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Rencontre avec Gentille M. Assih
Publié le : dimanche 6 septembre 2009
Comment s’est passée l’écriture documentaire avec Africadoc ?

Quel par­cours vous à conduit à ce film ?

Je suis togo­laise, je vis à Lomé. J’ai tou­jours rêvé de faire du cinéma. J’avais envie d’uti­li­ser ce canal pour aller vers les autres. Je me suis retrou­vée plutôt d’abord en com­mu­ni­ca­tion. J’ai fait des docu­men­tai­res ins­ti­tu­tion­nels. J’ai entendu parler d’Africadoc et j’ai pré­senté mon projet. Un pro­duc­teur togo­lais s’y est inté­ressé. Le docu­men­taire est plus fort que la fic­tion, qui essaie d’imiter le réel. Ce qui est plus com­pli­qué. Dans le docu­men­taire, on montre ce qu’il y a, les gens se sen­tent plus tou­chés par le docu­men­taire. Il faut avoir envie d’aller vers les autres, on ne peut pas mon­trer ce qu’on n’aime pas. Il faut aussi avoir une culture riche (pas for­cé­ment des diplô­mes !), mais pour sentir ce qui va plaire ou non. Et puis, ce qui est très impor­tant, avoir une raison de faire un docu­men­taire. C’est une prise de posi­tion, qu’on l’affi­che ou qu’on ne l’affi­che pas. Cet enga­ge­ment, il faut qu’on l’ait en soi pour réus­sir.

Quelles sont les rap­ports entre l’écriture, le tour­nage, le mon­tage ?

Au tour­nage, j’ai pu véri­fier des choses que je connais­sais théo­ri­que­ment. Avec Africadoc, nous avons appris à écrire des films docu­men­tai­res. Cela va sur­pren­dre cer­tai­nes per­son­nes. Cela permet à l’auteur de mûrir ce qu’il veut vrai­ment dire. Il ne suffit pas d’aller cher­cher des images et de les ali­gner. Il faut aller tour­ner en étant sûr de ce qu’on va cher­cher. C’est là l’impor­tance de l’écriture. Donc, lorsqu’on est devant le papier ou l’ordi­na­teur, on fait déjà une sorte de pré-mon­tage, on fait des choix, on a une idée du film. Mais il y a une ré-écriture qui se fait au mon­tage. A l’écriture, on était dans l’ima­gi­naire. L’idéal étant de bien connaî­tre le ter­rain. Mais au mon­tage, ce sont les situa­tions du réel, on a que ce qu’on a, ce que le réel a donné. C’est cela, la magie du docu­men­taire. C’est heu­reux quand on a ce qu’on a écrit, mais par­fois, le hasard peut venir impo­ser une autre écriture. Mais l’essen­tiel, c’est qu’à la fin, cela marche.

Quelles sont les étapes de la for­ma­tion à l’écriture d’Africadoc ?

Africadoc, c’est un dis­po­si­tif. On part sur une idée de film. Je pro­pose mon idée. On voit si le sujet peut inté­res­ser. Un col­lège de for­ma­teurs suit l’auteur pas à pas, on lui expli­que com­ment se passe l’écriture, le coache pour qu’il puisse dire ce qu’il a envie de dire. Il fait ses choix, il écrit, fait des pro­po­si­tions. Puis, chacun retourne dans son pays, faire des repé­ra­ges, avant de se retrou­ver en rési­dence d’écriture. A ce moment, les for­ma­teurs nous aident à écrire un dos­sier. Car il y a l’écriture, mais il y a aussi la notion de dos­sier qu’il faut com­po­ser pour inté­res­ser des pro­duc­teurs et accé­der à des finan­ce­ments. Cette étape finit par un "tenk", c’est à dire une ren­contre où Africadoc invite des pro­duc­teurs, des dif­fu­seurs qui vien­nent écouter et choi­sir des pro­jets.

Combien de temps a duré l’écriture d’Itchombi ?

