L’Absence de Mama Keita
Publié le : mercredi 4 mars 2009

Mercredi 8h du matin, ciné Neerwaya. Devant une salle bien remplie, un Mama Keita, tendu et désolé, s’excuse à l’avance des défauts de la projection à venir : la copie de son film n’a été retrouvée qu’au dernier moment, il n’a pas eu le temps d’effectuer l’étalonnage nécessaire. Encore un coup des laminak* du FESPACO !

Serait-ce en hommage à Sembene, le grand disparu ? Mais le film du guinéen Mama Keita se déroule à Dakar. Un homme à fière allure descend d’un taxi, pousse la porte d’un jardin, s’arrête devant une vieille femme, c’est sa grand-mère. Quinze années ont passé depuis le départ d’Adama pour la France, quinze années sans nouvelles du brillant étudiant qui devait revenir une fois ses diplômes obtenus. Comment pardonner l’abandon, cette petite mort ? Sur ses traces, on avance d’un champ de mine à un autre. C’est sa sœur, qu’il a toujours jugée responsable de la mort de leur mère, rejetée une seconde fois alors qu’elle l’invite à apprendre le langage des sourds muets. C’est son ami, qu’il invite avec désinvolture à renouer leurs relations d’antan. C’est son professeur qui chasse l’ingrat de chez lui. Il a choisi son camp Adama : renoncer à sa belle réussite en France, ferait-il avancer les affaires du pays ?

Au gré de ses pérégrinations dans la ville, et ses passages à la maison, on comprend, comme la grand-mère, que cet homme n’est pas revenu pour rester. Mais pour assister aux derniers instants de celle-ci …pauvre stratagème imaginé par la sœur, en guise d’appel au secours. Rythme lent, musique jazzy, images fluides accompagnent à merveille le mélancolique retour du salaud.

Mais soudain, tout va exploser ! Sa sœur se prostitue et il ne peut en supporter l’idée. A partir de là, le joli cadre à la française va creuser son douloureux sillon, fait de coups, poursuites, règlements de comptes, et cruelles découvertes.
Un polar noir de chez noir ! Une descente aux enfers portée par une caméra qui fait son miel de la puissance de la ville grouillante et forte, avec, des scènes dans l’île de Gorée, comme autant de goulées d’air pur pour replonger plus profond.

On se « gâte » à s’oublier, soi et les siens. Métaphore de l’Afrique abandonnée par ses cerveaux et qui plonge dans toutes les violences. Et où, mieux qu’à Dakar, planter le décor de cette tragédie moderne ? On retrouve avec nostalgie quelque chose des séries B américaines. En remplaçant l‘habituel « privé » sans illusions par un arrogant intellectuel, Mama Keita, s’inspire avec force des plus pures règles des grands polars.

Michèle Solle

• Laminak : au pays basque c’est ainsi qu’on appelle les mauvais génies.

  • Le 28 mars 2009 à 13:47, par TItti

    j’ira voir ce film cette aprés midi. J’ai lu tous la critique, je pense que sera interessante.
    Titti

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