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Baba Hama : Le cinéma ce n’est pas que le support 35mm...
Publié le : janvier 2007

Clap Noir : Trouvez-vous qu’on assiste à une évolution de la production cinématographique africaine, notamment du point de vue de la diversité culturelle, au cours de ces dernières années ?

Baba Hama : Tout a fait. On constate quantitativement une légère baisse de la production de longs métrages pour la zone Afrique Subsaharienne, mais avec l’avènement des nouvelles technologies et la possibilité de tourner en numérique, il y une nouvelle opportunité donnée aux réalisateurs africains, et on constate effectivement un boom en ce qui concerne la production vidéographique. Rien que pour cette édition, nous avons reçu en support de tournage vidéo près de 500 œuvres qui ont été soumises à notre sélection. Ces nouveaux outils permettront aux réalisateurs africains de tourner des films avec des budgets de production beaucoup plus à leur portée. Reste tout de même la question de la diffusion au niveau des salles et de la commercialisation de manière générale qui saura difficilement se passer de la phase dite du kinéscopage [1]. Cela dit, les gains réalisés en amont, en tournant en HD ou autre supports vidéo, de ce point de vue on s’attend donc à ce que la production aille croissant.

Pensez-vous que ce nouveau langage cinématographique, ou doit-on dire vidéographique, à le pouvoir de dynamiser l’industrie cinématographique africaine ?

Absolument. Le cinéma ce n’est pas que le support 35mm. Il y a différentes possibilités de support pour aboutir à des œuvres de cinéma. Aujourd’hui si l’on regarde des pays anglophones tels le Ghana ou le Nigeria qui essaient de créer une industrie endogène en matière de production, de diffusion, de consommation de leur cinéma, ce sont des pays qui ont réussi à mettre en place un réel marché interne qui aujourd’hui fonctionne, de notre point de vue. Il y a des producteurs qui arrivent à tirer leur épingle du jeu, des réalisateurs qui continuent de tourner des films et des comédiens qui ont des agendas extrêmement chargés. L’avènement de ces technologies là est en partie responsable de ces progrès, et je pense qu’il contribuera à permettre la construction d’une réelle industrie sur le continent.

L’accroissement de la production en termes de quantité ne représente-t-il pas un risque de nivellement par le bas de la qualité des œuvres ?

Je dirais que c’est dans la quantité qu’on trouvera la qualité ! Plus vous en aurez plus vous aurez la possibilité de faire des choix, il est donc important d’avoir cette opportunité de produire plus. De ce foisonnement naîtront des chances plus importantes de voir naître des œuvres qui présenteront les qualités requises pour sortir des frontières de leur pays, et pourquoi pas de leur continent.

Quelle est sa place par rapport au cinéma d’auteur ?

Nous avons aujourd’hui des cinéastes, notamment au Burkina Faso, qui grâce aux technologies numériques ont réussi à accroître leur cadence de production, jusqu’à un film par trimestre pour certains, et qui arrivent de surcroît à rentabiliser leurs films rien que par le biais des entrées en salles. Il y aura sans doute de plus en plus de place pour ce cinéma qui se positionne dans le marché, mais cela n’empêchera pas un certain nombre de producteurs, un certain nombre de réalisateurs de continuer de proposer des films d’auteur qui sont très importants. C’est le terrain privilégié des préoccupations d’esthétique, de thèmes… toutes choses auxquelles continueront d’être sensibles les cinéphiles.
Je pense qu’il y a de la place pour ces deux types de cinéma, un cinéma d’auteur et un cinéma que je qualifierai de populaire, de commercial. Peut-être que l’un va permettre de soutenir la production de l’autre, car on a besoin de beaucoup d’argent tout de même pour réaliser des films d’auteurs.

Retour sur la question de la visibilité du cinéma africain en occident, comment voyez-vous évoluer cette visibilité ?

C’est une question de longue haleine. Le seul domaine où l’Afrique a réussi aujourd’hui, c’est la musique. Quand on parle de « World Music », il y a une sorte d’abolition des frontières qui ne pose de problème à personne. C’est une question d’étapes. Il viendra un moment où les anglais, les néerlandais, les français ou les allemands iront naturellement voir des films africains. Tout est question de niveau de production, parce que même les normes de qualité sur lesquelles le cinéphile apprécie une œuvre sont elles aussi bien souvent tributaires du budget. De ce point de vue l’avenir réserve un certain nombre de surprises pour nous. J’en profite tout de même pour saluer les efforts importants de certaines salles d’art et d’essai qui favorisent la diffusion du cinéma africain sur le continent européen, et particulièrement en France. Je voudrais également dire que le cinéma africain pourra aussi compter sur les télévisions. Un film tel que Fatou la Malienne, où d’autres films, ont été bien accepté et appréciés du public français, et ce grâce à la diffusion par la télévision [2]. C’est dans ce sens que des chaines comme Arte qui s’impliquent aussi dans la production de films africains peuvent apporter leur contribution, car nous pensons que la télévision est un vecteur important de promotion du cinéma africain et tant mieux si la télévision française et européenne de manière générale programme des films africains.

Propos recueillis par Isabelle Audin et Benoît Tiprez (Clap Noir)

[1] Report sur pellicule d’un film tourné en numérique afin d’en permettre la projection en 35mm.
[2] Diffusion sur Arte.

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