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Avant le Fespaco, c’est pas le Fespaco
Publié le : lundi 8 janvier 2007

Ouagadougou le 26 janvier 2007




Le Festival Panafricain de Cinéma de Ouagadougou, 20ème édition, aura lieu du 24 février au 3 mars 2007, avec pour thème : « Cinéma africain et diversité culturelle ». Affiches et panneaux l’annoncent en ville, le programme du centre culturel français en donne le menu : compétitions, découvertes, 13ème MICA [1], rencontres professionnelles, espace jeune public.

Trop tôt pour en connaître le contenu. Au siège du Fespaco, on vous dit, en haussant les épaules : « La programmation ? C’est un vrai casse tête ! » Plus qu’à attendre ! Redécouvrir la ville et ses écrans. Fait chaud, très chaud ! Trente cinq, trente six comme qui rigole. Direction le centre ville, autour du marché, près de la mosquée, la foule habituelle des marchands, chalands. Circulation fiévreuse.

Le Ciné Burkina, juste à l’angle, en face du marchand de motos : c’est mon préféré, le plus central, j’aime sa jauge, son architecture, les séances du matin quand la clim vous gèle à mort…Le ciné est en travaux ! Pas le souvenir d’une ruine tout de même. Alors ? Je tourne autour, fais des photos, me fait jeter, questionne les uns, les autres.

Résumé de l’enquête. En vrac : le ciné Burkina a fermé ses portes le 18 avril 2005. Le fonctionnement n’en était plus rentable.
Deux ans avant, la gestion de cette salle avait été confiée par l’état à une association de cinéastes, l’A.R.P.A. [2], avec le réalisateur Idrissa Ouedraogo comme président. Que s’est-il passé alors ? Chacun a sa petite idée : l’arrivée sur le marché des DVD (piratés) a vidé les salles de ciné d’un public qui peut, désormais, choisir son programme sans quitter son fauteuil, l’état de la salle s’était dégradé au point qu’au cours d’une séance les spectateurs médusés auraient vu la tête d’un serpent se dresser entre deux sièges, certains laissent même entendre qu’il se pourrait que les recettes du ciné ne soient pas toutes parvenues à destination….des bruits ! Ce qui est sûr c’est que l’état a repris l’affaire en main. A l’occasion d’une réunion de chantier, toutes portes ouvertes, j’ai pu constater, qu’on changeait tout : sièges, écran, clim, menuiseries, peintures. Le chantier bourdonne. Objectif, rouvrir pour le Fespaco. Ouf !

Ciné Neerwaya : le plus grand, 950 places. Et qui se porte comme un charme, le gestionnaire me le confirme. Tout va bien ! Bizarre que le phénomène DVD pirates frappe les uns et pas les autres. Prix de l’entrée 1500 CFA (2,3 Euros) pour les loges, 1000 CFA (1,5 Euros) pour les autres, pas donné. Au programme, ce soir : La Belle, la Brute et le Berger, le dernier film de Boubacar Diallo, qui fait un tabac avec ses films tournés en caméra numérique. Le projecteur vidéo trône dans la salle. Pas mal de monde, ce soir là, à se régaler de cette truculente comédie. Je suis la seule blanche dans la salle. Venue en taxi, je n’en trouverai pas pour rentrer, car tous les spectateurs sont motorisés. Preuve qu’il y a bien un public de cinéma à Ouaga. ( C’est d’ailleurs une jeune fille qui m’invite gentiment à enfourcher sa moto. Merci Mélanie ! )

Boubacar Diallo qui prône un cinéma numérique en H.D. ne pouvait être plus longtemps ignoré du Fespaco. Son film Code Phénix, déjà couronné de plusieurs festivals en Europe, a été sélectionné pour le Fespaco 2007. Rançon de la gloire, il doit le faire kinescoper et, cette opération lui coûte plus cher que la réalisation elle-même. A quand une ouverture pour les films tournés en numérique ??? C’est son combat, c’est, pour lui la solution pour que la production africaine s’enrichisse d’un sang neuf.

Les 2 Cinés Méliès du CCF : Une programmation variée, le rendez-vous des étrangers (et surtout des français) de Ouaga. Au programme films français, africains, hommage à Philippe Noiret etc. Ce soir là une rétrospective des plus anciens films du réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambety. Peu de monde dans le petit Mélies de 200 places. Spectateurs à majorité européenne. Une programmation élitiste. Prix du ticket :1000 CFA L’amphi du grand Méliès à ciel ouvert, 460 places sert aussi de salle de spectacle. Bien assis dans cet amphithéâtre, et la tête dans les étoiles.. . Pendant le Fespaco, projection des docs, discussions, cours de cinéma, débats à tous les étages. Foule et ambiance garantie.

Ciné Oubry : injustement oublié de certains festivaliers. Dans le même quartier que le ciné Burkina. Une grande salle à ciel ouvert, sièges en fer, 600 places. . Le film projeté : « Quand les éléphants de battent » est constitué des 4 premiers épisodes de la série télé du même nom, sorte de sitcom dans Ouaga 2000, pas inintéressante. Numérique. Sono difficile. Ce soir là, peu de spectateurs. Prix du ticket : 300 ou 500 CFA (0,75 Euros) selon la place.

Ouaga, ville du cinéma, a encore des salles dans chaque quartier. Mais le plus ancien le Rialé, a été démoli en 2005 pour faire place à une résidence hôtelière.

Dans cette grande agglomération, 2 à 300 vidéo clubs disséminés. Près de la Cathédrale, c’est un cinéphile fauché, Pouba qui a dû beaucoup « caracoler » auprès des amis pour trouver les fonds. Il gère sa petite affaire, son ciné-club, au cordeau. Un préau recouvert de tôles, des canisses à la place des murs, une petite télé devant une vingtaine de bancs de bois, quatre séances par jour, et des films choisis selon des publics. Jackie Chang, Bollywood pour les femmes, quelquefois des Louis de Funès, etc, les DVD viennent de Lomé, les films américains sont chers.

Son coup d’éclat, un libanais lui avait procuré « Le Seigneur des anneaux » 6 mois avant sa sortie en Afrique, souvenir ému. Entre deux séances, le cinéma est ouvert aux musulmans du quartier qui viennent y prier à l’ombre. La jeune femme de Bouba fabrique des gâteaux à la fraise qui sont vendus en même temps que le billet. Prix d’entrée : 50 CFA. Il vivote en rêvant de changer l’écran, les habitants du quartier lui réclament de se mettre aux retransmissions des matches de foot ; il hésite, c’est un ciné ici ! Ira-t-il au Fespaco ? Trop cher, dit-il.

Michèle Solle

[1] MICA : Marché International du Cinéma et de la Télévision Africains
[2] ARPA : Association des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs Africains

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