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Afrikamera célèbre les femmes
Publié le : dimanche 4 novembre 2012
ITW de Alex Moussa Sawadogo

Pour sa cinquième édition, le festival du film africain de Berlin donne la parole aux réalisatrices et réalisateurs sur leur vision de la femme, mais aussi du monde, de l’Afrique, de leur art.

Alex Moussa Sawadogo, son fon­da­teur, nous parle de la genèse de son projet, de son évolution et des défis à rele­ver.

Pourquoi avoir choisi ce thème « La femme, devant et der­rière l’écran » ?

La ques­tion me trot­tait dans la tête depuis long­temps. Pour cette cin­quième édition, il était donc temps de rendre grâce à cette femme afri­caine, qui se bat sur tous les fronts. C’était aussi l’occa­sion de battre en brèche l’idée selon laquelle cette femme afri­caine est oisive, moins créa­tive et sans ambi­tion. Nous avons de très bonnes comé­dien­nes, des auteu­res, des pro­duc­tri­ces, des direc­tri­ces de cas­ting, des mon­teu­ses et dans tous les métiers du cinéma, les femmes sont autant capa­bles que les hommes et les femmes de tous les conti­nents. Mais dès le début, l’idée n’était pas de faire un fes­ti­val de films de femmes mais plutôt un fes­ti­val où la femme serait au cœur du débat. Mais la ques­tion doit aussi être posée par les hommes, pour confron­ter deux regards dif­fé­rents. De même, nous ne nous sommes pas res­treints aux thèmes tra­di­tion­nels, comme la condi­tion de la femme, la liberté, l’exci­sion. Nous trai­tons des femmes au cœur de la créa­tion artis­ti­que, des ques­tions poli­ti­ques, de l’actua­lité du monde et du futur l’Afrique.

Comment cela se tra­duit-il dans la sélec­tion des films ?

Nous aurons en film d’ouver­ture « Sur la plan­che », le film de la réa­li­sa­trice Leila Kilani, pré­senté à la Quinzaine des réa­li­sa­teurs à Cannes. Il s’agit là d’un film de femmes sur les femmes, dans lequel se res­sen­tent les pré­mi­ces des révo­lu­tions arabes. Yasmina Adi, dans son docu­men­taire « Ici on noie les algé­riens » n’est en revan­che pas là pour parler des femmes mais pour poser de réel­les ques­tions poli­ti­ques. Nous pré­sen­te­rons aussi de la Sud afri­caine Sarah Blecher « Otelo Burning ». Ainsi que des courts métra­ges du Mozambique, un docu­men­taire du béni­nois Idrissou Mora Kpaï « Indochine, sur les traces d’une mère »... Au total, on nous soumet 300 à 400 films par an, ce qui est bien pour un petit fes­ti­val. La sélec­tion s’appuie bien sûr sur le res­pect du thème, mais pas seu­le­ment. Pour moi, l’ori­gine du réa­li­sa­teur est impor­tante. Afrikamera doit d´abord donner la parole aux réa­li­sa­teurs afri­cains. Enfin, la qua­lité artis­ti­que du film est pri­mor­diale, car à Berlin, le public est cri­ti­que.

Qui est-il ce public, la dia­spora afri­caine ou des Allemands curieux de la culture du conti­nent noir ?

Sans hési­ta­tion, le public alle­mand. C´est ce public loin des réa­li­tés afri­cai­nes que je veux convain­cre. Ce public qui voit l´Afrique uni­que­ment à tra­vers la caméra d’Arte ou la ZDF. Bien sûr que l’Afrique est pauvre et qu’elle a des pro­blè­mes, mais la nou­velle Afrique qui bouge, qui avance selon son rythme existe ! Et ça, les Africains en sont déjà cons­cients.

Comment vous est venue l’idée de créer ce fes­ti­val annuel du film afri­cain dans la capi­tale alle­mande ?

Je suis arrivé à Berlin il y a dix ans et il était évident qu’il y man­quait quel­que chose de l’Afrique. Toutes les gran­des villes occi­den­ta­les comme Londres, Madrid, avaient leur fes­ti­val afri­cain, mais pas ici. De plus, la ville accueille chaque année la Berlinale, où les films afri­cains sont rares et où il est dif­fi­cile d’obte­nir une place dès qu´il est pro­grammé. Il était donc plus que néces­saire de créer une pla­te­forme pour le cinéma afri­cain. Il est uto­pi­que de consi­dé­rer Berlin comme une ville mul­ti­cultu­relle, alors que, dans le même temps, l’Afrique a du mal à s’implan­ter. Soit par manque de volonté poli­ti­que ou par manque d’enga­ge­ment de la com­mu­nauté afri­caine. Pour moi, il était donc évident que pour que la poli­ti­que cultu­relle s’y inté­resse, il fal­lait que la dia­spora fasse le pre­mier pas. Etant donné que j’ai tra­vaillé dans le cinéma et que j’ai suivi des études de mana­ge­ment cultu­rel, j’en avais les capa­ci­tés. Je me suis donc entouré d’une bonne équipe et nous nous sommes lancés.

