A voir dans La case du siècle sur France 5 le 27 mai à 22H00
Crédit photo : Les archives nationales de Namibie
En Namibie, au début du XXème siècle...
La Namibie vit apparaître des premiers camps de concentration. C’est dans ce pays d’Afrique australe que l’Allemagne a commis son premier génocide, au début du XXème siècle (de 1904 à 1907). Comme l’explique le commentaire de ce film réalisé par Anne Poiret, l’Allemagne de Bismarck, lésée par le Congrès de Berlin (« le partage de l’Afrique »), manquait de colonies, contrairement à ses deux rivales européennes, la France et l’Angleterre. La Namibie fut donc le lieu d’une expérimentation coloniale, de courte durée, dont les conséquences politiques sont finement analysées par le film.
Un peu comme Hannah Arendt établit l’antisémitisme aux origines du totalitarisme, le film met clairement en relation l’approche coloniale raciale de l’Allemagne des années 1900, avec les dérives que l’on connaît durant le XXème siècle en Europe. Pour ceux qui ont suivi en France les films de Serge Bilié, les travaux faits à propos de la Vénus Hottentote, ou encore l’exposition « exhibitions, l’invention du sauvage » au Musée du Quai Branly, la prise de conscience des racines historiques du racisme n’est pas nouvelle. On franchit juste un pas de plus, et ce pas donne le frisson. La Namibie n’a obtenu son indépendance qu’en 1990. Depuis, les descendants des communautés se battent pour que l’Allemagne reconnaisse ce génocide (estimé à 100 000 morts). Les historiens débattent encore actuellement des concordances et des liens avec la Shoah.
Démarche scientifique et violence coloniale
Dans un documentaire sobre et classique, la réalisatrice française cherche les traces : les lieux du crime, les protagonistes de l’époque, que l’on retrouve sur quelques saisissantes photos noir et blanc. Elle va également à la rencontre des descendants : des Allemands de Namibie, accoudés au bar de leur pub, qu’elle montre comme une population cramponnée au déni et prisonnière de son identité, ainsi que de son histoire. Elle filme aussi des gens des ethnies Héréros et Namas décimées à l’époque ; leur combat pour la mémoire, qu’elle suit jusqu’en Europe, où une délégation vient rencontrer les institutionnels : il s’agit de récupérer des crânes de leurs ancêtres dans une faculté allemande. Ces crânes avaient été utilisés par les phrénologues de l’époque à des fins complexes : faire des expériences, mesurer le développement racial en fonction de la forme du crâne. C’est tout le sens des dérives de la phrénologie, dont la médecine se détachèrent après la guerre.
Ainsi, comme le met en évidence le film, la démarche scientifique européenne et la violence coloniale sont-elles intrinsèquement liées. Le pire est que ces crânes sont exhumés et toujours répertoriés. La caméra s’attarde sur des notations effectuées sur un crâne et dûment reportée dans un registre...
Des Noirs et des Allemands sur France 5
Réalisé de façon traditionnelle, par un montage raisonné d’archives, de témoignages, d’analyses d’historiens et quelques séquences filmées sur place aujourd’hui, le film a le grand mérite d’être un exposé historique clair et implacable. On saluera France 5 d’avoir choisi de coproduire un film qui n’a rien d’ « identifiant » pour la ménagère : des Noirs et des Allemands ! La chaîne ne s’est pas trompée quant à l’importance historique d’un tel sujet. Le travail de mémoire d’un peuple peut prendre le détour d’une parole autre, ici, en l’occurrence, c’est une chaîne nationale française qui prend cette responsabilité. Après tout, les premiers livres sur l’occupation en France avaient été écrit par un historien américain.
Le film n’a pas été montré en Namibie. Il n’y a pas eu non plus de projection en Allemagne, mais ce sujet y a déjà été abordé. Pour le réalisateur camerounais Jean-Marie Teno, le génocide en Namibie avait été déjà évoqué dans son film Le malentendu colonial, en 2004 (passé sur Arte sous le titre "allez dans le monde entier"). Il explique également qu’un travail important a été fait sur la mémoire de ce génocide en Allemagne. Cependant, l’accès de telles informations à une chaîne herzienne, capable de toucher un large public en France n’en reste pas moins une première.
Le film a donc une mission à remplir. On aime le documentaire lorsqu’il agit sur le réel. On ne peut qu’encourager les spectateurs à prendre conscience de ces pages d’Histoire encore peu connues.
Caroline Pochon
8 mai 2012
NAMIBIE, le génocide du IIème reich
Documentaire, France, 52 min
Auteur : Anne Poiret
Images : Fabrice Launay, Maxime Liogier
Production : Bo Travail
Contact presse : Frédéric Goetz frederic.goetz chez francetv.fr
Clap Noir
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