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Qui écrira notre histoire ?
Publié le : samedi 23 février 2019
Fespaco 2019

« L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera, au nord et au sud du Sahara, une histoire de gloire et de dignité. ». Cette prophétie, de Patrice Lumumba, est inscrite dans la dernière lettre qu’il adressa à son épouse peu avant de disparaitre.
Qui écrira notre histoire ?
Qui filmera notre histoire ?

Depuis une décennie, notre continent connait des multiples troubles. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les médias ou simplement de saisir une requête de recherche de Google sur l’Afrique, sa situation politique pour s’en rendre compte. La situation est très peu reluisante. Entre les migrants qui meurent en pleine traversée ou qui sont fait esclaves, les fondamentalistes et autres terroristes qui veulent assujettir tout un espace, les crises politiques qui finissent toujours par des élections contestées, des coups d’État, nous n’avons que l’embarras du choix. Plusieurs grands maux caractérisent la vie sur le continent : misère, maladie, famine, guerre, mauvaise gouvernance. Les images que les médias qui ont de l’audience montrent de notre continent sont toujours les mêmes : un continent en marge du progrès. Les médias africains et européens présentent toujours du continent une image misérabiliste, une image qui occulte les réussites, les belles villes, les écrivains et autres artistes qui réussissent, etc. Est-ce l’image de nos pays pleine de vitalité ?

Où s’écrit notre histoire ?
À Paris bien sûr. Les pays de l’Afrique francophone jouissent d’une indépendance, depuis les années 60. Mais, constat douloureux, tout se décide à Paris. Que ce soit sur le plan politique, économique et culturel, nous faisons tout le temps appel au fameux partenariat qui nous lie à la France. C’est une tradition dit-on. C’est bien pour respecter cette tradition que la première conférence de presse de lancement du Fespaco ne se fait pas à Ouagadougou, mais à Paris. Même s’il est vrai que le premier film réalisé par des Africains francophones est intitulé Afrique-sur-Seine, le temps est peut-être venu de rompre avec cette Françafrique. Revenons à ce court-métrage, très peu connu par la jeune génération de réalisateurs africains, parce que pas enseigné dans les écoles de formation. Ils étaient trois à le réaliser : Jacques Mélo Kane, Mamadou Sarr, et Paulin Soumanou Vieyra. C’était en 1955. Cette une fiction de 21 minutes a pour synopsis : « Ce film raconte la vie d’étudiants Africains à Paris, leurs rencontres et la nostalgie qu’ils éprouvent loin de leur terre natale. L’Afrique est-elle aussi sur les bords de la Seine ? Ou au Quartier latin ? Interrogations aigres-douces d’une génération d’artistes et d’étudiants à la recherche de leur civilisation, de leur culture, de leur avenir ».
Tout est ici dit : interrogations aigres-douces d’une génération d’artistes et d’étudiants à la recherche de leur civilisation, de leur culture, de leur avenir. Cette question est encore et toujours d’actualité. Qui doit décider et où doit se décider le rayonnement et la sauvegarde de notre patrimoine historique ? À Paris ? Non crieront les africanistes. Mais, la réalité est tout autre. Qui finance notre cinéma ? Qui finance notre festival ? Qui finance les différents colloques que nous organisons lors du festival ? Paris… bien sur… et par extension, la Francophonie ou l’Union Européenne.

Couper le cordon ombilical.
À l’heure où s’ouvre le Fespaco, le 23 février 2019, dans plusieurs villes africaines, des mouvements de la société civile ont lancé la journée internationale de lutte contre le franc CFA et contre le néocolonialisme français. Il faut dire que depuis peu, des militants de la société civile éveillent les consciences des jeunes sur les différentes politiques menées dans les pays d’Afrique et sur les politiques impérialistes de la communauté internationale. À Kampala, Dakar, Niamey, Ouagadougou, les militants de la société civile dénoncent les abus des pouvoirs en place, la corruption, les failles de la justice et de la mal gouvernance. La finalité de tous ces mouvements, c’est bien sûr d’arriver à couper le cordon ombilical avec les anciens… ou nouveaux néo colons, et marcher résolument vers une indépendance. Ces mouvements doivent inspirer les acteurs des cinémas et audiovisuels d’Afrique. Paris ne doit plus être le point focal des cinémas d’expression francophone. Le financement de la production cinématographique, fait qui oblige bon nombre de cinéastes africains à résider à Paris, doit se repenser dans un mouvement de libération économique et culturel. Dans la dynamique de la réflexion pour la création d’une nouvelle monnaie pour les pays africains, il faudra aussi penser à la création d’un nouveau modèle de financement des activités culturelles et de la production audiovisuelle et cinématographique. Des modèles de réussite existent. Nollywood ne s’est pas fait en un jour… mais Nollywood s’est fait et c’est un modèle économique et artistique viable.

Écrivons notre histoire à travers nos films.
Aujourd’hui, nous fêtons les 50 ans du Fespaco. Lors de la première édition de ce festival, du 1er au 15 février 1969, 24 films étaient projetés devant 10 000 spectateurs et 5 pays africains y étaient représentés. Pour la 26ème édition, plus de 160 films seront présentés dont 20 longs métrages, 25 courts métrages 36 documentaires, 16 séries télévisuelles, 16 films des écoles de cinéma, 12 dessins animés et pleines d’autres programmations seront projetés. Des colloques et conférences, le marché du cinéma et les activités parallèles vont tenir en haleine les fespacistes durant la semaine. Mais après, quand chacun retournera chez lui, il faudra bien amorcer la transformation des cinémas d’Afrique. Il va bien falloir réfléchir à sortir de la situation de dépendance financière de notre système de production et libérer nos écrans de la communauté internationale. Il va falloir penser à lancer des revues spécialisées sur les cinémas d’Afrique qui entretiendront la flamme allumée entre deux éditions du festival. Il va falloir… Il va falloir… relever les nombreux défis auxquels sont confrontés les pays et les jeunes en manque de repères à cause de l’absence de héros sur les petits écrans.

Bon festival à tous… et que la fête soit belle.

Achille Kouawo

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