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Fespachrono - 5 et 6
Publié le : vendredi 1er mars 2013
Ouagadougou est grand....et la montre pas si molle !

Fespaco 2013

Pour cette 23ème édition du Fespaco, on se surprend à poser toujours les mêmes questions : y a t-il un site général qui regrouperait jour par jour, toutes les manifestations et projections de la journée y compris celles qui sont hors programme ? A quoi sert le centre de presse ? Qui peut expliquer aux taxis où se trouve la salle du Palais de la Jeunesse et de la Culture « Jean-Pierre Guingané » ?
Quelques questions parmi d’autres … à part le public qui profite des grands panneaux affichés devant les salles et les invités tenus au courant depuis le desk de leurs grands hôtels, les catégories intermédiaires pâtissent d’une éclatante carence d’informations.

Après avoir tenté, en vain, de joindre Djamila Sahraoui la réalisatrice algérienne de Yema, par le biais du Centre de Presse et de son adresse internet, avoir, sur les conseils du réalisateur lui même (« l’endroit est impossible à trouver ») renoncé à une projection au fameux Palais de la Jeunesse qui ne doit avoir de majuscule que le nom, j’ai encore raté un événement d’importance puisque je lis ce matin dans le journal que notre ministre Yamina Benguigui s’est déplacée en personne pour saluer le Festival.
Le remède à cette carence est chronophage, et les choix frustrants. Entre perdre son temps et courir d’une salle à l’autre, j’ai choisi : ces deux derniers jours, ce fut cinoche entre deux salles et deux taxis et je m’en vais vous narrer tout ça par le menu :

Mercredi

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Ibrahima Touré

"Toiles d’Araignées" du malien Ibrahima Touré au ciné Burkina. L’histoire d’une fille qui dit non. Non, au mari imposé alors qu’elle en aime un autre. Mariama est presque analphabète mais elle sait qu’elle a le droit de refuser. Sa résistance déchaine la violence et la conduit en prison. C’est là, contre toute attente, qu’elle rencontrera compréhension et humanité. Parmi les autres prisonniers, se trouve un intellectuel résistant au régime et un vieux sage qui la protègent. Superbe allégorie d’une société déchirée entre coutumes et aspirations progressistes. L’actrice Viviane Sidibé est une Mariama lumineuse, entourée d’un casting irréprochable, elle traverse ce film comme une flamme. Peu de fictions déroulent leur action à l’intérieur d’une prison malienne, proximité et tortures, là vivent des être humains qui tous les jours sortent de leur cage pour tourner dans la cour ronde où tout est permis. A la sortie de la salle, beaucoup de monde admiratif autour d’ Ibrihima Touré.

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Devant le ciné Neerwaya

"Le Collier de Makoko" du gabonais Henri Joseph Koumba Bididi au ciné Neerwaya. Toujours sympa l’ambiance ici ! Ou comment fabriquer une comédie en mixant préoccupations écologistes, tenants de la coutume ancestrale, relents du colonialistes et gentilles charges contre les ONG de tout poil. Le réalisateur a mis toutes les chances de son côté en embarquant dans l’aventure, un beau petit garçon, son lion, une journaliste blanche parfaitement gaffeuse, un sauveur des espèces protégées très séduisant et deux affreux ridicules. Manque juste un peu de rythme, à mon goût...

"Por aqui tudo bem" de Pocas Pascoal , Angola au ciné Burkina, dernière séance . Est-ce un effet de cette belle langue portugaise ? Le film est d’une grande douceur. Et pourtant, le parcours initiatique de ces deux sœurs qui attendent à Lisbonne que leur mère, activiste en Angola pendant la guerre civile, les rejoigne, est loin d’être une promenade de santé. Une caméra intimiste suit la perte progressive de leurs repères , plus de chambre, plus d’argent, plus de nouvelles de la mère...Dans une Lisbonne peu accueillante aux réfugiés ennemis du régime, elles tentent de survivre ensemble et séparément. Comment garder le cap sans se perdre définitivement ? Respect pour ce remarquable trio de femmes : les deux jeunes actrices et la réalisatrice qui livre ici, une biographie familiale tragique puisque le film est dédié à la mémoire de sa sœur.

