Bamako
Abderrahmane Sissako
Publié le : dimanche 30 novembre 2008

Un film d’Abderrahmane Sissako, Mali France, 2006, 105’

SYNOPSIS

Melé est chanteuse dans un bar, son mari Chaka est sans travail, leur couple se déchire ...
Dans la cour de la maison qu’ils partagent avec d’autres familles, un tribunal a été installé.
Des représentants de la société civile africaine ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque mondiale et le FMI qu’ils jugent responsables du drame qui secoue l’Afrique.
Entre plaidoiries et témoignages, la vie continue dans la cour. Chaka semble indifférent à cette volonté inédite de l’Afrique de réclamer ses droits ...

A PROPOS DU FILM

« Parce que je suis cinéaste, je dois faire un film qui soit la voix de millions de gens : donner la parole à ceux qui ont besoin de crier une forme d’injustice (…) Quand on vit sur un continent où l’acte de faire un film est rare et difficile, on se dit qu’on peut parler au nom des autres : face à la gravité de la situation africaine, j’ai ressenti une forme d’urgence à évoquer l’hypocrisie du Nord vis-à-vis des pays du Sud. »
A. Sissako

CRITIQUE

Il faut le temps de la réflexion pour apprécier bamako, d’Abderrahmane Sissako. Le film laisse d’abord perplexe, en raison du dispositif narratif hybride et hyper novateur mis en place par l’auteur.
S’il propose une réflexion de fond sur les questions de la dette et du néocolonialisme protéiforme que subissent encore aujourd’hui les pays d’Afrique – pour ne parler que d’eux, le film échappe au didactisme, grâce à une inspiration poétique qui tire sa force des récits de vie qui entourent le procès. Un saut créatif qui flirte avec l’absurde.

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Les débats qui constituent le corps du procès sont riches en arguments, de part et d’autre d’ailleurs, même s’il est vrai que l’avantage est donné à la partie civile. Le film pourrait de ce fait s’enfoncer dans le pur bavardage, mais le caractère totalement improbable d’un tel procès et les choix de mise en scène lui confèrent une intensité dramatique particulière.

Le contenu des séquences "additionnelles" au procès, la vie de la cour, l’histoire du couple, les saynètes de rue... me semble tout a fait intéressant en contrepoint, car il relève du quotidien et de l’ordinaire, du très particulier, voire de l’intime alors que les questions qui sont discutées au procès s’inscrivent très clairement dans une perspective globale.

L’épisode des cow-boys est encore d’un autre registre. Le jeu avec l’absurde y est poussé à son comble et le changement radical d’univers semble créer un abîme, mais il nous ramène de manière très subtile aux enjeux de l’inégalité des relations nord / sud, riche / pauvre, puissant / misérable.

Sur le plan formel, le tournage du procès en docu-fiction est un parti pris courageux. On pense au fameux « Punishment Park » de Peter Watkins, bien que la mise en scène en soit très différente. Cette mise en scène d’un impossible procès – dont on se demande au passage qui pourrait bien en être le juge – , et son intégration dans la vie quotidienne de la concession qui poursuit son cours comme si de rien n’était relèvent carrément du surréalisme. Le saut de registre opéré avec la scène des cow-boys et la mise en scène carrément grand guignolesque de cette séquence participe de la même dynamique.

L’usage symbolique de l’espace nous dépeint un constat bien réel, et nous fait sans doute entendre le message de l’auteur à son peuple. Bien qu’au coeur de la vie de chacun, les réalités de la gouvernance mondiale restent hors des préoccupations du plus grand nombre, qui continue de préférer les ignorer. Ce film se présente comme un cri, un appel aux peuples laissés pour compte dans la donne mondiale à devenir spectateurs conscients et acteurs, dans la mesure du possible, du devenir des institutions qui régissent leurs vies sans en connaître les difficultés, et sans en défendre les intérêts.

Sophie Perrin Clap Noir

LE REALISATEUR

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Abderrahmane Sissako au tournage

Né en 1961 en Mauritanie, il passe son enfance et son adolescence au Mali, dans un quartier populaire de Bamako. Après avoir effectué des études cinématographiques à l’Institut fédéral d’Etat du Cinéma de Moscou, il s’installe en France. Là, même loin des yeux, l’Afrique reste omniprésente dans ses œuvres, à travers ses visages et paysages, ses sons et ses odeurs. Plusieurs de ses films ont été présenté à Cannes et « En attendant le bonheur » reçu l’étalon de Yenenga au Fespaco 2003.

Filmographie
1989 : Le jeu (MM)
1993 : Octobre (MM)
1994 : Molom, conte de Mongolie (LM)
1995 : Le chameau et les batons flottants (CM)
1995 : Le passant (CM)
1996 : Sabriya (MM)
1997 : Rostov-Luanda (documentaire)
1998 : La vie sur terre (LM)
2002 : En attendant le bonheur (LM)
2006 : Bamako (LM)

FICHE TECHNIQUE

Scénario et réalisation : Abderrahmane Sissako
Avec : Aïssa Maïga, Tiécoura Traoré, Hélène Diarra, Habib Dembélé, Djénéba Koné, Hamadoun Kassogué
Les témoins : Zégué Bamba, Aminata Traoré, Madou Keita, Georges Keita, Assa Badiallo Souko, Samba Diakité
Image : Jacques Besse
Son : Dana Farzanehpour
Montage : Nadia Ben Rachid
Décors : Mahamadou Kouyaté
Monteur son :Christophe Winding
Mixeur : Bruno Tarrière
Costumes : Maji-da Abdi
Format : 35 mm (1:85) - Dolby SRD
Coproduction : Danny Glover, Joslyn Barnes, François Sauvagnargues, Arnaud Louvet (Arte France)Production : Denis Freyd, Abderrahmane Sissako
Distribution : Les films du Losange, www.filmsdulosange.fr

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