un film de Olivier Zuchuat, France, 2004, 64’
SYNOPSIS
“Qui paie ses dettes s’enrichit”, dit le proverbe.
Parfois, les proverbes se trompent : les pays de l’Afrique subsaharienne ont emprunté des millions de dollars dans les années 70 au titre de l’aide au développement. Mais certains comme le Mali ont déjà remboursé aux pays riches plus de sept fois les montants empruntés alors que la dette restant à payer a été multipliée par quatre ; la mathématique financière est parfois bien curieuse.
En bambara, Djourou signifie dette mais aussi corde au cou. Dans la crise de la dette extérieure qui étrangle le Mali, qui tient la corde et pourquoi ne la lâche-t-il pas ?
Ce film convoque, comme sous un arbre à palabres, diverses paroles souvent irréconciliables : un ministre malien des finances, un expert en économie du développement, des avocats helvétiques chargés de retrouver l’argent de la dictature dans les coffres des banques suisses, des paysans planteurs de coton, un représentant du Fonds Monétaire International et le spectre d’un dictateur déchu.
A PROPOS DU FILM
Une histoire de dettes… une dette de l’histoire.
Petite chronologie
Née de la décolonisation, la République du Soudan (actuels Mali et Sénégal) n’aura vécu que 10 mois. En 1961, la jeune république vole en éclats et de la scission naît la République du Mali. L’ancien instituteur Modibo Keita est porté au pouvoir du nouvel Etat et il y instaure une économie planifiée sur le modèle de l’Europe de l’Est. La décolonisation se passe dans la douleur : marasme économique, pas de développement industriel, le franc malien chute, des milices populaires tyrannisent la population. Néanmoins de nombreuses entreprises étatiques sont créées, dont la plupart viennent seulement d’être privatisées. La corruption s’installe au Mali et la France se désengage petit à petit au profit de l’URSS.
Le 19 novembre 1968, Modibo Keita est renversé par le lieutenantcolonel des parachutistes Moussa Traoré soutenu par la France de Pompidou. 23 ans de dictature vont suivre. Les putschistes installent un pouvoir népotique et corrompu. Devenu république bananière, le Mali s’enlise.
Dès 1970, les banques et les institutions financières du Nord sont en surabondance d’argent liquide. Elles cherchent à placer leurs « pétrodollars » et trouvent alors des débouchés idéaux : elles les prêtent aux pays du Sud à des taux favorables, bientôt suivies par les banques centrales de pays industrialisés ( URSS, Japon, France dans le cas du Mali). Des millions de dollars sont donc prêtés à taux très bas au gouvernement de Moussa Traoré. Des routes, un barrage et des usines sont construits. Mais en raison des « mauvaises gestions », une grosse partie de cet argent est utilisé de manière frauduleuse. En quelques années, le Mali se sur-endette : en 1980, le Mali a une dette extérieure de quelque 700 millions de dollars, équivalant à la moitié du Produit Intérieur Brut. Tout le monde est au courant des détournements effectués, mais les pays du Nord ferment les yeux, heureux de la stabilité relative qui règne au Mali et en Afrique de l’Ouest.
La crise des années 80
Au début des années 80, c’est la crise financière aux Etats-Unis qui décide de la politique anti-inflationniste, avec pour conséquence une hausse des taux d’intérêts. Pour les pays africains, c’est la catastrophe. Les taux d’intérêts de la dette passent de 7% à 12%. Simultanément, les cours des matières premières qui constituent l’essentiel de leurs exportations s’effondrent. Ils n’ont plus de devises et ne peuvent plus rembourser. En 1985, la dette du Mali a doublé : 1,5 milliards de dollars. La communauté internationale prend peur et les prêts diminuent de moitié. Le franc CFA s’effondre et les exportations du Nord deviennent plus chères. Condamnés à exporter à prix réduit leurs matières premières (coton, or) et à importer à prix croissant, le Mali et ses voisins sont enfermés dans un cercle vicieux.
