de francs fran­çais. "Wendemi" a donc béné­fi­cié d’une aide glo­bale de 1,5 MFF. Il s’agis­sait d’une excep­tion. Quant à Mamadou Djim Kola du Burkina Faso, il a reçu une aide directe de 400 000 FF pour son film "Toungan"4 (Les Etrangers), une copro­duc­tion essen­tiel­le­ment Sud / Sud entre le Burkina Faso et l’Algérie. Ce type d’aide directe était attri­bué à des films dont la pro­duc­tion ou le tour­nage étaient déjà com­men­cés et ne pou­vaient de ce fait être pré­sen­tés à l’état de projet à la com­mis­sion inter­mi­nis­té­rielle. Cette aide devait per­met­tre à ces films d’être ter­mi­nés. Pour ce qui concerne l’aide à la fini­tion, d’autres films en ont béné­fi­cié alors qu’ils avaient déjà béné­fi­cié du Fonds de Soutien, comme, par exem­ple, "Niiwam"5 de Clarence Delgado et "Ta Dona"6 d’Adama Drabo, qui ont béné­fi­cié de l’aide directe du ser­vice d’action cultu­relle du minis­tère. Le ver­se­ment de la sub­ven­tion était attri­bué au cinéaste et non à un orga­nisme. Le cinéaste indi­quait lui-même au minis­tère les dépen­ses aux­quel­les attri­buer la sub­ven­tion. Le minis­tère réglait lui-même et direc­te­ment les fac­tu­res. En fait, il visait les fac­tu­res qui étaient ensuite adres­sées au CNC et réglées aux four­nis­seurs par le Trésorier payeur du CNC. Les règle­ments étaient effec­tués par tran­ches sur pré­sen­ta­tion d’un mémoire de dépen­ses par le CNC après visa du minis­tère.

Aujourd’hui, la com­mis­sion d’appui au déve­lop­pe­ment des ciné­mas du Sud (ADCSud) a pour voca­tion d’attri­buer des aides finan­ciè­res aux pro­jets ciné­ma­to­gra­phi­ques (long métrage uni­que­ment, fic­tion ou docu­men­taire) des réa­li­sa­teurs issus de la ZSP7 . Cette com­mis­sion se réunit deux fois / an. Un réa­li­sa­teur peut sol­li­ci­ter de la Commission un ou plu­sieurs types d’aides.

Pour ce qui concerne les aides uni­que­ment ver­sées à l’étranger (ZSP), après signa­ture d’une conven­tion entre les ser­vi­ces cultu­rels et le béné­fi­ciaire, on trouve :
- les aides au déve­lop­pe­ment (aide à l’écriture de scé­na­rio), d’un mon­tant maxi­mum de 20 000 FF, dont 10 000 FF sont versés à la signa­ture de la conven­tion avec les ser­vi­ces cultu­rels fran­çais du pays de rési­dence du réa­li­sa­teur de la ZSP et 10 000 FF à la remise de deux exem­plai­res du scé­na­rio à ces mêmes ser­vi­ces (pour trans­mis­sion d’un exem­plaire à la DATC). Cette aide concerne des pro­jets et non des scé­na­rios déjà abou­tis. Le projet doit obli­ga­toi­re­ment être trans­mis avec l’avis du poste. À la demande du ser­vice cultu­rel, une aide à la tra­duc­tion en fran­çais d’un scé­na­rio peut également être déci­dée, pour un mon­tant maxi­mum de 5 000 FF.
- l’aide au tour­nage, d’un mon­tant maxi­mum de 400 000 FF. 50 % est versée à la signa­ture de la conven­tion avec les ser­vi­ces cultu­rels et, 50 % au vision­nage des pre­miers rushes.

Pour ce qui concerne les aides accor­dées en Europe, on trouve :
- l’aide à la post-pro­duc­tion, d’un mon­tant maxi­mum de 300 000 FF. Le règle­ment est fait par le CNC, dans le res­pect de ses pro­cé­du­res, en 3 tran­ches de 40 %, 30 % et 30 %. La der­nière tran­che (30 %) est versée à la sortie du film en salle (y com­pris en ZSP).
- l’aide à la fini­tion, d’un mon­tant maxi­mum de 500 000 F. Le règle­ment est effec­tué par le CNC. Il ne concerne que les films déjà tour­nés en ZSP et pré­mon­tés.
- l’aide à la dis­tri­bu­tion : elle peut cou­vrir le tirage de copies des­ti­nées à une exploi­ta­tion en ZSP, d’un inter­né­ga­tif, de fabri­ca­tion d’une bande annonce ou de maté­riel pro­mo­tion­nel.

Concernant les courts métra­ges des pays de la ZSP, l’aide a été énormément réduite : il ne s’agit plus que de bour­ses réser­vées à de jeunes réa­li­sa­teurs qui ont au maxi­mum à leur actif la réa­li­sa­tion d’un court métrage. Pour cela, le MAE a mis en place un "Fonds annuel de 800 000 FF d’aide à la pro­duc­tion de courts métra­ges". Une com­mis­sion com­po­sée de 3 pro­fes­sion­nels du cinéma se réunit 2 fois / an et choi­sit un cer­tain nombre de pro­jets dans la limite des cré­dits affec­tés à cette opé­ra­tion. Seuls les réa­li­sa­teurs ayant à leur actif au maxi­mum la réa­li­sa­tion d’un court métrage pour­ront se pré­sen­ter à ce Fonds. Les pro­jets aidés par ce Fonds ne pour­ront pas pré­ten­dre à l’aide de la Commission ADCSud.

La dif­fi­culté pour les réa­li­sa­teurs afri­cains réside donc dans le fait qu’ils sont désor­mais en concur­rence à tous les niveaux avec les réa­li­sa­teurs des autres pays de la ZSP.

Outre son inter­ven­tion dans le cadre du Fonds Sud, l’ex-Coopération fran­çaise dis­po­sait d’un budget annuel de 16 mil­lions de francs (qui incluait la sub­ven­tion de 4,5 mil­lions de francs versée au Fonds Sud), dont 4 mil­lions de francs étaient consa­crés à la vidéo. Cette aide directe existe tou­jours. Accordée désor­mais au MAE, elle peut être uti­li­sée pour la prise en charge des tra­vaux de post-pro­duc­tion réa­li­sés en France, la rému­né­ra­tion de tech­ni­ciens fran­çais enga­gés pour la pro­duc­tion, l’achat de pel­li­cu­les, la loca­tion du maté­riel de prises de vues, les frais de sous-titra­ges et les frais de ges­tion à concur­rence de 10 % maxi­mum du mon­tant de l’aide. Cette pro­cé­dure contraint les cinéas­tes afri­cains à consom­mer fran­çais pour réa­li­ser la fini­tion de leur film en France. On retrouve la logi­que du cœur et de la raison : à tra­vers le sou­tien géné­reux à la créa­tion d’auteurs du Sud et, sous pré­texte d’un contrôle de la bonne uti­li­sa­tion des fonds, c’est l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que fran­çaise qui est sub­ven­tion­née. Cet état de fait a main­tes fois pro­vo­quées la révolte des cinéas­tes afri­cains, notam­ment celle du Malien Cheick Oumar Sissoko pour qui cette dis­po­si­tion grève les pos­si­bi­li­tés d’émergence d’une indus­trie du cinéma en Afrique.

