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Andalucia : Une leçon « d’intranquillité » positive !
Publié le : samedi 12 avril 2008








Cinéma Le Mélies, Pau, le 7 mars 2008. Alain Gomis pré­sente son der­nier enfant, pardon, son der­nier film : Andalucia. Personne, dans la salle, n’a l’air de s’atten­dre à une démons­tra­tion de fla­menco, quoi­que… Après deux films remar­qués, L’Afrance en 2002 et Petite Lumière, court métrage en 2003, s’agira-t-il d’un autre opus tourné vers l’Afrique ? …On sait que la ges­ta­tion en fut longue et on se pré­pare à la sur­prise quand le réa­li­sa­teur franco séné­ga­lais déclare avec un sou­rire. « Je vous sou­haite autant de plai­sir à voir ce film que j’en ai eu à le fabri­quer ! Ne vous posez pas trop de ques­tions et soyez libres ! ».

Sage conseil ! Dès la pre­mière image, un der­vi­che tour­neur, l’écran est envahi par un énergumène en colère, Yacine, dont les cent quatre vingt quinze cen­ti­mè­tres en mou­ve­ment font explo­ser les règles du cinéma de papa. Un feu d’arti­fice à tous les étages trans­forme le spec­ta­teur en sis­mo­gra­phe, tous sens en alerte. Fantastique Samir Guesmi ! Et non moins fan­tas­ti­que, le propos de Gomis. Cet état de sus­pen­sion, d’entre deux cultu­res, de fuite et de recher­che qu’on pour­rait, hâti­ve­ment, n’attri­buer qu’à un beur de la deuxième géné­ra­tion, c’est le nôtre ! Enfin, ce devrait être le nôtre si nous étions tou­jours vivants et non per­sua­dés de la légi­ti­mité de nos ori­gi­nes. Une leçon d’intran­quillité posi­tive !

Yacine en colère contre les évidences, caté­go­ries, sillons, clas­se­ments et autres dik­tats qui vou­draient le ranger quel­que part. Y com­pris ses pro­pres vel­léi­tés. Et qui court ! Et qui rêve, et s’entoure d’un pan­théon choisi, autant d’images déco­rant sa cara­vane. Petits bou­lots impro­ba­bles, à la marge de la vie, des amours comme des bulles, légè­res et vola­ti­les, Yacine grap­pille avec pas­sion tout ce qui peut s’attra­per, tout ce qui peut retar­der le moment de s’arrê­ter. Comme il faut bien venir de quel­que part, lui, c’est de la ban­lieue. Un beur qui refuse son rôle : tra­hi­son ? Revenir, visi­ter ses parents, retrou­ver ses copains de casse, dou­leur ! De son père, il fait une vic­time, et ne sait par quel bout lui faire passer son amour.

Ce fai­sant, il fait vivre la rue, comme le sang court dans les veines. Sa rage inter­pelle, fait monter la confi­dence. Les yeux s’ouvrent vers des inté­rieurs, les lan­gues se délient, des êtres sor­tent de l’ombre. Ruptures de rythme, plages de calme, entre deux cour­ses folles. Le scé­na­rio qui s’appa­rente à de l’écriture auto­ma­ti­que, offre des bon­heurs éclectiques : du ter­rain de foot de Pelé au Musée Grévin, sur un tour­nage où Yacine et ses amis font de la figu­ra­tion, en boîte avec la jet set, dans sa cara­vane avec ses belles de pas­sage, double ration à la soupe du soir, les mains de son père car­ros­sier(comme celui du réa­li­sa­teur) façon­nant la tôle, les gras­ses volu­tes d’un bitume noir qu’on étale sur la route, un Vincent des­cendu du ciel, une modèle fra­ter­nelle … La belle caméra de Benoît Chamaillard se penche vers les humains de ren­contre, se relève pour courir après Yacine, qui repart, tou­jours !

Des scènes comme des balles, qui vous tra­ver­sent, et n’en finis­sent pas de rebon­dir. Une espa­gnole conseille à Yacine d’aller à Tolède. Là bas, il est reçu comme le Messie, tout le monde lui montre la direc­tion…du Musée. Où, dans la salle des Apôtres, il décou­vre sa tête repro­duite à l’infini. Il y a quatre siè­cles, El Greco, un pein­tre catho­li­que d’ori­gine grec­que a fait son por­trait, celui de son père, de ses cou­sins. Il pousse jusqu’à Grenade et on entre­voit une éventuelle syn­thèse à l’ori­gine du titre. Semaine Sainte, le rouge, le noir, l’orphéon, les ors, et les priè­res, celles de son père le car­ros­sier converti au catho­li­cisme. Et Alméria, le sud, la lumière, le désert, le vent.

Une dame, dans la salle, eut le cou­rage de dire qu’elle trou­vait ce film vide. Et Alain Gomis d’en reconnaî­tre le non confor­misme et de parler du « duende » cher aux anda­lous : le moment où les doigts vont plus vite que la tête. A chacun son choc émotionnel !

Michèle Solle

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