Jeudi

Effet d’un heureux hasard ce jour-là , je suis restée au ciné Burkina, sa salle, son bar, ses terrasses, pour les palabres entre amis, et, pour le soir la terrasse de l’hôtel Continental tout proche où la serveuse marche au ralenti mais vous apporte un nourriture d’autant plus honnête qu’ici, l’alcool est prohibé.
"Le Secret de l’Enfant Fourmi" , film français hors compétition de Christine François. Première fiction d’une spécialiste du documentaire. Devant l’affiche, j’avais des doutes, à écouter la réalisatrice je suis emballée. Et, une fois la projection terminée, bien déçue, mon intuition était la bonne, hélas ! D’un sujet passionnant, les infanticides rituels au nord Bénin, qu’elle a voulu transposer en fiction, ne reste qu’un typique film de toubabs... On met un temps fou pour envisager le sujet..au milieu des méandres d’un scénario à l’eau de rose,d’une bordelaise en mal d’affection arrivée en brousse pour récupérer son homme, se retrouve avec un bébé sur les bras et l’adopte...
Ça mérite une bonne Flag et une longue palabre avec Yannick des InrocKs …

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Newton Aduaka au ciné Burkina

"One man’s show" d’Aduaka Newton Ifeanyi, Nigéria. L’homme qui a gagné l’Etalon du Yennenga en 2007. A côté de moi, une petit garçon avec son papa. Avant la séance Aduaka monte sur scène pour déplorer le mauvais état du projecteur...Un film sombre, lent, qui suit son personnage incarné par Emile Abossolo, pas à pas, lors de l’anniversaire de son fils, temps heureux , puis dans une dérive douloureuse entre les 3 femmes de sa vie, la mère de son fils (Aïssa Maïga, transformée en bobonne...), son épouse blanche et sa dernière maîtresse beur. C’est à la mère de son fils qu’il apprend son cancer. Dernière longue séquence où l’acteur se lance dans une tirade existentielle, avec promesse du Paradis, mais lequel ? Les spectateurs sont bien dubitatifs à la sortie. Dur, dur de descendre de l’Etalon pour retrouver ses marques...

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le public au ciné Burkina

"O Grande Kilapy" de Zeze Gamboa, Angola. (Traduction : la Grande Arnaque). Encore cette langue portugaise enchanteresse qu’on a envie d’apprendre sur le champ. Encore le passé angolais dans la ville de Lisbonne ! Encore cette façon d’embrasser la vie de biais...Quoique Joazinho, le héros, y aille plutôt franchement avec le pognon, les copains, la fête, les belles voitures et surtout les belles femmes blanches qui lui tombent dans les bras, jamais regardant sur la provenance de l’argent qu’il distribue généreusement . Légende racontée par un témoin de l’Angola des années 60. Success story d’un fils unique qui fit les beaux jours de la Maison des Etudiants de l’Empire à Lisbonne, repaire de fêtards rebelles et d’indics. Entouré d’une cour de vrais et faux amis, renvoyé un jour en Angola, avec pertes et fracas, le héros est récupéré par son père qui le fait entrer au Trésor...et que fait-on à un Trésor ? On le pille, of course... et tout recommence. Pour que la légende soit complète,les partisans du MPLA en feront un héros à sa sortie de prison, sorte de Robin des bois angolais fêté par tous.
La nostalgie qui gomme le dur et qu’on déguste comme un cocktail bien frais !

"L’Affaire Chebeya, un crime d’État ?" de Thierry Michel, Belgique. Hors compétition. C’est la troisième projection pendant le Fespaco, hier soir ,au centre de presse Norbert Zongo, il a fallu se serrer... Nul doute que le procès de ces policiers accusés du meurtre du charismatique Floribert Chebeya le président de l’Association La Voix des sans Voix qui dérangeait énormément le régime de Kabila, parle à tout le monde en Afrique, la salle est bondée. Floribert Chebaya a été retrouvé assassiné dans sa voiture, une mise en scène avilissante suggère une crime sexuel...et son chauffeur a disparu, on n’a jamais retrouvé son corps . C’en est trop pour tout un pan du pays.

Thierry Michel obtient étrangement l’autorisation de filmer le procès devant la Cour Supérieure Militaire de Justice, des 5 policiers présents à l’audience. Cité comme témoin, le général Numbi, chef de la police refuse de se laisser prendre au piège. Comme au théâtre, on suit une joute passionnante entre les nombreux avocats des deux bords. L’horreur fait place au cocasse, des mensonges énormes sont proférés sous le couvert de la dignité bafouée ; crocodiles dans le marigot, les militaires et leur chef, n’ont qu’un objectif, nier face à la partie civile qui demande réparation. Quelques répliques magnifiques : « Nous n’avons pas la possibilité de requalifier un témoin en prévenu ! » déclare le président au sujet du Général Numbi, certainement l’instigateur du crime ...Dans la salle c’est du délire, applaudissement, cris, rires, et ovations à la fin. Thierry Michel peut savourer un succès cher payé : résident congolais,il a été expulsé du pays et le général Numbi a intenté un procès pour faire retirer son visage de l’affiche , procès perdu.
Thierry Michel, encore un réalisateur qui met sa caméra au service de l’avenir....

Juste un mot pour signaler chaudement l’installation dans les locaux de l’Institut français d’une oeuvre : de près, c’est un assemblage de chiffon et morceaux de bois, de plus loin, c’est le portrait de Sotigui Kouyaté et c’est une merveille !


Michèle Solle

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