En fait, l’aide directe accor­dée aux films afri­cains n’est pas consi­dé­ra­ble de la part du MAE, com­paré à l’avance sur recet­tes du CNC rare­ment en des­sous de 2,5 MFF. Accordée aux films fran­çais, les réa­li­sa­teurs afri­cains peu­vent aussi béné­fi­cier de l’avance mais, à cer­tai­nes condi­tions : soit dans le cadre d’une copro­duc­tion reconnue et vali­dée par un accord-cadre, soit dans le cas où le réa­li­sa­teur fait appel à une maison de pro­duc­tion fran­çaise. Au début des années 90, une réforme de l’aide à la pro­duc­tion des pays en déve­lop­pe­ment a ainsi été mise en place avec la signa­ture d’un cer­tain nombre d’accords de copro­duc­tion. Ces accords cons­ti­tuaient les pre­miè­res étapes d’une nou­velle col­la­bo­ra­tion qui devait pren­dre en compte tous les domai­nes de l’acti­vité ciné­ma­to­gra­phi­que (pro­duc­tion, exploi­ta­tion, pré­ser­va­tion du patri­moine, for­mu­la­tion). Ils devaient amé­lio­rer les condi­tions de pro­duc­tions franco-afri­cai­nes avec un statut juri­di­que incontes­ta­ble per­met­tant l’accès de leur droit à l’avance sur recet­tes du CNC et l’entrée des films copro­duits dans le quota des chaî­nes réservé aux films afri­cains. Tout film réa­lisé dans ce cadre est assi­milé à un film fran­çais, même s’il est tourné dans une des lan­gues natio­na­les, les lan­gues ver­na­cu­lai­res étant assi­mi­lées au fran­çais. Dans l’accord signé en mars 91 avec le Burkina Faso, le préam­bule sti­pule : "Le gou­ver­ne­ment de la République fran­çaise, le gou­ver­ne­ment du Burkina Faso, sou­cieux de faci­li­ter la réa­li­sa­tion en copro­duc­tion d’oeu­vres ciné­ma­to­gra­phi­ques sus­cep­ti­bles de servir par leurs qua­li­tés artis­ti­ques et tech­ni­ques le pres­tige de leur pays, les rap­ports cultu­rels entre l’Europe et l’Afrique et de déve­lop­per leurs échanges d’œuvres ciné­ma­to­gra­phi­ques sont conve­nus de ce qui suit : copro­duc­tion : arti­cle 1er : Les œuvres ciné­ma­to­gra­phi­ques de longs et courts métra­ges réa­li­sés en copro­duc­tion et admi­ses au béné­fice du pré­sent accord sont consi­dé­rés comme œuvres natio­na­les par les auto­ri­tés des deux pays confor­mé­ment aux dis­po­si­tions légis­la­ti­ves et régle­men­tai­res dans leur pays. Elles béné­fi­cient de plein droit des avan­ta­ges réser­vés aux œuvres ciné­ma­to­gra­phi­ques natio­na­les qui résul­tent des textes en vigueur ou qui pour­raient être édictées dans chaque pays.

Ainsi, un film réa­lisé en copro­duc­tion béné­fi­cie des deux natio­na­li­tés, donc des avan­ta­ges qui leur sont rat­ta­chés. Le grand béné­fice concerne les cinéas­tes qui peu­vent élargir consi­dé­ra­ble­ment leurs sour­ces de finan­ce­ment en ayant accès par voie de copro­duc­tion à l’avance sur recet­tes, à l’aide à l’écriture, au déve­lop­pe­ment des pro­jets. Ce sont des finan­ce­ments très impor­tants qui per­met­tent de réa­li­ser des films ambi­tieux néces­si­tant de gros moyens. Une clause de l’arti­cle 4 pré­cise que la pro­por­tion des apports res­pec­tifs de chaque copro­duc­teur est de 20 à 80 % et que l’apport du pro­duc­teur mino­ri­taire doit com­por­ter une par­ti­ci­pa­tion tech­ni­que et / ou artis­ti­que effec­tive. Dans ce cas, il pos­sède alors 20 % des parts. L’inten­tion du texte reste très favo­ra­ble aux cinéas­tes afri­cains qui grâce à la copro­duc­tion fran­çaise et à un apport mini­mal de leur part accè­dent à des moyens impor­tants. Il faut ajou­ter à cela qu’un apport mini­mal en numé­raire ne peut pas être exigé. Par exem­ple, pour le Burkina Faso qui est doté d’un orga­nisme comme la DCN dépen­dant du minis­tère de la Culture, son apport en équipements de tour­nage, en tech­ni­ciens, fonc­tion­nai­res d’Etat, peut être consi­déré comme apport dans le cadre de la copro­duc­tion.

En tant que copro­duc­tions fran­çai­ses, les films bur­ki­nabè peu­vent donc désor­mais béné­fi­cier des faci­li­tés qui étaient jusque-là uni­que­ment réser­vées aux films fran­çais. L’aide à la dis­tri­bu­tion aux ciné­ma­to­gra­phies peu dif­fu­sées a déjà été attri­buées à "Samba Traoré"9 et au film "Le Cri du Coeur"10 d’Idrissa Ouédraogo, à "Haramuya"11 de Drissa Touré et à "Wendemi"12 de Pierre Yaméogo. Certains d’entre eux ont obtenu une avance sur recet­tes, ce qui étaient impos­si­ble avant la signa­ture de ces accords. Sur le plan ins­ti­tu­tion­nel, ils ren­dent également pos­si­ble la mise en œuvre de pro­gram­mes spé­ci­fi­ques de coo­pé­ra­tion tech­ni­que impli­quant le CNC. Dans ce cadre, une mis­sion du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) fran­çais a pro­cédé en 1994, à l’exper­tise tech­ni­que des salles et du maté­riel de pro­jec­tion. Incités par l’ini­tia­tive bur­ki­nabè, d’autres pays lui ont emboîté le pas comme le Sénégal (juin 1992), le Cameroun (août 1993) ou encore la Guinée (1993).

