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Les Cinémas d’Afrique et la question de la formation
Publié le : jeudi 2 mars 2017
Fespaco 2017

Le thème du pré­sent Fespaco est le sui­vant : Formation et métiers du cinéma et de l’audio­vi­suel. L’argu­men­taire du fes­ti­val nous rap­pe­lait que, déjà en 2005, le thème por­tait sur la « for­ma­tion et enjeux de la pro­fes­sion­na­li­sa­tion ». Il est écrit que : « le FESPACO poin­tait déjà le cur­seur sur la néces­sité de se former dans le milieu du cinéma et de l’audio­vi­suel en pleine révo­lu­tion numé­ri­que. En effet, du tour­nage à l’exploi­ta­tion en pas­sant par la dis­tri­bu­tion et la dif­fu­sion, l’outil de tra­vail fut assez vite happé par le tour­billon des chan­ge­ments tech­no­lo­gi­ques. Encore bal­bu­tiants dès les pre­miè­res expé­rien­ces, voire réti­cents, les cinéas­tes afri­cains, 12 ans après, ont fini tous par s’adap­ter à cette nou­velle forme de cinéma, bap­ti­sée par­fois de « 8 arts » sous cer­tains cieux. Depuis, réa­li­sa­teurs, tech­ni­ciens, mon­teurs, tous ces vir­tuo­ses du 35 mm d’alors, vont pro­gres­si­ve­ment fran­chir le pas de la for­ma­tion for­melle ou non, l’enjeu étant d’être au dia­pa­son de cette nou­velle donne ciné­ma­to­gra­phi­que et audio­vi­suelle ».

Lors du Fespaco de 2005, Clap Noir avait publié des arti­cles sur cette pro­blé­ma­ti­que. Un retour dans le passé m’a permis de relire ce que nous disions déjà en ce temps-là. Dans un arti­cle inti­tulé « Le ton est donné » du 23 février 2005, nous écrivîmes ceci : « Qui est pro­fes­sion­nel ? Celui-là qui tra­vaille dans le cinéma sans for­ma­tion ini­tiale et qui en vit ou celui qui a appris ce métier à l’école, c’est-à-dire qu’il a un diplôme. Les métiers du cinéma ont la par­ti­cu­la­rité d’avoir deux faces. La pre­mière est la maî­trise de la tech­ni­que, la seconde est le don. On a beau avoir fait une grande école de réa­li­sa­tion, si on n’est pas doué pour diri­ger des acteurs, diri­ger une équipe, on ne fera que des piè­tres pres­ta­tions. La seconde face de la pièce est la sui-vante. Le don ne suffit pas pour faire un bon cinéaste.
Il faut appren­dre le métier soit dans des écoles créées pour cela, soit sur le ter­rain. Le ter­rain est de plus en plus banni par les pro­fes­sion­nels comme lieu d’appren­tis­sage et de for­ma­tion. On remar­que que quand x ou y dit s’être formé sur le tas, il est tout de suite mis de côté. Cette for­ma­tion n’est pas mau­vaise en soi, mais il faut qu’elle soit faite dans des condi­tions pro­fes­sion­nel­les et qu’elle soit le trem­plin vers des lieux de for­ma­tion et de maî­trise de la tech­ni­que. »
Vous pouvez lire la suite en cli­quant là

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Combien d’écoles ont été créées depuis lors ? Combien sont les pro­duc­teurs, les réa­li­sa­teurs, les déco­ra­teurs, les tech­ni­ciens et les comé­diens qui ont eu à suivre des for­ma­tions sur le conti­nent afin de s’adon­ner à l’exer­cice de ce noble métier qu’est celui du cinéma ? Il est peut-être temps de quit­ter la scène des vœux pieux et sté­ri­les pour celui de l’action. Nous ne pour­rons pas pro­fes­sion­na­li­ser notre cinéma avec des tech­ni­ciens non formés, des spé­cia­lis­tes qui cumu­lent plu­sieurs fonc­tions de pro­duc­teur à dis­tri­bu­teur en pas­sant par réa­li­sa­teur, déco­ra­teur, etc...