Et cinq ans après, com­ment jugez-vous son évolution ?

Après cinq ans d’affi­lée, c’est déjà une belle sur­prise d’être tou­jours là. On peut dire qu’on a ajouté quel­que chose au cinéma afri­cain à Berlin. Mais aujourd’hui, même si Afrikamera est sur de bons rails, nous ne sommes jamais sûrs d’être là l’année sui­vante. Nous devons à chaque fois repar­tir à la recher­che de par­te­nai­res. Certains, comme le GIZ (société alle­mande de coo­pé­ra­tion inter­na­tio­nale), TV5Monde, l’Institut Goethe, Heinrich Böll Stiftung nous sui­vent d’année en année. D’autres non. Cette fois, nous avons réussi à accro­cher le fond cultu­rel de la ville de Berlin. Mais le budget reste non fixé d’une année sur l’autre. La recher­che des finan­ce­ments com­mence donc 14 ou 15 mois avant le fes­ti­val sui­vant. Notre ter­rain d’action s’élargit également. En 2012, nous avons fait un Focus Afrikamera au fes­ti­val du film de Hambourg en pré­sen­tant quel­ques films. La salle était hyper­com­ble et l’inté­rêt visi­ble. Tout en res­tant à Berlin, nous avons donc décidé de nous délo­ca­li­ser sur quel­ques villes, dans la région de Nuremberg, à Munich et si pos­si­ble dans d´autres villes. L’objec­tif est d’aller à la ren­contre du public alle­mand, qui n’a pas la chance de venir à la Berlinale, pour lui mon­trer une autre Afrique à tra­vers un autre cinéma.

Et que conseille­riez-vous à une per­sonne qui sou­hai­te­rait se lancer dans une telle aven­ture ?

Donne-toi du temps ! Prépare tout très minu­tieu­se­ment, le concept, les par­te­nai­res, l’orga­ni­sa­tion. Car au tra­vers de ces événements, nous véhi­cu­lons une image. Si cela se passe bien, que les gens sont contents, pas de pro­blème. Mais s’il est mal orga­nisé, chao­ti­que, les gens vont penser : « Ah, voilà, encore une fois l’Afrique et les afri­cains ! ». Or, nous sommes capa­bles de le faire, et de le faire bien !

Propos recueillis par Gwénaëlle Deboutte
Berlin, novem­bre 2012

Photo : Alex Moussa Sawadogo
Originaire du Burkina Faso, Alex Moussa Sawadogo est arrivé dans la capi­tale alle­mande il y a dix ans. Après un cursus d’his­toire de l’art et après avoir tra­vaillé dans le cinéma dans son pays, il entame des études de mana­ge­ment cultu­rel à Berlin. Aujourd’hui, en paral­lèle d’Afrikamera et ses acti­vi­tés de pro­gram­ma­teur de cinéma, il gère aussi un fes­ti­val de danse afri­caine contem­po­raine, qui a lieu tous les deux ans.

Programmation

- 13 novem­bre, Sur la Planche (On the edge), Leila Kilani (Maroc, France, Allemagne)
- 14 novem­bre, Otelo Burning, Sara Blecher, (Afrique du Sud) Indochine sur les traces d’une mère (Indochina, Traces of a Mother), Idrissou Mora Kpai, (France, Bénin)
- 15 novem­bre, Mozambique Shorts (courts-métra­ges, Mozambique), Imani , Caroline Kamya (Ouganda, Suède)
- 16 novem­bre, Robert Mugabe – What Happened ?, Simon Bright, (Zimbabwe, Afrique du Sud, Grande-Bretagne) Weibsbilder “African Sisters of the Screen
- 17 novem­bre, Conférence, les femmes dans le cinéma afri­cain, Witches of Gambaga, Yaba Badoe (Ghana), Ramata, Léandre-Alain Baker (Sénégal)
- 18 novem­bre, Ici on noie les Algériens 17 octo­bre 1961, Yasmina Adi, Charismatic Area Girl from Lagos : One Small Step / Scent of the streets, Remi Vaughan-Richards (Nigéria), Une femme pas comme les autres, Abdoulaye Dao (Burkina Faso)

Afrikamera à Berlin du 11 au 18 novembre
site web d’[Afrikamera]

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