Quoi qu’il en soit, l’accès au CNC pour les réa­li­sa­teurs afri­cains reste mar­gi­nal. Actuellement, seules l’Agence inter­gou­ver­ne­men­tale et la Communauté euro­péenne sont pour les ciné­mas afri­cains des bailleurs de fond consé­quents.

* la per­ma­nence de l’Agence inter­gou­ver­ne­men­tale et la Communauté euro­péenne :

Actuellement, les aides des struc­tu­res inter­gou­ver­ne­men­ta­les font partie des plus gros bailleurs de fond pour les ciné­mas afri­cains. Elles ont détrôné de loin les aides de l’ancien minis­tère de la Coopération. Si elles sont beau­coup plus sélec­ti­ves, - notam­ment pour ce qui concerne la Communauté Européenne -, elles inter­vien­nent par contre de façon plus intel­li­gente dans le plan de finan­ce­ment des films afri­cains : en accor­dant des sub­ven­tions plus consé­quen­tes, les films sont plus sus­cep­ti­bles d’être menés à bien.

Ainsi, le "Fonds de sou­tien à la pro­duc­tion audio­vi­suelle fran­co­phone du Sud" marque la volonté des mem­bres de l’Agence inter­gou­ver­ne­men­tale d’aider la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que des pays en déve­lop­pe­ment. Ce Fonds est géré conjoin­te­ment par l’Agence et le CIRTEF (Conseil International des Radios et Télévisions d’Expression Française). Ce Fonds a pour prin­ci­paux objec­tifs d’accroî­tre la pro­duc­tion d’images dans les pays du Sud mem­bres de l’Agence de la Francophonie tant du point de vue de la quan­tité que de la qua­lité. Il vise à ren­for­cer les capa­ci­tés de pro­duc­tions des télé­vi­sions natio­na­les, à pro­mou­voir la coo­pé­ra­tion audio­vi­suelle fran­co­phone par le biais de copro­duc­tions Sud-Sud ou Sud-Nord, à sou­te­nir le déve­lop­pe­ment et la struc­tu­ra­tion du sec­teur indé­pen­dant. Les inter­ven­tions finan­ciè­res du Fonds peu­vent se situer en amont ou en aval de la pro­duc­tion : contri­bu­tion finan­cière à la pro­duc­tion (prio­ri­taire), contri­bu­tion finan­cière à la ré-écriture, aide excep­tion­nelle au déve­lop­pe­ment, aide au sous-titrage ou au dou­blage, aide excep­tion­nelle à la post-pro­duc­tion. Le réa­li­sa­teur doit être du Sud, ainsi que la majo­rité des cadres tech­nico-artis­ti­ques.

Au sein de la Communauté Européenne, la coo­pé­ra­tion cultu­relle cons­ti­tue la toile de fond de la coo­pé­ra­tion avec les Etats ACP et non un domaine sup­plé­men­taire de cette coo­pé­ra­tion. Elle com­prend : d’une part, la prise en compte de la dimen­sion cultu­relle dans toutes les actions de déve­lop­pe­ment ; d’autre part, le finan­ce­ment d’actions cultu­rel­les spé­ci­fi­ques (la sau­ve­garde du patri­moine cultu­rel, la pro­duc­tion et la dif­fu­sion des biens cultu­rels, les mani­fes­ta­tions cultu­rel­les, l’infor­ma­tion, et la com­mu­ni­ca­tion). La Convention de Lomé IV est le texte le plus étendu et le plus arti­culé que la Communauté se soit donné jusqu’ici dans le domaine cultu­rel avec les pays tiers. Elle donne la pos­si­bi­lité de finan­cer toute une pano­plie d’actions à carac­tère cultu­rel. Ainsi, la Communauté Européenne s’est pro­gres­si­ve­ment affir­mée comme un des plus grand mécène cultu­rel de l’Afrique. Ces actions concer­nent à la fois l’aide à la pro­duc­tion de films, mais également l’aide aux fes­ti­vals de cinéma, à la dif­fu­sion de films, à la for­ma­tion13 . Dans les fes­ti­vals qu’elle sou­tient, l’Union Européenne décerne également des prix et des men­tions spé­cia­les.

A ces aides, on dénom­bre aussi quel­ques asso­cia­tions, fon­da­tions et orga­ni­sa­tions non gou­ver­ne­men­ta­les enga­gées de façon plus ou moins cons­tante dans le finan­ce­ment des films afri­cains. Depuis les années 80, cer­tai­nes ont eu une durée de vie courte, d’autres exis­tent tou­jours à l’heure actuelle. Quoi qu’il en soit, ce sont tou­jours des struc­tu­res fra­gi­les, dont la marge de manœu­vre dépend des fonds qu’elles arri­vent ou non à col­lec­ter.

Dans ce contexte, l’accès pour les réa­li­sa­teurs afri­cains aux finan­ce­ments du Sud, comme du Nord, se fait sur­tout grâce aux réseaux de rela­tion qu’ils réus­sis­sent ou non à se cons­ti­tuer. Montant sou­vent leur propre struc­ture de pro­duc­tion, en Afrique ou en Europe, ils cher­chent très sou­vent une copro­duc­tion avec une maison de pro­duc­tion euro­péenne afin de pou­voir béné­fi­cier des aides et sub­ven­tions les plus larges pos­si­bles, en rêvant d’obte­nir un pré-achat ou une copro­duc­tion avec une chaîne de télé­vi­sion du Nord.