Pour écrire Itchombi, j’ai écrit 15 jours, je suis retour­née deux mois en repé­rage au Togo, j’ai écrit à nou­veau 15 jours en rési­dence, et trois jours de pré­sen­ta­tion. Je connais­sais déjà mon pro­duc­teur togo­lais, on était arri­vés ensem­ble à Africadoc, qui encou­rage les cou­ples auteur-pro­duc­teur. La place du pro­duc­teur est très impor­tante pen­dant l’écriture parce qu’il est là pour voir l’enjeu. Je ne peux pas parler d’économie en tant que telle mais il peut dire "tu ne peux pas faire cela"... Il s’occupe du côté finan­cier, il cher­che des par­te­nai­res. Après, on coor­donne tout. Le par­te­naire peut avoir ses exi­gen­ces, et l’auteur doit com­pren­dre cela. Le pro­duc­teur trouve une conci­lia­tion.

L’écriture d’un docu­men­taire est-elle rému­né­rée ?

L’écriture est rému­né­rée dans ce sens que lors­que le dos­sier est fini, on peut dire que c’est une oeuvre. Et une oeuvre, cela se paie. Donc, si le film se fait, pour chaque auteur, il y a un contrat d’auteur qui est rému­néré. Le mon­tant dépend de la capa­cité de la pro­duc­tion. Quand il y a des rela­tions de confiance, il peut y avoir des avan­ces, pour per­met­tre à l’auteur de faire le tra­vail.

Une fois la phase d’écriture ter­mi­née et le projet financé, c’est le moment de partir en tour­nage.

Oui, théo­ri­que­ment. Mais il arrive qu’il y ait des situa­tions où l’on ne peut pas atten­dre qu’il y ait l’argent. Etant donné que c’est du réel, cela peut être quel­que chose qui doit se faire dans l’immé­diat. Les pro­duc­teurs trou­vent des arran­ge­ments pour faire en sorte que le tour­nage se fasse. Par exem­ple, pour filmer la cir­conci­sion, je venais de pré­sen­ter le projet et le vil­lage m’a annoncé qu’ils venaient de chan­ger les dates. Il fal­lait que je reparte le len­de­main matin ! Mon pro­duc­teur a dû tout mobi­li­ser en une nuit : le bus pour y aller, une jour­née de voyage, le maté­riel... cela m’a obligé d’être à la caméra parce que nous n’avions pas eu le temps de cons­ti­tuer une équipe, nous sommes partis comme ça ! Cela aussi, cela fait partie de la magie du réel.

Ce n’était pas inti­mi­dant, de cadrer soi-même ?

J’ai fait des films ins­ti­tu­tion­nels, donc je maniais déjà la caméra. La dif­fi­culté, cela a été d’aller vers l’inconnu, de me retrou­ver seule femme parmi les hommes. Mais cela s’est bien passé.

En quoi peut-on parler d’écriture dans la salle de mon­tage ?

C’est dif­fé­rent selon les films, les moyens uti­li­sés. En termes de rushes, il n’y a rien de défini. Pour Itchombi, je me suis retrou­vée avec 18 heures de rushes, disons 18 cas­set­tes. C’était un désor­dre ! On n’avait pas de chro­no­lo­gie. Comment réé­crire le film ? Nous avions ce qu’on atten­dait, mais on n’avait pas le début du film car l’idée était de partir avec un per­son­nage, voya­ger avec lui et faire tout le chemin avec lui. Mais la situa­tion était dif­fé­rente. On était en pleine céré­mo­nie quand il est arrivé. On a joué au puzzle. Nous avons fait, au mon­tage, un tra­vail de recons­truc­tion, sans déna­tu­rer le dérou­le­ment du rituel. On s’est rendu compte que dans cet espace, à un moment, l’indi­vidu n’exis­tait plus. C’était le groupe des ini­tiés qui pri­mait.

Vous êtes repas­sée par le papier lors de cette étape du mon­tage ?

Oui. Pendant que la mon­teuse cons­ti­tuait des séquen­ces, sur papier, je fai­sais des car­reaux, des des­crip­tions, en ima­gi­nant telle situa­tion avant telle autre. Donc, c’était une écriture aussi sur papier. Il a fallu même aller au tableau, faire des des­sins, avec des papiers punai­sés. Il n’y a pas que le mon­tage sur l’ordi­na­teur, il y a aussi le côté phy­si­que de la chose. La mon­teuse, Joëlle Janssen, a l’habi­tude du docu­men­taire : il faut trou­ver une logi­que dans ce qui se dit, raconter quel­que chose qui a un début, un milieu et une fin, dire quel­que chose dans une dra­ma­tur­gie bien défi­nie. Ce n’était pas évident au début mais on a sorti quel­que chose dont nous sommes conten­tes.

Propos recueillis par Caroline pochon

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