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Post festival, cinéma triste…
Publié le : lundi 8 novembre 2010
... بعد المهرجان، تبقى مأساة السينما

JCC 2010

Tunis la belle, mouillée, ventée, ensoleillée. « C’est l’hiver ! » le taximan, philosophe a déjà mis son gros bonnet. Les festivités se suivent. Le long de l’avenue Habib Bourguiba, les banderoles rouges et blanches en l’honneur du président ont remplacé les kakémonos des JCC. Dimanche 7 novembre, le pays fêtera le 23ème anniversaire de l’accession au pouvoir du président du tous les tunisiens, Zine El Abidine Ben Ali.

Avant de quitter la ville, il me vient l’envie de faire un dernier tour du quartier, de saluer toutes ces salles où j’ai côtoyé tant de fidèles du cinéma pendant 9 jours. Traverser l’avenue, prendre à gauche de l’Africa, c’est le Cinémafricart. Jolie salle, confortable. A l’affiche, Avatar et Alice au pays des Merveilles, dans le cadre du Festival des films en 3D organisé par l’Association tunisienne des Droits de l’Enfant. Toujours Vénus Noire de Kechiche Une petite affiche annonce pour le soir même, Ulysse Clandestin de Thomas Lacoste, projection suivie d’un débat organisée par l’association des Français du monde. Ici ça tourne !

Première rue à droite, Le Rio.

Une affiche accrocheuse, Blue Iguana, production étasunienne. « Les films viennent tous de France », précise aimablement Chokri. « Il y a 3 séances par jour, 14H30, 16H30 et 18H30 plus une supplémentaire à 21h, les vendredis et samedis. » Une moyenne quotidienne de 90 à 125 entrées et, tout de même, 11 salariés… (Comment font-ils ?) . Encore la première à droite : voici les salles jumelles, le Mondial et l’ABC.


Au Mondial, un petit café occupé de jeunes fumeurs dans l’entrée. A l’affiche Making Of de Nouri Bouzid, le président du jury des JCC en 2008. Et, pendant le mois qui suit les JCC, d’autres films tunisiens. A la caisse, Salma, 32 ans d’ancienneté, elle peut vous en dire ! « Comment c’est Salma, après les JCC ? », « Monotone ! » Elle s’ennuie, elle a connu les grandes heures de cette salle et ne se résout pas à ne vendre des entrées qu’à des « consommateurs de coins tranquilles »... « C’est un cinéma permanent, ici. On ouvre les salles à 13H30, les séances sont à 14H, 16H et 18H. Eh bien, figure toi qu’il y en a qui y passent toute la journée, et qui reviennent plusieurs jours de suite. Non, ils ne font pas de bruit. Ce n’est pas cher 7 dinars à deux ! Du coup, les vrais spectateurs ne viennent plus ! » Et soudain, je me souviens. C’était la veille des JCC 2008, dans l’après-midi, j’étais entrée au Mondial pour voir le film turc, à l’affiche. Je m’étais placée près d’un mur. A l’air désapprobateur des couples qui me regardaient avec insistance, j’ai compris que j’occupais une place stratégique. Tous les fauteuils en « bouts du banc » hébergeaient des amoureux, qui n’avaient pas l’air de choisir du papier peint, n’en déplaise à Georges Brassens. Et Salma a d’autres raisons d’être triste : le Mondial va fermer, comme l’ABC. Ils sont déficitaires. Un financier les a rachetés pour y construire un grand complexe commercial. Dans lequel, il y aura peut être deux salles de cinéma, si tout va bien, mais rien n’est moins sûr.
Passons quand même à l’ABC, son voisin, mêmes horaires, et films égyptiens. Mais pour les renseignements on repassera : « ça va comme ça ! », dit le monsieur en me tournant le dos.


Le Palace

Encore à droite, retour sur l’avenue. Le Palace. Une entrée flanquée de 2 boutiques de sucreries, boissons, tabac. Ici on passe des films égyptiens et tunisiens et on reçoit mal les poseurs de questions. « On travaille ! ». Ambiance !
Traverser l’avenue, jeu habituel d’évitement des taxis, bon pour la cambrure. Au fond d’une double galerie marchande, le Colisée, le plus grand, 1800 places, en réfection. On y joue les Dames du Caire, du réalisateur égyptien Yousry Nasrallah, très présent lors des dernières JCC. Un contrôleur accepte de me renseigner : le Palace et le Colisée appartiennent au même propriétaire, les gens aiment beaucoup le cinéma égyptien. Il insiste pour me faire visiter, mais je connais, monsieur !


Le Colisée

En face la magnifique vitrine de Zara a remplacé la salle du Capitole. Il y a d’autres exemples en ville.
La salle du 4° ART, reviendra à ses premières amours, le théâtre et celle de l’Ibn Rachicq, rangera son projecteur des familles pour rendre la salle aux activités du centre culturel.

Ici comme partout en Afrique et ailleurs, les salles ferment, vont fermer. Finis les chats de l’ABC, finies les grandes traversées parmi les fauteuils rouges, finies les bousculades à l’entrée. Où seront projetés les films du prochain festival ? Faudra-t-il enjamber la ville ? Fréquenter l’Hamilcar et l’Hannibal, les nouvelles salles des quartiers chics ? Et celles promises avec le nouveau et mirifique complexe culturel, seront-elles livrées ?
Un festival tient par ses salles ou vice versa ? Et les réalisateurs qui, depuis, quelques années se tournent plutôt vers le festival de cinéma de Dubaï ou celui d’Abou Dhabi, où l’argent coule à flots au détriment de la cinéphilie ? Qui arrêtera la machine ? Au secours ! Je n’ai aucune envie d’aller au festival d’Abou Dhabi, j’aime les salles pleines de souvenirs (et d’amoureux…), je me fous des paillettes…Résister !

Au Cinémafricart ce soir là, justement, il y avait un noyau dur de cinéphiles résistants. Autour de Taher Chikhoui, critique de cinéma, professeur et pilier du ciné club. Et un Thomas Lacoste résolu, à travers son film Ulysse clandestin, (le beau titre !) à faire signer la pétition pour la suppression du Ministère de l’Identité Nationale et de l’Immigration. Une petite flamme passionnante dans la nuit qui menace.
Vivent les JCC 2012 !

Michèle Solle

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