B / le néces­saire mon­tage de copro­duc­tions Nord / Sud

* la recher­che de mai­sons de pro­duc­tion euro­péen­nes

En Europe, il existe un cer­tain nombre de mai­sons de pro­duc­tion dite "spé­cia­li­sées" dans les films afri­cains comme, en France, Les Films de la Lanterne , Les Ateliers de l’Arche , La Huit Production . Mais, ces socié­tés indé­pen­dan­tes spé­cia­li­sées dans la pro­duc­tion de films afri­cains sont en géné­ral fra­gi­les et d’une durée de vie courte. En fait, les rela­tions entre les pro­duc­teurs et les réa­li­sa­teurs afri­cains ne parais­sent pas faci­les pour la majeure partie d’entre eux : les pro­duc­teurs euro­péens, quand bien même ils maî­tri­sent la pro­duc­tion dans leur propre pays, se heur­tent sou­vent à des dif­fi­cultés par méconnais­sance des condi­tions de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique. Le mon­tant finan­cier des films afri­cains n’est pas chose évidente et selon les esti­ma­tions, des dépas­se­ments peu­vent avoir lieu lors des tour­na­ges du fait d’impré­vus pro­pres aux dif­fi­cultés des pays afri­cains : moyens tech­ni­ques défaillants, lour­deur admi­nis­tra­tive, manque de moti­va­tion des auto­ri­tés loca­les, dif­fi­cultés logis­ti­ques. Quant à cer­tains réa­li­sa­teurs afri­cains, ils maî­tri­sent mal les contrain­tes de la pro­duc­tion "à l’euro­péenne". Le dia­lo­gue est sou­vent dif­fi­cile. À ces incom­pré­hen­sions s’ajou­tent aussi de nom­breux exem­ples d’arna­ques finan­ciè­res du fait d’un manque de connais­san­ces des réa­li­sa­teurs afri­cains vis-à-vis de leurs droits d’auteur. Sur la durée, Les Productions de la Lanterne14 font figure de véri­ta­ble spé­cia­liste du cinéma afri­cain. Ils ont pro­duit le Tchadien Mahamat Saleh Haroun, le Congolais Camille Mouyéké, le Burkinabè Dani Kouyaté... Certains réa­li­sa­teurs afri­cains créent leur propre struc­ture de pro­duc­tion en Europe. C’est le cas des Films de la Plaine du Burkinabè Idrissa Ouédraogo, de Laafi Production deve­nue Afix Productions du Burkinabè Pierre Yaméogo, des Films du Raphia du Camerounais Jean-Marie Teno. Ces trois socié­tés de pro­duc­tion de longs métra­ges ont un capi­tal de 300 000 FF, ce qui repré­sente une somme impor­tante pour des cinéas­tes dont la pro­duc­tion est rare et peu dif­fu­sée. Les Films de la Plaine ont d’ailleurs dis­paru à l’heure d’aujourd’hui.

Les moti­va­tions des réa­li­sa­teurs qui créent leur maison de pro­duc­tion en Europe peu­vent être diver­ses : indé­pen­dance artis­ti­que, reconnais­sance juri­di­que des apports finan­ciers du cinéaste, maî­trise de l’exploi­ta­tion com­mer­ciale des films, indé­pen­dance vis-à-vis des struc­tu­res étatiques de pro­duc­tion (dans les Etats afri­cains), reconnais­sance d’une apti­tude pro­fes­sion­nelle à la pro­duc­tion, désir de pro­duire d’autres réa­li­sa­teurs. En fait, toutes vont dans le sens d’une recher­che d’auto­no­mie.

Ainsi, Afix Productions est la maison de pro­duc­tion de Pierre Yaméogo. En tant que SARL, elle s’est lancée dans la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que, audio­vi­suelle et musi­cale. Elle détient les droits des films de Pierre Yaméogo : "Dunia"15 , "Laafi"16 (Tout va bien), "Wendemi" (L’Enfant du Bon Dieu) et "Tourbillon"17 . Afix Productions a aussi quel­ques pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phi­ques et audio­vi­suel­les à son actif : "Keïta"18 (L’Héritage du Griot) de Dani Kouyaté, "Sita"19 de Missa Hébié, "Dockers du Sahel"20 d’Ismaël Ouédraogo, "Si longue que soit la Nuit"21 de Guy Désiré Yaméogo, "Ouaga chante Cabrel" de Fabienne Pompey, "Fromages de chèvre au Sahel"22 de Raymond Tiendre. Sur le plan musi­cal, elle a pro­duit "Best of Burkina Compil" et "Nick Domby, World groove".

En fait, en recher­chant ou en créant des mai­sons de pro­duc­tion en Europe, ce sont les portes des télé­vi­sions étrangères que visent les réa­li­sa­teurs afri­cains.

* les télé­vi­sions du Nord : un media incontour­na­ble

Les télé­vi­sions du Nord peu­vent inter­ve­nir de deux maniè­res dans la pro­duc­tion d’un film : sous la forme d’un apport de copro­duc­tion ou bien sous la forme d’un pré-achat des droits de dif­fu­sion avec, en contre-partie, l’exclu­si­vité de la dif­fu­sion par la chaîne durant un cer­tain nombre d’années fixé par contrat.

Sur la période des années 80 à aujourd’hui, les chaî­nes n’ont véri­ta­ble­ment investi que dans des pro­duc­tions impor­tan­tes pré­sen­tées prin­ci­pa­le­ment par des socié­tés de pro­duc­tion de renom. Elles béné­fi­cient ainsi d’une double assu­rance : celle de copro­duire un cinéaste de renom­mée inter­na­tio­nale (garan­tis­sant ainsi des ventes à l’étranger impor­tan­tes) et la garan­tie de bonne fin du film par une société de pro­duc­tion sol­va­ble.

En France, les filia­les de cinéma des chaî­nes télé­vi­suel­les telles que France 2 Cinéma, France 3 Cinéma, Arte France Cinéma sont déjà inter­ve­nues en copro­duc­tion sur des films afri­cains. France 3 Cinéma a copro­duit les films "Guelwaar"23 du Sénégalais Ousmane Sembène et "Karim et Sala"24 du Burkinabè Idrissa Ouédraogo à hau­teur de 1,15 mil­lions de FF. La filiale France 2 Cinéma a copro­duit "Samba Traoré" du Burkinabè Idrissa Ouédraogo ainsi que "Les Enfants de Popenguine"25 du Sénégalais Moussa Sene Absa à hau­teur de 3,7 mil­lions de FF. Ces copro­duc­tions sont cepen­dant assez rares. Quelques chaî­nes euro­péen­nes inter­vien­nent aussi au coup par coup en copro­duc­tion ou en préa­chat avec des films afri­cains : il s’agit en Allemagne de la WDR et de la ZDF, en Grande-Bretagne de Channel Four et de la BBC, en Suisse de la RTS. En Allemagne, la WDR et la ZDF pro­po­sent des pré-achats de 350 000 à 500 000 FF. La ZDF a ainsi préa­cheté le film "Karim et Sala" du Burkinabè Idrissa Ouédraogo à hau­teur de 1,1 mil­lion de FF. La ZDF et la WDR ont beau­coup investi autre­fois dans le cinéma afri­cain. Aujourd’hui, elles ne s’enga­gent que sur des valeurs sûres. En Angleterre, Channel Four achète à peu près tous les longs métra­ges primés au Fespaco. En pré-achat, Channel Four pro­pose 350 000 FF et la BBC peut aller jusqu’à 500 000 FF. Channel Four est ainsi inter­ve­nue sur les films "Guelwaar" de Sembène Ousmane, "Ta Dona"26 d’Adama Drabo, "Obi"27 d’Idrissa Ouédraogo et "Rabi"28 de Gaston Kaboré. Pour ces deux der­niers, il s’agis­sait d’une com­mande de la chaîne bri­tan­ni­que. En Suisse, pour l’achat des droits de dif­fu­sion d’un film ter­miné, la RTS pro­pose 25 000 FF. En cas de copro­duc­tion avec un pro­duc­teur suisse, elle peut pro­po­ser 750 000 FF. Les chaî­nes satel­li­tai­res Canal Horizon, TV5 et CFI n’achè­tent que des films ter­mi­nés pour un mon­tant de 25 000 FF (Canal Horizons) à 40 000 FF (CFI et TV5). Par contre, elles ne sont pas limi­tées par les quotas. Sur le câble, les prix dépas­sent rare­ment 5 000 FF.

