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Sur les traces du père
Publié le : dimanche 29 septembre 2013
En terrain connu de Nassim Amaouche

Magie des titres. Pour Nassim Amaouche, présenter son dernier film intitulé En terrain connu à Gindou relève du pléonasme. Il est ici chez lui. Il y a déjà présenté ses deux courts, De l’autre côté en 2003, et Quelques miettes pour les oiseaux en 2006. En 2009, il a atteint la notoriété avec Adieu Gary, un long métrage de fiction, grand prix de la Semaine de la Critique à Cannes. Mais, même sans film, il est venu à Gindou été après été prendre la température, participer à la tchatche quotidienne, voir les amis .
Émotion partagée, donc, à la nuit tombée ce lundi 18 août, quand, tout seul devant l’immense écran, il s’adresse à presque un millier de spectateurs : « Ce film n’a pas encore été montré, je viens l’assumer ici ! »
On lui a proposé de réaliser un documentaire, en Algérie, avec pour mission de parler à la première personne. « Depuis que je suis petit, j’entends qu’on me parle à la deuxième personne du pluriel, vous autres, vous êtes comme ci, vous êtes comme ça... » et « dans ma famille, on a souvent dit : c’est comme ça ! », ajoute–t-il en souriant. Il se retire. Rendez vous demain pour à la tchatche.

Ciel bleu. Quelque part en Algérie, un chantier de fouilles. Des hommes creusent le sol caillouteux, une main tâte, une voix s’élève : « ...la porte devait être ici... » L’homme qui parle c’est le père, entouré d’ouvriers qu’il guide. Le réalisateur, débarqué pour la première fois sur cette terre inconnue, le ramène sur les lieux de son enfance, dans ce village de petite Kabylie qui fut rasé par les bombes françaises un jour de 1957. Alors âgé de 13 ans, le jeune Mohand ne dut son salut qu’à la mangeoire de l’âne, sous laquelle, au plus fort des explosions, une femme de la famille l’a abrité. Il y est resté plusieurs heures enseveli, la bouche pleine de poussières et fut un des rares survivants.
Puis il quitte le pays pour faire sa vie en France. Et ne se souvient de rien.

Voici que les mains mettent à jour des bouts de poterie, assiettes brisées, dérisoires témoins d’un quotidien pas si ancien. Et, doucement, les souvenirs reviennent. De cette quête, qu’il est venu filmer, Nassim Amaouche, est le premier témoin. Comme un policier sur une reconstitution, il traque le moindre indice, observe la moindre réaction, capte le moindre mot. Ce n’est pas par hasard qu’ils sont là, le père et le fils. Renouer le fil d’une histoire enterrée, rendre ses racines à un homme coupé en deux, restaurer le flux qui doit courir entre les générations : archéologues de leur vie, ils se soutiennent mutuellement et vont de l’avant.

Rencontre avec des anciens copains d’écoles, et les anecdotes affluent, une tante montre des vieilles photos... Le père se retrouve, rit tendrement. Petit à petit, le puzzle se dessine.

Et puis soudain, on retrouve les deux hommes couchés à terre, en chien de fusil, l’un derrière l’autre sur la parcelle familiale. Image surprenante, qui interroge le spectateur. Des enfants partageant un secret ? Le fils écoute le père lui parler de sa mort, de l’endroit où on creusera sa tombe, de comment il veut être enterré, qu’il rende l’âme en France ou ici, dans son village. Le temps est doux, une brise passe sur l’olivier, la discussion est sereine : juste un testament transmis dans la confiance et le moindre détail. La scène est si forte que le temps s’arrête sur et devant l’écran. Le plan suivant cueille le spectateur à froid et le ramène à terre. On y voit Mohand peler une pêche pour son fils et lui tendre les morceaux, tout simplement.

La lumière surprend. Le spectateur, pris par l’éclatante démonstration d’amour filial, avait oublié qu’il s’agissait d’un court métrage. Vingt deux minutes petites minutes pendant lesquelles il a perdu la notion du temps.
Dur de quitter ces hommes dans leur exercice de reconnaissance mutuelle ! A nous de continuer avec leur message, pour notre compte...

Michèle Solle - Gindou 2013

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