6 - Chroniques tunisiennes !
Publié le : samedi 30 octobre 2010
Mercredi 27 octobre - JCC2010










Sotigui Kouyaté
Little Sénégal

Mercredi 27. Encore une matinée à écrire. Dans la petite salle à manger du Carlton je croise les 8 du jury, 4 filles et 4 garçons, appelés « les enfants de Mahmoud », (Mahmoud Jemni, un critique qui les encadre). Ils n’ont pas l’air de se mélanger beaucoup. Très gentils et souriants, je leur pose quelques questions banales mais stop, ils sont au secret… j’en coince un, plateau à la main « C’est la première fois que tu travailles en groupe ? » « Non, je fais du foot » Ah ! Être transparente et assister aux délibérations !

13h : ma voisine de table à l’Africa est productrice, entre autres de La Vida Loca , un documentaire sur les bandes au Salvador dont le réalisateur, un français, Christian Poveda, s’est fait tuer après le tournage. Discussion à bâtons rompus au cours de laquelle j’apprends que le co-producteur tunisien Tarek Ben Amar arroserait Hollywood pour que son film Hors-la-loi soit sélectionné aux Oscars. Quelle bonne idée ! Envisager que ce film, dont la facture doit plaire aux américains, va, en plus de ses qualités cinématographiques, leur fournir une bonne raison de relever la tête face à ces Français donneurs de leçons politiques. Du coup je m’en vais reprendre des desserts, et me glisse dans la queue des gourmands, sérieux messieurs qui empilent tout ce qu’ils peuvent sur leurs petites assiettes.


Le soleil est revenu, petit vent frisquet, de toute façon les terrasses des deux côtés de l’avenue sont en permanence occupées, quelque soit le temps. On se demande si les clients, essentiellement des hommes, ne prennent pas des quarts, comme sur les bateaux. Dos à la circulation, ils regardent les passantes qui traversent entre deux rangées de tables. Une ou deux occupées par des femmes entre elles. Je m’assieds et commande un café. Le temps de livraison dépend de la longueur de la terrasse, mais quand il arrive il est raide à donner des frissons.

16h à L’ibn Rachiq : Little Sénégal de Rachid Bouchareb, dans le cadre de l’hommage à Sotigui Kouyaté. Le film est déjà commencé, on m‘envoie au balcon ; quelqu’un me prend par la main pour m’indiquer ma place. Je suis si loin que l’écran ressemble à la télé. En me rapprochant je suis prise dans une bande de filles accompagnées d’une adulte. Elles pépient comme des oiseaux, certaines au téléphone. Et continuent une fois assises. L’adulte se lève et fait des photos au flash, bien sûr. Tous les écrans des portables créent une nuisance visuelle, mais apparemment, je suis la seule gênée. A regret, je laisse Sotigui, après tout, il aurait peut être aimé tout ce bazar….


Zahra

Juste le temps de traverser la rue et les rails du métro pour le 4ème Art et le documentaire Zahra de Mohamed Bakri, Palestine, en compétition. La foule est déjà rassemblée. Question : pourquoi les projections des documentaires de la compétition sont- elles programmées dans une des plus petites salles du quartier, 350 places, alors que de tous côtés on peut facilement enfourner plus du double de spectateurs ? Salle très conviviale toutefois, et, en attendant que les portes s’ouvrent on a bien le temps d’échanger. Beaucoup de jeunes filles en foulard. Il est vrai que Mohamed Bakri cumule les avantages, c’est un grand acteur, très connu, il est palestinien, et il fait craquer toutes les filles. Il est, aussi, accompagné d’une belle brune qui n’a pas l’air du tout d’accord pour laisser sa place…En 2008, il a obtenu le Tanit de l’interprétation masculine pour son rôle dans Leila’s Birthday de Rashid Masharaoui, et le film a remporté le Tanit d’argent. Il fait partie de la famille des JCC. Justement, c’est sa famille qu’il nous fait découvrir. Et son histoire, qui se confond avec celle du pays. La tante Zahra, chassée du pays en 48, envoyée en camp de réfugiés au Liban. Les paroles qui font mal : « Vous qui avez vendu votre pays… » Et le retour au village d’Al Beane, dès l’échec du plan sioniste. Le mariage, 10 enfants, et les hommes qui créent une coopérative sur le modèle kolkhozien, les embûches et le travail et aujourd’hui, une famille tentaculaire qu’il a du mal à réunir. La vie, de ceux qui restent debout malgré tout. Comment échapper à la tentation de graver de telles aventures humaines ? On le voit souvent à l’écran Mohamed Bakri, entouré des siens. Fier.
Sur le chemin du retour, rue de Marseille, un petit magasin propret, Gourmandise ! Des macarons et surtout un russe aux pistaches, qui vous envoie direct au 7ème ciel et sur la bascule… Le cinéma, ça creuse.
Gros papotage avec les copines autour des tables du dîner où les serveurs agiles vous piquent l’assiette à peine vous vous levez…


Imani

21h Au Colysée, Imani de Caroline Kamya, Ouganda, long métrage en compétition.
Encore un premier film. Caroline Kamya, diplômée d’architecture a été productrice à la BBC. Sa sœur a écrit le scénario. Trois destins croisés, encore. Deux personnages attachants la servante chez les riches, l’ancien enfant soldat passé par le centre de désintoxication des armes…Bizarrement, on n’a pas très envie de suivre le troisième, jeune ambitieux sans scrupules danseur de break. On a à peine le temps de s’embarquer avec nos personnages que l’image se fige. Panne du DVD. Il faudra repasser les 10 premières minutes, ensuite, les stops seront réguliers…Quelque chose à faire dans la cabine ?
J’en profite pour refaire le monde avec mon voisin, le célèbre producteur tunisien Daldoul Hassen. De quoi parle-t-on ? Du bruit qui court et s’amplifie : Hors-la-loi à Hollywood. Je lui expose ma théorie. Les américains ont toujours en travers les leçons de morale infligées par les Français au moment de la déclaration de guerre en Irak. Il se pourrait qu’ils adorent découvrir les turpitudes de ceux-ci pendant la guerre en Algérie. D’autant que le film est très bon. Quelle vengeance s’il revenait couvert de gloire dans cette France qui le boude !
Mais revenons à Imani. Belle photographie, bons acteurs, des qualités mais une lenteur discutable qui finit par décourager les spectateurs fatigués…
Pas envie de rentrer pourtant, je tombe sur Thomas et Marian, des suédois cinéphiles venus faire du tourisme et qui alternent ombre des salles et soleil des sites. Ce sera une bonne petite bière au bar de l’International.

M.S.

Également…

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