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Rencontres sous la tente
Publié le : mercredi 18 avril 2012
Ouarzazate 2012

Journal de bord

Rencontres Internationales des Ecoles de Cinéma, troi­sième édition. Trois jours de Rencontres sous la tente en mars qui, sou­dain, vous font oublier l’hiver. Pour les pres­sés il y l’avion mais rien ne vaut l’immer­sion douce. En pas­sant par Marrakech, déjà enva­hie de tou­ris­tes bron­zés, on prend un bus pour Ouarzazate. En avant pour une épopée de quatre heures à tra­vers le Haut Atlas et le Col de Tichka 2260m, la route la plus élevée du Maroc. Émotions et éblouissement garan­tis. Une halte obli­ga­toire dans un vil­lage pour dégus­ter l’agneau grillé et son thé à la menthe. Grands oiseaux sur­vo­lant la neige, cou­leurs d’alti­tude. L’arri­vée est une frian­dise, la ville de Ouarzazate est rose, l’air doux et le voya­geur si heu­reux de se retrou­ver à pied d’œuvre, aux portes du désert !

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Bizarre, bizarre, pas de pub ou si peu, en ville. C’est qu’il ne s’agit pas d’une mani­fes­ta­tion ouverte au public, me répond-on. Pas de fes­ti­val de cinéma, comme il y en a tant au Maroc et ailleurs, avec montée des mar­ches, pal­ma­rès, per­dants, gagnants, espoirs déçus, étalage de satis­fac­tion per­son­nelle, clans et fans. Rien ne vient para­si­ter la joie qu’éprouvent les quel­ques quatre cents par­ti­ci­pants à se retrou­ver, sous les tentes kaï­da­les mon­tées dans la cour de l’Institut Spécialisé dans les Métiers du Cinéma, l’ISCM, qui en est l’orga­ni­sa­teur. Ici on vient s’enri­chir mutuel­le­ment, en par­ta­geant expé­rien­ces et savoirs, puisqu’il s’agit de ren­contres de pro­fes­sion­nels, pro­fes­seurs et élèves d’écoles de cinéma du monde entier.

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De neuf écoles de la pre­mière édition en 2010, on est passé à dix huit en 2012. Deux écoles indien­nes sont venues rejoin­dre les homo­lo­gues maro­cai­nes(5), tuni­sien­nes(2), fran­çai­ses(2), bur­ki­nabé, liba­naise, cana­dienne, belge et étasunienne. La Mauritanie et le Mali qui n’ont pas d’école de cinéma sont néan­moins repré­sen­tés : la pre­mière par le direc­teur de la Maison des Cinéastes et le second par un élève de la for­ma­tion spé­ciale (son et vidéo) spon­so­ri­sée à Bamako par Vivendi.
Au pro­gramme : ate­liers, master clas­ses, confé­ren­ces, et, chaque après midi, pro­jec­tion des films de fin d’études des écoles repré­sen­tées. Des choix s’impo­sent. Entendre des accents dif­fé­rents, passer d’une tente à une autre, d’un studio à une salle de pro­jec­tion, débat­tre devant un thé ou un pla­teau repas, retrou­ver les fidè­les, se faire de nou­veaux com­pli­ces, par­ta­ger, par­ta­ger... sous le soleil prin­ta­nier.

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Il y eut ceux qui, dès le début s’ins­cri­vi­rent aux trois ate­liers de Kino Kabaret de l’équipe du cana­dien fou, Michel Desjardins, et que l’on ne revit qu’à la fin. Objet du délit : fabri­quer un film en 3 jours et le livrer lors de la céré­mo­nie de clô­ture. Même motif d’absence pour les élèves qui met­taient la der­nière main au spec­ta­cle de fin de ses­sion et s’enfer­mè­rent dans leurs ate­liers, cou­ture, coif­fure, maquillage, décors, sons...

