« Ce film est pour moi une quête d’un père que je n’avais pas vraiment connu. Je voulais faire découvrir aux nigériens, qui est véritablement Mamani Abdoulaye au-delà de son roman Saraounia- », ainsi s’est exprimée la réalisatrice Amina ABDOULAYE MAMANI peu après la projection de son film. Ce fut un challenge de 4 ans qui l’a menée un peu partout à la recherche des derniers compagnons de l’illustre disparu.
Dans ce film « Sur les traces de Mamani Abdoulaye », on retrouve un jeune homme qui dès le plus jeune âge s’est engagé en politique dans un contexte colonial marqué par l’emprise de la présence française. Sans retenue et sans gants, Mamani Abdoulaye a été raconté par ceux qui conservent encore en mémoire une partie de l’histoire politique du Niger. Il s’agit de la lutte des classes, des violences pré et post-électorales ayant conduit à l’indépendance du pays, puis au régime dictatorial de Seyni Kountché intervenu à la suite du coup d’Etat du 15 avril 1974.
Mamani Abdoulaye, c’est aussi l’histoire de ce père qui n’était pas toujours là… pour sa famille. Dans le film, on y retrouve la jeune Amina, âgée de 10 ans attendant le retour de ce père parti en voyage et qui avait promis de revenir avec une poupée. Il ne reviendra plus jamais. Avant Amina, son grand frère avait grandi sans la présence paternelle, car ce dernier vivait en exil. L’écrivain meurt en 1993, sur la route de Zinder à Niamey, en allant chercher un prix littéraire, le prix Boubou Hama.
Sans peut-être le savoir, sans le vouloir, Amina a exhumé un pan de l’histoire du Niger ignoré par certains livres.
La question qui se pose, qui est réellement Abdoulaye Mamani ? L’encyclopédie en ligne Wikipédia le décrit comme un révolutionnaire. Engagé politiquement, Abdoulaye Mamani fait partie très tôt du Parti Progressiste Nigérien, avec notamment Boubou Hama, Djibo Bakari, Hamani Diori. En 1956, il a vingt-cinq ans, il est élu député de Zinder, avec le Sawaba parti né d’une scission avec le Parti Progressiste. Il est ensuite désigné représentant du Niger au Grand Conseil de l’Afrique Occidentale Française (AOF) à Dakar.
En 1960, à l’indépendance du Niger, le Sawaba est contesté par le pouvoir en place, et par Hamani Diori. Abdoulaye Mamani dirige le journal du parti, mais ce dernier est interdit. Abdoulaye Mamani décide donc de s’exiler. Il ne revient à Niamey que quatorze ans plus tard, avec la chute du régime de Diori. Pendant son exil, l’écrivain voyage beaucoup : au Ghana, au Mali, en Algérie, en Égypte. En Algérie, il publie Poémérides en 1972, et sa pièce de théâtre Le balai, un an plus tard, en 1973. Lors de son voyage aux États-Unis, il est proche du mouvement du Black Panther Party.
À son retour au Niger après le coup d’Etat de 1974, il est emprisonné par le président Seyni Kountché, qui avait déjà subi plusieurs tentatives de coups d’État. Celui-ci était décidé d’enfermer tous les anciens activistes politiques. En prison, Abdoulaye Mamani côtoie un autre grand écrivain nigérien, Ibrahim Issa. À sa libération, en 1980, il publie son roman Sarraounia. L’intrigue reprend des faits réels : la lutte d’une reine Azna contre la mission Voulet-Chanoine. "Sarraounia" signifie "reine" en haoussa. C’est une fonction qui désigne la cheffe du village de Lougou, au sud-est du Niger.
Abdoulaye Mamani reprend la fonction et en fait le nom de son héroïne littéraire. Le livre a été adapté au cinéma par Med Hondo : le film Sarraounia a été primé au festival du FESPACO. Dans le film de Amina, Mamani Abdoulaye a souligné qu’il avait longuement muri cette œuvre dans son esprit car il n’avait aucune ressource pour accoucher ses idées. Pas d’écritoire, pas de stylo à plus forte raison de calepin.
La réalisatrice du film « Sur les traces de Mamani Abdoulaye » Amina débute au cinéma avec un documentaire de fin d’études « Hawan idi » qui a remporté le 1er prix du meilleur film documentaire d’école au FESPACO 2013.
Abandé Moctar
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France