Voilà ce que nous disait Bekolo lors d’une inter­view qu’il nous a accor­dée en 2013. « Ce qui est étonnant c’est que jusqu’à aujourd’hui nous sen-tons encore du vide, l’absence d’une plate-forme de post-pro­duc­tion où on peut résou­dre les pro­blè­mes tech­ni­ques. Il ne faut pas qu’on conti­nue à penser que l’Afrique est han­di­ca­pée tech­ni­que­ment, alors qu’on voit tous les jeunes qui mai­tri­sent les der­niers logi­ciels et l’infor­ma­ti­que par­fois mieux qu’en occi­dent. Le fait est qu’on est face à un aban­don, il n’y a pas de struc­ture pensée pour regrou­per tous ces jeunes qui sont un peu livrés à eux-mêmes. Il y a les écoles qui par­fois aussi pêchent à ne pas insis­ter sur la fini­tion. C’est-à-dire qu’on forme sur-tout des réa­li­sa­teurs, mais pas des tech­ni­ciens qui sont capa­bles de maî­tri­ser un studio de pro­duc­tion aussi bien dans son ins­tal­la­tion que dans sa main­te­nance, la mise à jour des logi­ciels, la capa­cité vrai­ment à aider quelqu’un à finir un film »
Suite de l’inter­view ici.

Nous pen­sons qu’il faut à pré­sent, lancer des écoles qui pro­po­se­ront des BTS foca­li­sés sur les métiers du cinéma et de l’audio­vi­suel. À tra­vers ces BTS, nous pour­rons rêver de former de bons tech­ni­ciens qui vont très rapi­de­ment être rever­sés sur le marché de l’emploi et ils pour­ront, avec le temps, gravir les échelons du métier afin de finir par mai­tri­ser tous les roua­ges de la pro­duc­tion et de la dis­tri­bu­tion ciné­ma­to­gra­phi­que et vidéo­gra­phi­que. L’expé­rience de Nollywood montre que, si la volonté et les moyens sont mis en avant, une indus­trie peut se mettre en place avec des com­pé­ten­ces loca­les, sans trop tendre la main vers des par­te­nai­res qui ne tra­vaille pas for­cé­ment pour le déve­lop­pe­ment artis­ti­que et cultu­rel de nos nations.

Autre facette de la chose. Le cinéma ne peut exis­ter sans les médias. Il faut donc que dans les jour­naux, des cri­ti­ques se for­ment et se donne la peine d’écrire des arti­cles sur les films et les séries qui sont dif­fu­sées sur les chai­nes de télé­vi­sion, à défaut de salle de cinéma. C’est en met­tant ensem­ble les com­pé­ten­ces que les pro­duc­tions aug­men­te­ront dans les pays, sur­tout fran­co­pho­nes, et les pro­chai­nes éditions du Fespaco ver­ront plus de films s’ins­crire pour les com­pé­ti­tions.

Terminons par un clin d’œil aux cher­cheurs et uni­ver­si­tai­res. Il est aujourd’hui temps que des recher­ches se fas­sent et se dif­fu­sent sur les ciné­mas d’Afrique. La recher­che per­met­tra d’asseoir des réflexions théo­ri­ques et des recher­ches empi­ri­ques sur nos ciné­mas et leurs por­tées socio­lo­gi­ques, anthro­po­lo­gi­ques, etc. Nous en avons besoin pour faire évoluer les connais­san­ces sur nos ciné­mas. Donc, dans nos uni­ver­si­tés, la réflexion doit aussi être menée pour des par­cours de recher­che fon­da­men­tale sur les ciné­mas.

Achille Kouawo

Illustration photo : tour­nage du film Frontières d’Apolline Traoré

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