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Le Fespaco, Titanic ou Phoenix ?
Publié le : dimanche 10 mars 2013
Fespaco 2013

Le grand bateau vient de bou­cler sa 23ème croi­sière. Grâce au réchauf­fe­ment de la pla­nète, il n’a pas encore ren­contré l’Iceberg. En sup­por­te­rait-il le choc un demi-siècle après sa sortie des chan­tiers ? Sous la pein­ture renou­ve­lée, la coque se fis­sure.
Sur le pont supé­rieur, ce ne sont que fêtes, récep­tions et ban­quets. Le capi­taine se met en frais pour choyer les hôtes de la pre­mière classe, et si, dans les cales, des sou­tiers inconnus écopent dur, les autres pas­sa­gers, livrés à eux-mêmes, se débrouillent tout seuls...

Communication et Relations Publiques ont sup­planté depuis long­temps le Cinéma , ins­tru­men­ta­lisé, devenu pré­texte à l’orga­ni­sa­tion d’un événement de pres­tige. Oubliés les enjeux ori­gi­nels : un art au ser­vice de tous ? Que sont deve­nues les pro­jec­tions dans les ciné­mas de quar­tiers ? Veut-on favo­ri­ser la fré­quen­ta­tion des salles ? Aucun des ciné­mas popu­lai­res, en plein air n’étaient de la partie cette année. Exit l’Oubry, le ciné Tampouy …

Plus de prix du public... De quel public d’ailleurs ? Jadis cha­peauté par RFI et le MAE, ce prix n’a pas trouvé repre­neur ! Pourquoi cette désaf­fec­tion des par­te­nai­res privés ou ins­ti­tu­tion­nels ? Où est passée la fer­veur popu­laire du Fespaco ?

Ceux qui n’ont pas 1000F CFA (1,5€) pour ache­ter la place de cinéma peu­vent tou­jours aller gra­tui­te­ment au stade du 4 août pour l’ouver­ture et la clô­ture, ainsi qu’aux concerts du soir. Tout ça sans une seule image, désolé, c’est un détail ! Panem et cir­cen­ses ! Comme dans la Rome d’avant les frères Lumière...

Hier et demain

Tandis que la cha­leur assomme la ville rendue à ses acti­vi­tés habi­tuel­les, que les petits mar­chands des rues déses­pé­rés de la fuite des étrangers, vous har­cè­lent avec l’énergie du déses­poir, les lan­gues se délient et on apprend enfin la raison de l’énorme panne de réseau qui a empoi­sonné le tra­vail des médias de ce 23ème Fespaco. Le coup du câble rompu, c’était du pipeau. En fait c’est une grève des sala­riés de l’ONATEL qui est à l’ori­gine de cette énorme « panne ». L’ONATEL, Office National des Télécommunications, entre­prise d’État his­to­ri­que, a été rache­tée par des inves­tis­seurs maro­cains. Pour mieux faire enten­dre leurs reven­di­ca­tions concer­nant les salai­res et condi­tions de tra­vail, les sala­riés ont lancé une grève 8 jours avant le début du Fespaco...Mauvais calcul appa­rem­ment, l’immi­nence de l’évènement n’a pas eu l’effet escompté. La grève a donc conti­nué pen­dant au moins 15 jours, aux der­niè­res nou­vel­les, des négo­cia­tions seraient en cours.

Pas de chance pour les jour­na­lis­tes qui ont essuyé de lon­gues heures d’atten­tes sur Internet, manqué nombre de rendez vous télé­pho­ni­ques, réduits à la por­tion congrue de pro­jec­tions, privés de l’effer­ves­cence des ren­contres fes­ti­ves qui sont l’essence du Fespaco !

Quand donc le Fespaco se dotera-t-il d’un ser­vice de presse, digne d’un grand Festival ? Annoncé depuis dix ans, et tou­jours inexis­tant à ce jour, c’est une déses­pé­rante arlé­sienne. A l’heure du numé­ri­que, il serait grand temps que l’équipe aux com­man­des se sai­sisse à plei­nes dents des nou­veaux outils de com­mu­ni­ca­tion, avant que d’être com­plè­te­ment coulée.
Dans ce pays, où la pra­ti­que du cinéma semble être consi­dé­rée comme un sport d’élite, l’élan des pion­niers s’est-il tari ? Comment s’étonner alors que cer­tains pro­fes­sion­nels aban­don­nent le Fespaco, vampés par les sirè­nes d’autres fes­ti­vals moins mythi­ques mais plus effi­ca­ces ? On en vien­drait pres­que à sou­hai­ter l’implo­sion annon­cée et que le bel oiseau se relève enfin des cen­dres, qui, cette année, ont bien failli avoir sa peau...

Aujourd’hui

Cinéma Burkina, la vie conti­nue : on roule le tapis rouge et on affi­che le pro­gramme de la semaine.

Aujourd’hui, (tra­duc­tion de Tey) d’Alain Gomis, l’étalon d’Or de l’édition 2013. Trois séan­ces par jour du 3 ou 10 mars : 21 séan­ces. Bigre ! On ne peut plus dire que le public soit oublié.
Lundi soir, 20h30. Comme un adieu au Fespaco, retrou­ver le fau­teuil rouge tout près de l’écran et suivre, une fois de plus, la déam­bu­la­tion de Saul Williams dans ce Dakar qu’il vit pour la der­nière fois. Pas plus de trente per­son­nes dans la salle. On pro­jette la copie 35.
Question au res­pon­sa­ble de la pro­gram­ma­tion qui sur­veille les entrées : « 21 séan­ces avec le même film, c’est habi­tuel ? Pourquoi ne pas pro­gram­mer par exem­ple Moi, Zaphira ? » Il a un geste d’impuis­sance ! « Je fais ce que je peux ! Gomis m’a laissé son film, par contre, comme le contrat est un peu flou, je n’ai pas le droit de faire de la pub... Pour les autres films, je vou­drais bien mais je n’ai pas le temps de courir après les réa­li­sa­teurs ou leurs dis­tri­bu­teurs, per­sonne n’est pressé, ici ! »
Par contre, il sait déjà que la semaine sui­vante, c’est le film de Boubacar Diallo , Congé de Mariage qui rem­plira la salle, et, celui de Thierry Michel L’affaire Chebeya, un crime d’État, pren­dra la suite. A en juger par le succès ren­contré lors du Fespaco, nul doute qu’entre le mari­vau­dage bour­geois à la oua­ga­laise sélec­tionné dans la com­pé­ti­tion long métrage et le procès des assas­sins d’un défen­seur des droits de l’homme en RDC, pro­jeté hors fes­ti­val, le ciné Burkina ren­floue ses cais­ses et comble d’aise quel­ques spec­ta­teurs.

Bye bye Ouaga, ses mil­liers de motos, ses taxis aléa­toi­res, sa pous­sière rouge et ses ven­deu­ses de frai­ses. Bye bye Ouaga, cité phare du cinéma, que tes écrans conti­nuent encore long­temps d’illu­mi­ner une nuit pas vrai­ment amé­ri­caine et que, par un bon coup de baguette ton fes­ti­val retrouve sa magie !

Michèle Solle

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