Face aux contin­gen­ces des chaî­nes de télé­vi­sion, les réa­li­sa­teurs afri­cains pei­nent à percer le milieu des télé­vi­sions du Nord : peu d’entre eux peu­vent se pré­va­loir d’une renom­mée inter­na­tio­nale, mise à part quel­ques noms comme Idrissa Ouédraogo ou Souleymane Cissé. Par consé­quent, peu d’entre eux sont également sou­te­nus par une maison de pro­duc­tion impor­tante. Parallèlement, les pro­duc­tions du Sud ont fait les frais de la stan­dar­di­sa­tion tou­jours crois­sante des pro­gram­mes du fait de la pré­do­mi­nance des Etats-Unis sur toutes les chaî­nes. Toutefois, il faut noter durant la période des années 80 à aujourd’hui l’apport impor­tant de Canal Plus pour son inves­tis­se­ment en amont dans les films afri­cains. On peut même dire que pour les films de courts et longs métra­ges, Canal Plus est le plus impor­tant inves­tis­seur dans le cinéma afri­cain parmi les télé­dif­fu­seurs du Nord. La chaîne a ainsi financé les films "Toubab Bi"29 du Sénégalais Moussa Touré, "Blanc d’Ebène"30 du Guinéen Cheik Doukouré et "Samba Traoré" du Burkinabè Idrissa Ouédraogo à hau­teur de 1,5 mil­lions de FF.

Malgrè cette excep­tion, le désen­ga­ge­ment des bai­leurs de fond et des télé­vi­sions du Nord va crois­sant vis-à-vis des ciné­mas afri­cains. Dans ce pay­sage plutôt pes­si­miste, il semble bon de s’inter­ro­ger sur le deve­nir des poli­ti­ques de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique pro­nées par les ins­ti­tu­tions pana­fri­cai­nes comme la FEPACI ou l’OUA. Souffrant du désin­té­rêt des Etats afri­cains, seul le Burkina Faso fait figure d’exem­ple et tente la mise en place d’une véri­ta­ble poli­ti­que ciné­ma­to­gra­phi­que dans son propre pays. Dans ce cadre, un exem­ple de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que émerge pro­gres­si­ve­ment en Afrique : les copro­duc­tions Sud / Sud. Suggérées dans les textes, le Burkina Faso a été le pre­mier pays afri­cain d’Afrique de l’Ouest à les ini­tier. La fin de l’apar­theid en Afrique du Sud a ouvert également de nou­vel­les pos­si­bi­li­tés dans cette voie.

II / L’émergence de pos­si­bi­li­tés nou­vel­les dans les copro­duc­tions Sud / Sud

A / le Burkina Faso : un pays pion­nier en matière de copro­duc­tion

* le rôle de la TNB (Télévision Nationale Burkinabè) :

La Fepaci man­da­tée par les cinéas­tes afri­cains a fait du rap­pro­che­ment de la télé­vi­sion et du cinéma le prin­ci­pal cheval de bataille de son pro­gramme de déve­lop­pe­ment du cinéma et de la télé­vi­sion en Afrique. Lors des Journées du Partenariat Audiovisuel tenues à Ouagadougou du 25 au 27 février 91 à l’occa­sion du Fespaco, le rap­pro­che­ment entre télé­vi­sion et cinéma fut évoqué. Il devait passer par un réel échange dans le domaine de la pro­duc­tion et de la dis­tri­bu­tion, entre télé­vi­sions du Sud et les cinéas­tes d’une part, entre ceux-ci et les télé­vi­sions étrangères d’autre part.

En dépit de ses dif­fi­cultés maté­riel­les et finan­ciè­res, la TNB arrive à copro­duire des films avec des cinéas­tes natio­naux et des télé­vi­sions inter­na­tio­na­les. En matière de coo­pé­ra­tion cinéma-télé­vi­sion, elle est un exem­ple pro­bant en Afrique fran­co­phone. Depuis 87, elle est partie pre­nante dans les tour­na­ges de films. Par des accords de copro­duc­tion, elle permet aux réa­li­sa­teurs afri­cains l’accès aux Fonds de l’Agence de la Francophonie, condi­tion­nés par la par­ti­ci­pa­tion d’un dif­fu­seur. Ses tech­ni­ciens, quel­ques 105 agents, et son maté­riel ser­vent régu­liè­re­ment les dif­fé­ren­tes pro­duc­tions.

* les rôles suc­ces­sifs de ses dif­fé­rents cen­tres de pro­duc­tion : DIPROCI, DCN...

Par ailleurs, le Burkina s’illus­tre depuis 1970 par sa par­ti­ci­pa­tion en copro­duc­tion (voir annexe) à la réa­li­sa­tion de films afri­cains. Actuellement, il a à son actif quel­ques 26 films afri­cains copro­duits dont le pre­mier est "FVVA"31 du Nigérien Moustapha Alassane. Mais, c’est à partir de 1983 avec "Le Médecin de Gafiré"32 du Nigérien Moustapha Diop, que cette forme de pro­duc­tion va se sys­té­ma­ti­ser. En 1986, la copro­duc­tion du Burkina avec Cuba sur le film du Burkinabè Emmanuel Sanon "Desebagato, le der­nier Salaire"33 a assuré la prise en charge totale de la post-pro­duc­tion du film par les Cubains.

L’Algérie, à tra­vers le Centre Algérien pour l’Art et l’Industrie ciné­ma­to­gra­phi­que (CAAIC) est inter­ve­nue en 1991 à hau­teur de 30 % en pres­ta­tions humai­nes et maté­riels ainsi que la Côte d’Ivoire, pour 10 % sur le film bur­ki­nabè de Mamadou Djim Kola "Toungan, les Etrangers"34 . Ces expé­rien­ces furent des pre­miè­res dans la sous-région.