Puis vin­rent les confé­ren­ciers.
Guy Chapouillie, entré à 9 mois dans une salle de cinéma, ancien direc­teur de l’ESAV de Toulouse aborde le sujet L’impor­tance du cinéaste : « il faut pren­dre les films au sérieux, sans hié­rar­chi­ser... », « le cinéaste doit avoir le cou­rage d’être lui même pour être ori­gi­nal, soyez vous-mêmes … », « évitez le sur­dé­ter­mi­nisme tech­no­lo­gi­que ! »

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Christine Cauquelin, direc­trice des docu­men­tai­res à Canal+, s’attelle à deux sujets : Le docu­men­taire est-il un film comme les autres, et le docu­men­taire incarné. Celle qui avait du mal à quit­ter son bureau pari­sien a tenu en haleine une assem­blée sus­pen­due à ses lèvres, elle en fut la pre­mière sur­prise. Le doc dans tous ses états et au pas­sage, une ana­lyse des avan­ta­ges et inconvé­nients de chacun. « La pro­messe du doc est de filmer une situa­tion qui existe avant le tour­nage », « le doc c’est le lieu de l’éveil des cons­cien­ces », « aler­ter, certes, mais donner la pos­si­bi­lité de se pro­je­ter dans le monde qu’on aime­rait vivre.. » Pour un peu on se pré­ci­pi­te­rait pour pren­dre un abon­ne­ment...

Mohammed Bakrim, cri­ti­que, direc­teur de la revue Cinemag et pro­fes­seur à l’ECAM de Marrakech, tombé lui aussi tout petit dans la mar­mite et chan­tant les louan­ges d’une indus­trie qui le fait vivre de toutes les maniè­res ; « le plus impor­tant, c’est la liberté ! ».
Visite du direc­teur du Centre Cinématographique Marocain, Nour-Eddine Saïl, en guise de consé­cra­tion ! Il loue la pas­sion qui court tout le long de ces Rencontres. « Nous sommes deve­nus une nation nor­male de cinéma...car nous pro­dui­sons 20 films par an et que le Maroc compte 70 salles de cinéma. » « Un pays qui ne pro­duit pas n’existe pas…. » Et de décli­ner les efforts à venir...
Outre les échanges publics des direc­teurs d’écoles, on eut encore la pro­fes­sion de foi de la direc­trice du déve­lop­pe­ment dura­ble de Vivendi : Être le numéro 1 mon­dial en matière de jeux numé­ri­ques, musi­que et télé (Canal+) impli­que quel­que res­pon­sa­bi­lité : il s’agit de déve­lop­per les talents, tra­vailler sur les grands enjeux de société et pri­vi­lé­gier les pas­se­rel­les etc...

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On en aurait oublié les pro­jec­tions dont l’heure se dépla­çait de plus en plus tard dans l’après midi. On eut notre lot de courts métra­ges, tous dif­fé­rents, chacun avec ses influen­ces, ses pépi­tes, ses défauts et ses talents en deve­nir. Et d’autant plus atta­chants. L’école de Beyrouth se dis­tin­gua avec la par­ti­ci­pa­tion brillante de deux filles. Vu le retard pris sur le timing, on ne passa pas les films les plus longs, dont La Blessure de l’escla­vage du Mauritanien, Ousmane Diagana.
Une ques­tion per­sis­tait tou­te­fois au sujet de la sélec­tion des deux films de l’ISIS de Ouagadougou : quelle étrange mode de scé­na­rie style "Nous deux" sévis­sait chez nos amis bur­ki­nabé ? Il n’était ques­tion que d’his­toi­res de couple de cadres qua­dra­gé­nai­res, mora­li­sa­tri­ces en diable et fil­mées dans les mêmes décors ? Le direc­teur inter­rogé, s’avoua sur­pris lui aussi...Une mode vite oubliée, sans doute.

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Le show final fut une splen­deur. Michel Desjardins, direc­teur de l’INIS de Montréal le trouva digne du Cirque du Soleil, pas moins. Certains signè­rent des accords de coo­pé­ra­tion, les dis­cours furent brefs et Claude Latreille, le deus ex machina fit ses adieux émus.
Il avait mené ron­de­ment les trois pre­miè­res éditions, on attend la qua­trième avec curio­sité.

Michèle Solle
Ouarzazate avril 2012

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