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Une enquête dans les coulisses du pouvoir
Publié le : jeudi 29 mars 2012
L’affaire Chebeya de Thierry Michel

Le dernier film du cinéaste belge, spécialiste du documentaire géopolitique sur la RDC (Ex Zaïre) propose une enquête sur l’enquête. Comment la justice est-elle menée à Kinshasa sur une affaire très sensible, le meurtre de Floribert Chebeya, activiste des Droits de l’Homme et directeur exécutif de l’ONG « La Voix des sans voix » et sur la disparition de son chauffeur Fidèle Bazana ?
Un film qui nous éclaire sur la justice d’un pays héritant de 30 ans de Mobutisme et dirigé depuis par la famille Kabila – Joseph Kabila au pouvoir depuis l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila assassiné en janvier 2001-.

Pour cette enquête, Thierry Michel a pu tout filmer et pour cause ; dans ce pays où la censure est souvent présente, la pression diplomatique est grande et de nombreuses organisations internationales veillent à « l’indépendance, l’impartialité et la transparence » de l’enquête sur une affaire que l’on qualifie « d’État ». Quelques semaines avant le 50e anniversaire de l’Indépendance, des dossiers compromettant le pouvoir pouvaient entacher la fête : Chebeya dérangeait. Il enquêtait notamment sur le Général Numbi, chef de la police, entre autres pour son implication dans la répression sanglante du mouvement Bundu dia Kongo dans le Bas-Congo. On retrouva Chebeya mort dans sa voiture dans une macabre mise en scène et sans nouvelles de son chauffeur, porté disparu.

Ainsi, à travers le procès mené par la Cour militaire, on découvre d’un côté le travail remarquable de la justice militaire, droite, transparente, accréditée par les observateurs internationaux, de l’autre une enquête bafouée, menée par la police au sein de laquelle sont arrêtés les prévenus dans ses propres rangs.
C’est là que cela devient passionnant ; le film dissèque les rouages de l’enquête entre les différents protagonistes : l’armée, la police, l’Etat, la justice, un témoin crucial et les familles des victimes. Le réalisateur tente de mettre en évidence les liens étroits entre ceux qui de près ou de loin ont été complices dans la police, et qui révèlent les coulisses d’une administration corrompue, héréditaire.

Le plus intéressant est l’attitude du chef de la police, le général John Numbi, adoptant une posture "mobutienne" qui n’est pas sans rappeler l’ancien dictateur. Tout y est ; une ressemblance physique troublante, son rang faisant de lui un homme puissant, intouchable, proche du président. Son statut le mettant à l’abri de l’accusation puisqu’il est le plus haut gradé et ne peut être jugé par ses pairs. Sans compter son silence, son jeu et une phrase laconique lâchée devant la Cour qui en dit long "Je suis le chef donc je dois être au courant …".

Si le film a une construction très rigoureuse, Thierry Michel a volontairement théâtralisé l’enquête, montrant le jeu du pouvoir et son recours à la corruption. Dans cette dramaturgie, tous les prévenus "acteurs" ont l’air de jouer un rôle précis. Leur comportement face à la Cour soulève une évidence ; tous étaient "sous commandement" avec en gage de leur silence la liberté ou ce qu’on a bien voulu leur faire croire. Le verdict en a été tout autrement.

Marius

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