La par­ti­ci­pa­tion du Burkina sous forme directe dans la copro­duc­tion des films est la plus pra­ti­quée : chacun apporte ce dont il est capa­ble. Les parts pro­duc­teurs des recet­tes ou des pro­duits pro­ve­nant de l’exploi­ta­tion, de la dif­fu­sion et de la vente du film sont répar­tis au pro­rata de leur apport.

Par exem­ple, dans le cas de "Rue Princesse"35 copro­duit avec Focale 13, la maison de pro­duc­tion du réa­li­sa­teur ivoi­rien Henri Duparc, la DIPROCI a par­ti­cipé en maté­riel tech­ni­que à hau­teur de 15,11 % du budget du film. Dans les cas de "Kawilasi"36 du Togolais Kilizou Blaise Abalo et de "Laafi" du Burkinabè Pierre Yaméogo, elle a par­ti­cipé en maté­riel, en tech­ni­ciens et en argent à hau­teur de 30 % du budget du film. Pour "Laafi", la par­ti­ci­pa­tion de l’Etat s’est élevée à 23 449 600 FCFA (20% du budget), soit 10 000 000 FCFA cor­res­pon­dant à l’avance sur recet­tes et 13 449 600 FCFA cor­res­pon­dant à la valeur finan­cière des pres­ta­tions de la DIPROCI dans la prise en charge des tech­ni­ciens et d’un cer­tain nombre de maté­riels.

Par ce biais, les films "Sarraounia"37 du Mauritanien Med Hondo, "Yeelen"38 du Malien Souleymane Cissé, "Le Choix"39 du Burkinabè Idrissa Ouédraogo, "Histoire d’Orokia" du Burkinabè Jacob Sou et du Français Jacques Oppenheim ont pu être également réa­li­sés. Dans le cas du film de Med Hondo, le Burkina Faso a accordé à l’équipe de tour­nage, des moyens de trans­port et d’héber­ge­ment. Financièrement, cette aide a repré­senté 20 % du budget du film. En contre­par­tie, le Burkina Faso avait droit pen­dant la durée des droits d’auteur à une part des recet­tes pro­ve­nant de l’exploi­ta­tion du film.

Le même sys­tème fut appli­qué pour une durée de cinq ans avec le film "Yeelen" du Malien Souleymane Cissé. Les auto­ri­tés bur­ki­nabè ont apporté leur contri­bu­tion à la réa­li­sa­tion du film en four­nis­sant le maté­riel de tour­nage et en assu­rant l’assis­tance des tech­ni­ciens bur­ki­nabè durant toute la période de tour­nage au Mali, entre sep­tem­bre 1984 et novem­bre 1986.

Une autre forme de copro­duc­tion est inter­ve­nue à la suite d’un accord signé entre le Burkina Faso et Cuba pour la réa­li­sa­tion en sep­tem­bre 1986 du film "Le der­nier Salaire" (Desebagato) du Burkinabè Emmanuel Sanon : le coût total du film était estimé à 128 mil­lions de FCFA. Les tech­ni­ciens cubains ont par­ti­cipé direc­te­ment au tour­nage à Ouagadougou. Les tra­vaux de fini­tion en labo­ra­toi­res ont été effec­tués à La Havane. Le film fut prêt à la veille du Xème Fespaco pour y être pré­senté. Dans ce cas précis, la contri­bu­tion de l’Etat bur­ki­nabè s’est faite grâce à une déci­sion prise le 30 avril 1986 d’accor­der l’aval de l’Etat aux cinéas­tes bur­ki­nabè pour béné­fi­cier des prêts ban­cai­res. Ainsi Emmanuel Sanon a pu dis­po­ser de 40 mil­lions de FCFA.

Cette for­mule a été renou­ve­lée lors de la réa­li­sa­tion du film "Yam Daabo" (Le Choix) du Burkinabè Idrissa Ouédraogo au coût total de 56 mil­lions de FCFA.

Quant au film "Histoire d’Orokia", c’est une expé­rience ori­gi­nale. Pour la réa­li­sa­tion, les deux met­teurs en scène, Burkinabè et Français, ont entre­pris des démar­ches auprès de privés bur­ki­nabè, de l’Association des Comédiens et de la Direction de la Production Cinématographique : l’apport finan­cier des privés a permis l’achat des pel­li­cu­les et le tour­nage en quatre semai­nes. Au terme d’un accord commun, les comé­diens et tech­ni­ciens n’ont pas été rému­né­rés immé­dia­te­ment. Ils ne le furent qu’après déduc­tion des frais enga­gés (notam­ment les tra­vaux de fini­tion en labo­ra­toi­res) à partir des recet­tes effec­ti­ve­ment encais­sées à l’occa­sion de l’exploi­ta­tion. Théoriquement, toutes les par­ties concer­nées sont pro­prié­tai­res du film. Cette for­mule ori­gi­nale a permis de réa­li­ser le film avec 13 mil­lions de FCFA. L’aide de l’Etat s’est concen­trée prin­ci­pa­le­ment sur les tra­vaux de fini­tion.

* la signa­ture d’accords de coo­pé­ra­tion :

Convaincu de l’impor­tance de la copro­duc­tion, le Burkina Faso a ainsi déployé une véri­ta­ble poli­ti­que dans ce domaine. Nous avons déjà vu qu’il a signé en 91 des accords de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que avec la France. Il a aussi été à l’ori­gine de la signa­ture d’accords de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que avec deux pays afri­cains, le Togo et le Ghana. Par le canal des accords entre le Burkina et la France, des pers­pec­ti­ves de par­te­na­riat direct s’ouvrent entre ces pays non signa­tai­res qui béné­fi­cie­ront des mêmes avan­ta­ges lorsqu’il entre­ront en copro­duc­tion avec eux. Tel est le cas, par exem­ple, du Togo. Les accords de coo­pé­ra­tion ciné­ma­to­gra­phi­que passés avec ces pays ont permis la copro­duc­tion d’Etat à Etat, en 1991, du film "Yeelbedo"40 de Abdoulaye D. Sow du côté bur­ki­nabé et, en 1993, du côté togo­lais, de "Kawilasi" d’Abalo Kilizou. Ce film qui est le pre­mier long métrage de fic­tion du Togo illus­tre l’impor­tance de l’inté­gra­tion. A part le réa­li­sa­teur et les comé­diens, toute l’équipe tech­ni­que était bur­ki­nabè. "Ashakara" du Français Philippe Souaille a été tourné dans les mêmes condi­tions, au Togo.

