Un film de Nouri Bouzid, Tunisie
SYNOPSIS
Le film dont le décor principal est un tournage, raconte le drame de trois personnages. Le réalisateur Youssef, à l’âge des bilans, est déchiré entre une vie privée qui part à la dérive, et un film qui lui fait peur (car il remue tout en lui) mais dont il ne voit pas l’aboutissement. Le comédien, Dali, a accepté le principe d’ignorer au départ la destinée du personnage qu’il incarne, se sent manipulé quand il découvre que ce petit danseur de quartier évolue vers un intégriste en devenir. Il a peur du film et des enjeux qu’il porte, et va jusqu’à refuser de le finir. Enfin, le personnage de Bahta (que joue Dali), dévalorisé par les siens, malmené par les voisins du quartier, voit son projet de partir en Europe (pour devenir danseur) tomber à l’eau, à cause de la dernière guerre en Irak. Il échoue chez un louche prédicateur, qui va le manipuler, et lui faire un lavage de cerveau.
LE REALISATEUR
Né à Sfax en 1945, Nouri Bouzid est diplômé de l’INSAS de Bruxelles. Il a été assistant-réalisateur sur plusieurs films tunisiens et étrangers, co-scénariste et co-dialoguiste sur plusieurs films tunisiens. Making Off a remporté le Tanit d’or aux Journées Cinématographiques de Carthage en 2006.
Filmographie-1986 : L’homme de cendres
1989 : Les Sabots en or
1992 : Bezness
1997 : Bent Familia
2001 : Poupées d’argile
CRITIQUE
A travers l’histoire de Bahta, jeune danseur Hip Hop rebelle refusant le poids des convenances, « Making of » nous dévoile une société tunisienne en mutation. De l’underground d’une jeunesse maghrébine inspirée par la culture urbaine (Rap, Graff et Breakdance) aux réseaux terroristes intégristes religieux qui exploitent la misère et la perte de repères des jeunes générations, Nouri Bouzid nous présente le portrait fin et sans complaisance d’un jeune adulte qui se cherche et peine à se trouver.
« Making of » est une réflexion, un regard porté en profondeur sur une génération en proie au doute et à un avenir incertain. Bahta, comme tant d’autres, rêve d’Europe, de liberté, d’épanouissement… Mais Bahta, comme tant d’autres, étouffe de l’incompréhension des aînés, de la peur du changement, de l’absence de perspectives. Forte tête, déterminé, provocateur, il va faire les frais de formes diverses d’autorités et de malveillances, toujours masquées de bonnes intentions. Autour de ce portrait cru, au vitriol, d’un enfant du vingt-et-unième siècle naissant, incarné par un comédien (Lotfi Abdelli) touché par la grâce, le scénario nous met en présence d’une galerie de personnages secondaires d’une grande authenticité qui ancrent fermement le personnage dans une réalité socio-culturelle bien palpable.
Ce film courageux, s’attaquant avec une audace pleine de nuances subtiles aux risques de la dérive intégriste et de l’effritement des cultures du Sud face au rouleau compresseur global et libéral, nous invite en plus à prendre part aux réflexions qui ont présidé à sa création. Comment éviter les raccourcis et les amalgames, parfois plus criminels que les bombes ? Comment rendre compte sans la tronquer d’une réalité qui se nourrit d’enjeux et d’influences pléthoriques ? Comment incarner des idées sans leur ôter leur caractère d’universalité ? Comment critiquer sans condamner, expliquer sans juger ? Comment assumer une position engagée face aux tabous ? Comédien et réalisateur nous extraient temporairement de la fiction le temps de brefs intermèdes qui ponctuent et soulignent les nœuds dramatiques du récit, rendant le spectateur partie prenante de l’analyse.
« Ton film, c’est un monstre ! », lance le comédien au réalisateur ; et ce dernier lui-même affiche une crainte de voir sa créature lui échapper. Par ce dispositif de mise en abîme habile et inédit, Nouri Bouzid nous fait partager son urgence. Il nous fait toucher du doigt le besoin vital du créateur d’exprimer une parole libératrice, mais aussi l’angoisse de se mettre à nu et l’exigence de rester juste.
Au service de cette fiction hyper-réaliste et avant-gardiste, un casting parfait du premier rôle au moindre figurant, des dialogues acérés, des situations de cinéma à la fois émouvantes et chargées de sens, des plans soignés et une mise en scène si bien maîtrisée qu’elle se déguste en se laissant faussement oublier.
Avec cette œuvre singulière, Nouri Bouzid nous livre un grand film, un film utile, un film nécessaire. Rappelant comme il est important que des voix s’élèvent pour décrire autrement une réalité qui les concerne, le réalisateur maghrébin s’approprie le débat sur le terrorisme musulman et propose un point de vue férocement original dont la justesse fait mouche. Jusqu’à la fin, à laquelle nul ne s’attend mais qui s’impose comme une évidence, le récit nous rappelle qu’aucun acte n’est sans conséquence et que les rails du destin sont semés d’obstacles, parfois invisibles, qui ont le pouvoir de faire à jamais basculer les trajectoires individuelles et collectives.
Sophie Perrin
EQUIPE TECHNIQUE
Scénario et réalisation : Nouri Bouzid
Avec : Lotfi Abdelli – Lotfi Dziri – Afef Ben Mahmoud – Fatma Ben Saidane – Foued Litaiem
Image : Michel Baudour
Son : Michel Ben Saïd
Production : CTV Films
Musique : Néjib Charradi
Contacts : CTV Services / cvtfilm chez gnet.tn ; Tel : (216) 71 885 955 / 71 885 299 ; Fax : (216) 71 885 432.
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