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Une affaire de nègres
Publié le : dimanche 13 septembre 2009
Sortie française le 23 septembre 2009

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Le pari d’Osvalde Lewat n’est pas chose facile lorsqu’elle choi­sit dans son film « Une affaire de nègres » de trai­ter d’une page des plus som­bres de l’his­toire récente du Cameroun : le Commandement Opérationnel, une Unité Spéciale crée par le gou­ver­ne­ment. Véritables mili­ces sup­po­sées faire régner l’ordre, ce corps armé a semé la ter­reur et s’est rendu res­pon­sa­ble d’un nombre incal­cu­la­ble de morts et de dis­pa­ri­tions avec l’aval com­plai­sant des auto­ri­tés.

Fouillant son enquête, la réa­li­sa­trice libère une parole que l’on sent thé­ra­peu­ti­que en abor­dant ce tabou de la société came­rou­naise. Son film donne ainsi voix au cha­pi­tre à ceux qui se bat­tent depuis des années pour que le jour soit fait sur les exac­tions de ce Commandement Opérationel, bra­vant une à une mena­ces de mort et autres ten­ta­ti­ves d’inti­mi­da­tion.

Au-delà de la clarté et de la force du propos, ce film séduit par un rap­port intime aux inter­ve­nants que la réa­li­sa­trice choi­sit de filmer. On est ainsi saisi par l’épisode sur­réa­liste des funé­railles sym­bo­li­ques qu’une famille décide d’offrir à un de ses dis­pa­rus en enter­rant un pal­mier qui sym­bo­lise le corps absent. Les rues de Douala qui défi­lent der­rière un pare brise où s’écrasent mol­le­ment d’épaisses gout­tes de pluie nous ins­tal­lent dans une atmo­sphère de mélan­co­lie qui fait de ce film plus qu’un simple docu­ment. On regrette en revan­che au cours du film que ces éléments poé­ti­ques se fas­sent de plus en plus rares au profit d’inter­views, certes édifiantes, mais beau­coup plus conve­nues sur le plan formel.

Pourtant, à aucun moment l’atten­tion ne décro­che de ces récits tous plus sai­sis­sants les uns que les autres, jusqu’au micro-trot­toir final, pro­vo­ca­tion néces­saire de la réa­li­sa­trice, qui en appelle à un réveil des cons­cien­ces du peuple came­rou­nais. Elle y déli­vre un mes­sage clair et lourd de sens, un cri d’urgence, une injonc­tion à sortir de la pro­pa­gande, afin que la volonté popu­laire enfin s’élève pour faire bar­rage aux formes les plus ini­ques de domi­na­tion poli­ti­que.

Sophie Perrin (Clap Noir)

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