Dans le cas du Ghana, les accords n’ont pas encore donné lieu à des copro­duc­tions. Des visi­tes d’études réci­pro­ques se sont dérou­lées de part et d’autre. L’axe Ouaga-Accra est en chan­tier et vient une fois de plus prou­ver que les dif­fé­ren­ces lin­guis­ti­ques ne sont pas des bar­riè­res sur le chemin de l’inté­gra­tion. Surtout au niveau du cinéma qui est un lan­gage uni­ver­sel. "Sankofa"41 de Hailé Gérima a été tourné au Ghana par des tech­ni­ciens gha­néens et amé­ri­cains avec l’apport d’une forte équipe de tech­ni­ciens bur­ki­nabè.

Comme on peut le voir, ces copro­duc­tions sont sur­tout le fait du Burkina Faso. C’est encore le Burkina Faso qui est à l’ori­gine de son rap­pro­che­ment avec le Zimbabwe. Pour son film "Kini & Adams"42 , le réa­li­sa­teur bur­ki­nabè Idrissa Ouédraogo43 a en effet initié une copro­duc­tion avec le Zimbabwe. Il avoue :

"Il est impor­tant que nos poli­ti­ques de copro­duc­tion Sud / Sud soient basées sur des textes de loi com­muns qui per­met­tent, par exem­ple, que l’argent puisse être ren­floué grâce au sys­tème de bille­te­ries. Le Burkina a copro­duit des films en appor­tant son maté­riel et la com­pé­tence de ses tech­ni­ciens, mais force est de cons­ta­ter que les dif­fé­ren­tes expé­rien­ces ont été amères du fait que les cais­ses de l’Etat n’ont rien récolté en retour. La consé­quence en est qu’aujourd’hui, la Direction du Cinéma du Burkina a opté pour la loca­tion de son maté­riel, ce qui pose des dif­fi­cultés cer­tai­nes à des cinéas­tes dont l’état de finan­ce­ment ne peut leur per­met­tre de louer du maté­riel au prix fort et dans le même temps, faute de recet­tes, la Direction du Cinéma ne peut se per­met­tre d’enga­ger des dépen­ses pour la révi­sion de son maté­riel ou ache­ter des équipements".

Ainsi, ces copro­duc­tions Sud / Sud, pour se déve­lop­per, auront besoin de cla­ri­fier la nature de leur par­ti­ci­pa­tion pour éviter les décep­tions. Cependant, elles lais­sent entre­voir pour les films afri­cains de belles oppor­tu­ni­tés du fait même qu’elles per­met­tent d’ouvrir le marché sur d’autres pays afri­cains. L’ouver­ture récente du Burkina Faso vers le Zimbabwe laisse entre­voir le marché zim­babwéen, mais aussi sud-afri­cain.

B / l’Afrique du Sud : un nouvel espoir.

Au Zimbabwe, l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que encore jeune a été lar­ge­ment détruite pen­dant la gué­rilla des années 70, mais la paix et sur­tout, l’indé­pen­dance de 1980, l’a fait renaî­tre. Des réa­li­sa­teurs étrangers qui cher­chaient des exté­rieurs afri­cains appro­priés se sont rendus au Zimbabwe. En 1986, Richard Attenborough a tourné "Cry Freedom"44 . Des pro­duc­teurs d’autres films anti-apar­theid, comme "Mandela", "Une saison blan­che et sèche"45 , "Un Monde à part"46 , "Dark City" et "The Power of One", ont également choisi le Zimbabwe pour les exté­rieurs, faute de ne pou­voir tour­ner, du fait du contexte poli­ti­que, en Afrique du Sud. Avec ces films, une base de com­pé­ten­ces loca­les s’est mise en place, et des réa­li­sa­teurs locaux ont pu s’impo­ser avec des comé­dies comme "Jit"47 ou "Neria"48 , qui font par­ties des plus gros succès com­mer­ciaux du Zimbabwe. Parallèlement, ce pays a déve­loppé à Harare le Central Film Laboratory (CFL) qui peut se vanter aujourd’hui d’une vaste gamme d’ins­tal­la­tions de poin­te49 . Il attire des cinéas­tes afri­cains de tous hori­zons favo­ra­bles à la coo­pé­ra­tion Sud-Sud. Le réser­voir local d’acteurs est en expan­sion et une agence artis­ti­que créée récem­ment, Nexus, peut four­nir des acteurs et des figu­rants pour des pro­duc­tions. Le réa­li­sa­teur bur­ki­nabè Idrissa Ouédraogo, mais aussi la Burkinabè Fanta Régina Nacro ont tenté l’expé­rience en tour­nant leurs films au Zimbabwe. Les pro­duc­tions natio­na­les les plus récen­tes sont "More Time"50 , "I am the Future"51 , "The Grass is sin­ging"52 , "Flame" et "Everyone’s Child". "Flame"53 d’Ingrid Sinclair raconte l’his­toire de Flame et Liberty, deux jeunes femmes, qui vont se join­dre à la gué­rilla des Rhodésiens pour l’indé­pen­dance de leur pays, devenu depuis Zimbabwe. "Everyone’s Child"54 est un film de Tsitsi Dangarembga55 . Il suit le destin tra­gi­que de deux enfants se retrou­vant seuls à la suite de la mort de leurs parents, décé­dés du Sida. Lors du 16ème Fespaco, Manu Kurewa pré­sen­tait "Mangwana"56, l’his­toire d’une ren­contre inat­ten­due dans la brousse du Zimbabwe entre deux hommes, Archie, un agri­culteur écossais vieillis­sant et Sekuru, un ancien du vil­lage local. Manu Kurewa est aussi l’auteur de "One Sunday Morning"57, un court métrage qui est un clin d’oeil aux pro­blè­mes de papier d’un couple de Nigerians tout frais débar­qués à Londres.

Ainsi, les ciné­mas d’Afrique anglo­phone com­men­cent pro­gres­si­ve­ment à se faire connaî­tre. Parallèlement, l’Afrique du Sud appa­raît de plus en plus comme un vivier de com­pé­ten­ces et d’infra­struc­tu­res pro­pice à un cer­tain nombre de col­la­bo­ra­tions et de copro­duc­tions.

Les années 90 ont vu une pro­li­fé­ra­tion de mai­sons de pro­duc­tion indé­pen­dan­tes, des pro­grès dans les ins­tal­la­tions de post-pro­duc­tion, une pro­duc­tion com­mer­ciale aug­men­tée et un inté­rêt inter­na­tio­nal crois­sant pour les réa­li­sa­tions ciné­ma­to­gra­phi­ques d’Afrique du Sud. Le dif­fu­seur d’Etat, le SABC, et la société de télé­vi­sion à péage, M-Net, ont sou­tenu et promu le déve­lop­pe­ment du cinéma. Par exem­ple, la copro­duc­tion pana­fri­caine "Africa Dreaming" a reçu des fonds du SABC. The "Africa Dreaming" est une série de six courts métra­ges de fic­tion de six pays dif­fé­rents d’Afrique ayant pour thème commun l’amour : Afrique du Sud, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Zimbabwe et Sénégal. Ces réa­li­sa­tions ont pu se faire grâce au concours de la SABC 2, une chaîne de télé­vi­sion sud-afri­caine, de Primedia et du Film Resource Unit, en copro­duc­tion avec ARTE58 . La M-Net59 a copro­duit le film "Fools"60 de Suleman Ramadan, consi­déré comme le pre­mier long métrage d’un réa­li­sa­teur noir sud-afri­cain61 . Ces deux pro­duc­tions ont été tour­nées en 1996 et ont été pré­sen­tées au Marché du Festival de Cannes 1997.