Banque Mondiale, FMI et Club de Paris
Créés au sortir de la seconde Guerre mondiale pour reconstruire l’Europe, le FMI et la Banque mondiale ont vu leurs fonctions radicalement changer dès le début des années 80. Désormais entièrement dévouées aux pays en voie de développement, ces deux institutions ont mis en place des plans drastiques destinés à restructurer les économies africaines et à les rendre solvables pour attirer les investisseurs et rembourser la dette. La logique de ces « plans d’ajustements structurels » promulgués par le FMI est simple : pour rembourser la dette, il faut augmenter les exportations. Pour attirer les investisseurs étrangers, il faut des taux d’intérêts locaux élevés et baisser les dépenses publiques. Généralement, ce sont l’éducation et la santé qui sont les premières touchées par ces mesures d’économies. Grâce aux capitaux étrangers et aux revenus d’exportations, il était attendu que l’Afrique se désendette et puisse importer des équipements technologiques du Nord… C’est cette politique qui a été mise en place au Mali. On a planté du coton destiné à l’exportation et réduit drastiquement le budget de la santé et de l’éducation… Les entreprises étatiques ont été vendues pour renflouer l’Etat et le Mali est devenu le deuxième producteur d’Afrique de coton.
1990-2000 : la spirale
Le cours du coton s‘est écroulé sur les marchés internationaux. Le Mali a vu sa dette quadrupler, pour atteindre 3,2 milliards de dollars. Ayant réuni les conditions de « bonne gouvernance » édictées par le FMI, le Mali bénéficie de deux allègements successifs de sa dette. Ce sont les programmes PPTE, instaurés par le FMI et la Banque mondiale à la fin de l’année 1996, et qui consistent à accorder des remises de dette à des pays très pauvres et très endettés ayant prouvé leur volonté d’appliquer sans attendre des politiques très libérales. Le Mali bénéficie ainsi d’une réduction de sa dette de 870 millions de dollars, mais d’autres dettes sont venues se rajouter. Le problème reste entier : l’Etat malien, en 2002, remboursera 275 millions de dollars d’intérêts de dette, ce qui représente plus que les budgets de l’éducation et de la santé réunis pour l’année (125 millions de dollars pour la santé, 140 millions de dollars pour l’éducation). En septembre 2002, Jacques Chirac a annoncé au nouveau président Amani Touré dit « ATT » que la dette bilatérale du Mali envers la France serait allégée de 40%, ce qui correspond à 80 millions d’euros…Reste toujours 2,7 milliards de dollars à rembourser, et le prix du coton sur les marchés mondiaux ne cesse de s’effondrer…
LE REALISATEUR
Olivier Zuchuat est n é en 1969 à Genève (Suisse). Après des études de physique théorique, il obtient une maîtrise en Philosophie et en Littérature française. Il se consacre ensuite au théâtre comme metteur en scène ou comme dramaturge. Il a également travaillé comme monteur avec Nicolas Philibert, Dominique Gros et Frédéric Compain. En 1999, il assiste le metteur en scène Allemand Matthias Langhoff (Le Révisor de Gogol). Depuis 2001, il se consacre essentiellement au cinéma documentaire ; il réalise "Mah Damba une griotte en exil" et en 2003, "Dollar, Tobin, FMI, Nasdag et les autres".
FICHE TECHNIQUE
Réalisation, montage : Olivier Zuchuat
Image : Corinne Maury, Olivier Zuchuat
Son : Makanfing Konate, Gautier Stoll, Frédéric Choffat
Mixage : Stéphane Larrat
Etalonnage :Eric Salleron
Producteurs délégués : Serge Lalou, Virginie Vallat
Directeurs de production : Charlotte Uzu, Bénédicte Félix
Traduction : Abdoulaye Diarra
Coproduction : Les Films d’ici, Les Films du Mélangeur, TV10 Angers
Support : Beta numérique - Couleur / N&B Français / Bambara sous-titré Français
distribution : Les Films du Paradoxe Tél. : 05 61 16 06 51 - videoparadoxe@wanadoo.fr
Le site du film : www.djourou.org
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France