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« Le support seul ne suffit pas à caractériser une production »
Publié le : vendredi 30 janvier 2009
Interview du cinéaste burkinabé, Boubakar Diallo

Journaliste, romancier et cinéaste, Boubakar Diallo fait partie de ceux là qui produisent et réalisent des films pour le plaisir des cinéphiles burkinabés et africains. Avec une filmographie comptant quelques 13 œuvres, Boubakar a reçu le Premier prix long métrage "Ciné Pop" pour le film CODE PHENIX, décerné par le festival Vues d’Afrique en 2006 à Montréal. Boubakar Diallo est le Directeur Général d’une maison de production, les films du dromadaire.

Clap Noir : TV5 diffuse actuellement, votre feuilleton « Série noire à Koulbi »

Boubakar Diallo : Cette diffusion est le fruit d’une longue négociation avec l’antenne TV5 Afrique.

C’est votre première série de télévision. Qu’est-ce qui vous a motivé à passer du polar (Traque à Ouaga, Code phénix, les plus connus) à la série

« Série noire à Koulbi » est un feuilleton… policier. On est toujours dans le polar, avec les ingrédients communs aux films : l’humour.

Sept films en moins de trois ans. Où Boubakar trouve-t-il l’inspiration et les financements pour produire continuellement ?

Ecrire sept histoires en trois ans, ça n’a rien d’exceptionnel quand on aime ça, quand on en fait son métier, et quand on sait que le public l’attend. Quant au financement, on procède toujours de la même façon : identifier, en fonction de la trame du film en chantier, les partenaires institutionnels et commerciaux potentiels et leur proposer une visibilité dans le film. Visibilité commerciale ou visibilité en termes de thème à traiter dans la fiction.

Vous tournez toujours vos films en vidéo. A quand le support film ?

Je ne tourne pas en « vidéo ». Je tourne en numérique haute définition. Nuance. La technologie évolue sans cesse et je crois qu’il faut à présent dépasser ce type de considération. Le support seul ne suffit pas à caractériser une production. Le plus important étant, à mon sens, le contenu du film, la trame de la fiction, les sujets abordés, l’angle d’attaque, les dialogues, le jeu d’acteur, etc. Au-delà de tout cela, l’appréciation du public à qui le film est destiné. Personne ne m’a jamais posé de question, au sortir d’une salle de cinéma, sur le type de support utilisé. Le cinéma africain perd beaucoup de temps avec ce genre de considération et oublie l’essentiel : le public visé… Le cinéma, c’est l’émotion. C’est comme un voyage. Le plus important ce n’est pas tant le type de véhicule utilisé, mais le paysage et la destination.

Pour vous qui êtes sur le terrain de la production, si l’on vous demandait de rêver d’une structure idéale pour le financement de la production en Afrique. Que diriez-vous ?

Le tout n’est pas dans le financement, mais dans la production. Comme on dit, il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. Il n’y a pas non plus de structure idéale si on ne sait quoi en faire. Si nous privilégions le débat sur le type d’architecture au détriment du contenu, de la cible, à savoir pour qui et pour quoi nous devons construire la case, il y aura toujours un souci…

Parlons à présent des acteurs et actrices. Comment les recrutez-vous ? Est-ce difficile de lancer de nouveaux acteurs et actrices ?

En trois ans, les Films du Dromadaire ont lancé à l’écran plus de nouveaux talents que jamais auparavant dans le cinéma africain. Cela dit, il faut aussi « fidéliser » les visages si l’on veut créer des têtes d’affiche. Il n’y a pas de cinéma en termes d’industrie sans tête d’affiche.

Vous passez d’un feuilleton (Série noire à Koulbi) à un long métrage (La belle, la brute et le berger). Comment avez-vous géré le scénario et le tournage des deux productions

Ce long-métrage est tiré du feuilleton, mais ne raconte pas exactement la même histoire. Cela a été pour moi un challenge au niveau de l’écriture. Raconter une histoire et en tirer une autre, sensiblement différente sans pour autant tourner de séquences supplémentaires. Une seule scène a été tournée en deux versions pour donner une « chute » au long-métrage.


Crédit photo : Les films du dromadaire

Boubakar participe-t-il aux festivals ?

Dès le début, j’ai répondu à quelques interviews où j’ai dit que je fais des films pour qu’ils soient vus au cinéma, au Burkina et en Afrique. Les Festivals sont des circuits intéressants certes, mais des circuits fermés. Le festival doit être le reflet de l’action cinématographique en salle. Sans véritable distribution, la vie des films dans les seuls festivals constitue un leurre pour le cinéaste.

Pensez-vous que notre cinéma est assez bien représenté dans les festivals des pays du Nord ?

Peut-être bien. Peut-être pas assez. Mais ce qui me semble digne de retenir l’attention de vos lecteurs, c’est le fait que les films africains soient plus vus en Europe qu’en Afrique. C’est un système insensé.

Comment avez-vous vécu le Fespaco 2007 ?

J’ai découvert que le rendez-vous du 7 e art africain est l’occasion pour certains du monde de la culture de manipuler l’opinion… C’est un jeu de dupe, où il est question de quota, de copinage et de réseaux…

Vos projets pour 2008 ?Faire des films et les faire circuler en Afrique noire. Mon dernier film a été distribué au Burkina en juillet 2007, et en Côte d’Ivoire (Abidjan et Bouaké) en octobre et décembre 2007. L’ambition, c’est d’aller vers d’autres publics en Afrique noire, avec ou sans subvention du Nord !

Propos recueillis par Achille Kouawo
Juillet 2007

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