Le gou­ver­ne­ment sud-afri­cain sou­haite en effet cons­truire une indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que, déve­lop­per un public, des salles et faci­li­ter des pro­gram­mes de for­ma­tion. Pour cela, en août / sep­tem­bre 94, Ben Ngubane, le minis­tre sud-afri­cain du dépar­te­ment des Arts et de la Culture, de la Science et de la Technologie, a créé l’Actag, un groupe de tra­vail des Arts et de la Culture pour le conseiller sur la for­mu­la­tion des poli­ti­ques du nou­veau gou­ver­ne­ment. Quatre mois après la publi­ca­tion du docu­ment final de l’Actag, au mois de novem­bre 1995, Ben Ngubane nomina un groupe de réfé­ren­ces pour rédi­ger le Livre Blanc sur le cinéma, en uti­li­sant le docu­ment de l’Actag comme base. Dans le même temps, l’Agence du Développement du Cinéma devint la "Division de finan­ce­ment du Cinéma" et la sec­tion sur la for­ma­tion pour le cinéma men­tionna spé­ci­fi­que­ment la "vidéo". Il fut également recom­mandé dans le Livre Blanc que l’orga­nisme de Droit Public devait agir afin de faci­li­ter la créa­tion d’une fédé­ra­tion sud-afri­caine de fes­ti­vals du cinéma qui englo­be­rait aussi les fes­ti­vals locaux exis­tants.

Le gou­ver­ne­ment sud-afri­cain a aussi établi le SAFVF (South African Film and Video Foundation), un orga­nisme de droit public chargé de règler la pro­mo­tion du ciné­ma62 .

Ainsi, avec la fin de l’apar­theid, des débou­chés com­mer­ciaux dans le domaine ciné­ma­to­gra­phi­que et audio­vi­suel se sont pro­gres­si­ve­ment mis en place en Afrique du Sud. On peut penser que cette ouver­ture nou­velle va, à l’avenir, béné­fi­cier à l’ensem­ble des ciné­mas afri­cains.

Les ciné­mas d’Afrique anglo­phone, par­ti­cu­liè­re­ment d’Afrique aus­trale, tels le Zimbabwe, la Tanzanie, la Namibie, ont d’ores et déjà entamé des échanges de com­pé­ten­ces dans leurs pro­duc­tions res­pec­ti­ves.

Concernant la réa­li­sa­tion de son film "Flame", Ingrid Sinclair avoue dans une inter­view :

"Techniquement, on a tout fait au Zimbabwe, sauf pour le mixage-son et la copie finale, effec­tués en Afrique du Sud. Evidemment, la proxi­mité de l’Afrique du Sud est un grand avan­tage pour nous."63

Plus lar­ge­ment, l’Afrique du Sud a étendu sa col­la­bo­ra­tion avec les pays d’Afrique fran­co­phone. Elle est de plus en plus pré­sente lors du Fespaco, au Burkina Faso.

Quelques pro­jets pana­fri­cains com­men­cent à voir le jour comme, par exem­ple, "Mama Africa"64 pro­duit par Zimmedia, la maison de pro­duc­tion du Zimbabwéen Simon Bright. Mama Africa est une série de six films de 26 minu­tes filmés en 35 mm chacun pour la télé­vi­sion. Chaque his­toire se déroule dans un pays dif­fé­rent, allant des vil­la­ges arides du Sahel à la riche culture arabe de la Tunisie, en pas­sant par la savane du Kenya ; vers l’Ouest, aux vastes espa­ces du Botswana ; au Sud, à l’exten­sion de la vio­lence urbaine en Afrique du Sud. Chaque his­toire offre une pers­pec­tive dif­fé­rente mais, elles for­ment toutes un ensem­ble per­met­tant de com­pren­dre ce que signi­fie être une femme en Afrique.

Des fes­ti­vals exis­tent aussi en Afrique aus­trale, comme le Southern African Film Festival, à Harare au Zimbabwe, le Maseru Festival of African Film au Lesotho, le Southern African International Film & Television Market au Cap ou le UNISA Film Festival à Pretoria en Afrique du Sud. Ils par­ti­ci­pent aussi à faire connaî­tre les réa­li­sa­teurs de l’ensem­ble du conti­nent afri­cain et à faci­li­ter les échanges entre eux. Des pos­si­bi­li­tés nou­vel­les d’élargir leur champ d’action sont en train de se mettre en place vers des pro­duc­tions Sud-Sud inté­res­san­tes.

Une trop grande adap­ta­tion risque de com­pro­met­tre les films à venir. Acculée aux conces­sions inhé­ren­tes à l’inter­na­tio­na­li­sa­tion, cette ciné­ma­to­gra­phie risque de perdre à la fois son âme et la chance de sa survie...
En défi­ni­tive, une avan­cée serait garan­tie si l’inser­tion dans le marché inter­na­tio­nal allait de pair avec l’émergence de struc­tu­res afri­cai­nes à même de déve­lop­per des copro­duc­tions Sud-Sud pour un cinéma popu­laire ancré dans les cultu­res loca­les ainsi qu’une amé­lio­ra­tion de la dis­tri­bu­tion de la dis­tri­bu­tion et de l’exploi­ta­tion des films. Sans l’enga­ge­ment finan­cier des Etats afri­cains, de telles struc­tu­res ne peu­vent voir le jour, les inves­tis­se­ments dépas­sant les forces des quel­ques minis­tè­res fran­çais impli­qués : "Le volume actuel de flux finan­ciers permet de main­te­nir un cer­tain niveau de créa­tion, dit Frédéric Bontems, mais pas de déve­lop­per une véri­ta­ble indus­trie du cinéma en Afrique." Des ini­tia­ti­ves en tous sens mon­trent cepen­dant que des embryons de solu­tions peu­vent jeter les pré­mi­ces d’une future indus­trie du cinéma qui per­mette à l’Afrique de se sous­traire à l’éternelle dia­lec­ti­que du coeur et de la raison.

Sophie Hoffelt

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