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L’escalvage vu par les cinéastes américains, « The black film project »
Publié le : mercredi 14 février 2007
Une conférence du Dr Harold Weaver

Harold Weaver est un universitaire américain qui s’intéresse au cinéma africain depuis toujours. Il fut le premier à donner un cours sur ce thème aux Etats-Unis, dès 1972. De passage à Paris récemment, il a présenté au musée Dapper une conférence passionnante sur les Noirs vu par les cinéastes américains.

Pendant presque tout le vingtième siècle, la tendance à Hollywood était de rabaisser les Noirs. On leur collait des stéréotypes négatifs.
L’historien Donald Bogle a ainsi recensé différents types de personnages, parmi lesquels on retrouve l’Oncle Tom (loyal et dévoué), les comiques, ou encore les voyous, qui avaient bien sûr des sexes surdimensionnés. Les femmes étaient souvent représentées comme d’énormes « mamas ». Des acteurs noirs comme Paul Robeson et Canada Lee ont essayé de changer cette représentation., mais ce qui restait la norme étaient les films dit du genre « Plantation », où les Noirs étaient toujours dévalorisés.

C’est seulement après les mouvements de libération en Afrique dans les années 50 et 60, que sont apparus des réalisateurs noirs, tels qu’Ousmane Sembene, Melvin Van Peebles, Sergio Giral, Euzhan Palcy, Spike Lee, Raoul Peck ou encore Gordon Parks.

A partir du 16 ème siècle, pour le plus grand profit de certains, l’Europe a pratiqué la traite négrière transatlantique. Deux cent cinquante millions d’Africains périrent ou furent déportés vers les Amériques durant les quatre siècles que dura ce trafic. En 2006 a eu lieu une table ronde, à l’initiative de l’UNESCO, au cours de laquelle différents cinéastes ont présenté des films dont les sujet étaient l’esclavage et la traite des noirs. On a pu y voir « Ethnic Notions », de l’américain Marlon Riggs ; « El otro Francisco », du cubain Sergio Giral ; « Passage du milieu », du martiniquais Guy Deslauriers, « Solomon Northup’s Odyssey », de l’américain Gordon Parks et enfin « Sankofa », de l’éthiopien Haile Gerima.

Dans son documentaire (qui a gagné un Emmy Award), Marlon Riggs présente la manière dont les Européens blancs dominaient les Africains noirs à l’époque de l’esclavage. Sergio Giral s’est lui inspiré du roman « Francisco », écrit quelques années avant la célèbre « Case de l’Oncle Tom ». On y voit les esclaves africains dans les plantations de coton à Cuba, et leurs différentes manières de se révolter : la fuite, l’infanticide, le crime, le sabotage, etc….

L’intention du documentaire poétique de Guy Deslauriers elle, est double : d’une part, donner à vivre une aventure humaine dans ce qu’elle a de sombre et de terrible afin d’informer, d’inscrire dans les mémoires et les consciences ce qui doit être considéré comme un génocide sans précédent dans l’histoire de l’humanité ; d’autre part de mettre en avant le fait que les bateaux négriers, thème de ce film, font partie du patrimoine culturel des peuples ayant subi l’esclavage. En effet, pour ces derniers, pendant longtemps, le mot patrimoine a été raccroché aux aspects monumentaux, qui en Afrique, aux Caraïbes et aux Amériques ne témoignent que de la trajectoire coloniale. Valoriser des lieux comme ceux des bateaux négriers, symbolisant la mort des peuples anciens et la naissance des peuples « créoles », les étudier, les connaître, les prolonger par appropriation c’est aussi leur donner d’exister aux yeux d’un monde qui n’a jamais voulu reconnaître l’ampleur et les conséquences encore quotidiennes, de cette traite négrière transatlantique. Et leur donner d’exister, c’est se battre pour faire accepter que ces bateaux négriers deviennent patrimoine de l’humanité.

Gordon Parks est l’un des réalisateurs qui a brisé le silence d’Hollywood sur les réalités de l’esclavage aux USA. Il a mis en images la célèbre autobiographie de Solomon Northup, un musicien noir américain qui fut enlevé et subit l’esclavage pendant 12 ans avant que sa famille ne le retrouve. Il s’est attaché à montrer les différentes étapes de la vie ce cet homme, qui fut tout d’abord libre dans le Nord, puis esclave dans le Sud, et de nouveau libre dans le Nord. C’est l’un des premiers films hollywoodien à montrer l’esclavage de façon honnête, et surtout à montrer une famille noire libre et heureuse.

Enfin, « Sankofa », d’Haile Gerima, est un autre film très poétique, tout comme celui de Guy Deslauriers. Haile Gerima est né en Ethiopie mais a été élevé et a étudié aux Etats-Unis. Son film, sorti en 1993, est aujourd’hui devenu un film culte au sein de la communauté noire américaine. C’est une réécriture intéressante de l’histoire de l’esclavage africain. Alors que les présentations hollywoodiennes privilégient l’aliénation corporelle et spirituelle des esclaves, les rendant témoins passifs d’un système inhumain, Sankofa en fait les acteurs contradictoires et dynamiques d’une lutte de libération.

Ces réalisateurs sont des pionniers, mais il reste encore un long chemin à parcourir afin de continuer à briser le silence qui plane sur l’esclavage, et surtout à donner une image honnête des Noirs, à leur rendre leur dignité.

Résumé et traduction : Christine Avignon

Dr. Hal Weaver, W.E.B. Du Bois Institute for African and African American Research, Harvard University, and The BlackFilm Project, Boston.

Contact : weaverhal chez yahoo.com

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