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Grigris à Cannes
Publié le : vendredi 17 mai 2013
Mahamat-Saleh Haroun, seul représentant de l’Afrique

Mahamat-Saleh Haroun et son dernier film Grigris, représentera le Tchad et le continent africain, en compétition officielle à Cannes cette année. L’Afrique est absente des autres sélections. Notons tout de même le film marocain de Hisham Lasri “C’est eux les chiens” programmé à l’ACID ainsi que le film du sénégalais Sembène Ousmane “Borom Sarret” programmé à Cannes Classic.

La diversité des cinémas du Sud à Cannes se fait plus rare

Malgré la mauvaise passe traversée par les cinémas africains, on aurait pu entrevoir un second souffle grâce à la production en numérique. Si le regard esthétique de Cannes sur ces cinémas a évolué, le numérique n’a absolument pas favorisé le renouveau et l’intérêt des programmateurs pour les films du continent ; cette année, aucun film à Un certain regard, ni à La 15aine des réalisateurs, encore moins à La semaine de la critique depuis 2006…il y a eu tout de même de belles oeuvres depuis 7 ans ! “Teza” de Haïle Gerima, “Moloch tropical” de Raoul Peck, plus récemment “Tey”d’Alain Gomis et “Yema” de Djamila Sahraoui…

On a souvent reproché ces dernières années à Thierry Frémaux, le délégué général du festival de Cannes, de sélectionner toujours les mêmes cinéastes, ce qu’il assume en partie en disant “Les grands réalisateurs font des grands films…”. Force est de constater que Cannes mise sur des valeurs sûres, les plus grands, parfois avant même que certains films ne soient finis.

C’est le cas pour Haroun que l’exception culturelle française a toujours défendu. Le réalisateur tchadien a su se frayer une place parmi les grands du cinéma. Il a contribué également aux différents soutiens des institutions culturelles françaises ; en 2004 en tant que membre de la commission de sélection du Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud (OIF / Cirtef) et en 2008 au MAE, qu’il a servi en qualité de président du comité de Sélection du Fonds Sud cinéma.

Charismatique, le cinéaste tchadien affirme un regard sans complaisance sur la médiocrité des cinémas du continent (et sur ceux qui le font). Certes, le regard occidental sur les films africains n’a guère changé ; sur la Croisette, on entend dire qu’il s’agit d’un cinéma d’auteur “dont les lignes esthétiques et narratives ont peu évolué”, traité d’“amateur” pour certains ou d’“ennuyeux” pour les autres. Cependant, depuis les années 2000, les critiques et les professionnels français ont sorti du lot une poignée de réalisateurs confirmés, dont les films ont bénéficié d’un accueil favorable ; Haroun est, avec Abderrahmane Sissako, Yousry Nasrallah, Nabil Ayouch … entre autres, parmi ceux qui sont retenus à Cannes.

Doit-on en déduire que ces choix s’opèrent au détriment d’une réelle diversité qu’offre la production du continent africain ?
Ces dernières années, certains cinéastes ont choisi de présenter leur film à la Mostra de Venise ou à la Berlinale comme Alain Gomis pour son film “Tey”, qui ne pouvait donc prétendre une sélection cannoise. Ces festivals tout aussi exigeants sont peut-être moins élitistes. Mais peut-on imaginer que le plus grand festival du monde néglige l’expression culturelle d’un continent tout entier ?
La France a un des systèmes de financements les plus aboutis, avec le CNC, et permet grâce à ses différents fonds de soutien, la diversité culturelle dans le monde. Elle reste un des moteurs du cinéma mondial. Cette année, plusieurs films internationaux sélectionnés en compétition ont été financés par des capitaux français. Plutôt que de chercher un coupable, il vaudrait mieux s’interroger sur les raisons qui ont conduit les sélectionneurs cannois à leur choix.

Un brillant parcours

Mahamat-Saleh Haroun est un des plus brillant de sa génération, réalisant des films d’une grande qualité et surtout, qui semblent correspondre aux attentes des professionnels, aussi bien que du public. Ces films s’inscrivent dans la continuité du regard politique de la France et de son soutien aux cinématographies du Sud.

Sa 1ere sélection fut à la Mostra de Venise en 1999, où il reçut le prix du Meilleur premier film pour “Bye-bye Africa”. Suivra sa 1ere sélection cannoise à La quinzaine des réalisateurs en 2002 avec le très beau “Abouna”, début d’une réflexion sur la filiation, son thème de prédilection. Son 3eme long métrage “Daratt”, le plus réussi, le fera rentrer dans la cour des grands du cinéma. Paradoxalement, le réalisateur avait bénéficié pour ce film de l’atelier de la Cinéfondation à Cannes en 2005. Finalement, “Daratt” sera sélectionné à la Mostra de Venise où il recevra le Prix spécial du jury en 2006 et l’Étalon de bronze au Fespaco en 2007.
Toujours sur le thème de la filiation et des conséquences de la guerre, il reviendra sur la croisette en 2010 avec “Un homme qui crie”, son 4eme long-métrage et premier film en compétition officielle, récompensé du Prix spécial du jury et de l’Étalon d’argent au Fespaco 2011. Moins convaincant que “Daratt”, “Un homme qui crie” n’a pas eu les faveurs de la critique, mais a bénéficié de l’engouement des institutionnels et du public. En 2012, Mahamat-Saleh Haroun prendra place pour la 1ere fois parmi le jury officiel long-métrage, qui décernera la Palme d’or à Michael Haneke pour son film “Amour”. Cette année, pour la 2eme fois, le réalisateur tchadien sera en lice pour la Palme d’or.

Reste l’éternel problème de la diffusion des films (franco) africains en France. Si Cannes est un sérieux label pour les distributeurs, il semblerait que les films primés en bénéficient peu lors des sorties françaises. La dernière sortie de “Un homme qui crie” en septembre 2010 n’aurait pas dépassé les 60000 entrées. La sortie de “Grigris” est prévue fin août 2013.

Benoît Tiprez

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