Le dernier des Mohicans
Publié le : mardi 17 février 2009
Rencontre avec Djingarey Maïga




Je l’ai rencontré en novembre dernier à Paris. Il était en post production de son dernier et 5ème long métrage. Enfin ! Pas réellement post production. Djingarey Maïga, le nigérien de Niamey, acteur, assistant et réalisateur depuis près de 40 ans, tentait de refaire le film, « Quatrième nuit noire » à partir de rushes retrouvés dans des cartons. Motif : les bobines du film terminé lui avaient été volées dans un studio à Niamey !!! Un film sur lequel il travaillait depuis 7 ans !

Il avait refait, seul, le montage, et ils étaient trois à se battre avec lui pour redonner vie, couleurs, et sons à une étrange « copie » verdâtre ; les rushes, négligés, avaient souffert de l’abandon. Pas abattu mais fauché, le Djingarey. Et les autres bossaient pour rien, par amitié, pour soutenir dans cette épreuve le Dernier des Mohicans.

Né en 1939, cet ancien releveur des compteurs à la Compagnie Nigérienne d’Electricité, s’intéresse très tôt au cinéma, fait l’acteur dans un film de Moustapha Alassane en 68, et on le compare à Sidney Poitier. Devenu assistant d’Alassane en 70, se consacre au cinéma, tourne un court métrage avec son fils de 6 ans : « Le Ballon ». Suivront ensuite ses longs métrages de la série noire. « Etoile Noire » en 75, « Aube Noire » en 83, « Miroir Noir » en 94, « Vendredi Noir » en 2000.
Son dernier « Quatrième Nuit Noire » sur le métier était donc terminé avant qu’on ne le lui vole. Qui dérange-t-il ? Particulièrement représentatif de la grande misère du cinéma africain, Maïga refuse de se laisser bâillonner par le manque de moyens financiers. Sans producteur, il tourne quand il a de l’argent pour acheter de la pellicule, fait jouer les membres de sa famille et ses amis. Dans ces conditions, il ne peut être distribué, ces films sont vus dans les festivals où on veut bien l’inviter. Justement : « sera-t-il au Fespaco, le grand rendez vous du cinéma africain de Ouagadougou en février 2009 ? » Il faudrait que son film soit finit et présentable pour le soumettre à la commission de sélection…et que celle-ci le retienne ! « Un film relève du miracle. Soyons fier de ceux qui ne font que des miracles nécessaires ! » a-t-il déclaré devant une assemblée de réalisateurs africains qui se plaignaient du manque d’aide apportée au cinéma du continent noir.

Je lui ai acheté les DVD de ses 4 premiers films, il m’a accompagnée au distributeur, tout content d’avoir un peu d’argent.
Et je les ai visionnés ! Djingarey est un humaniste, un moraliste. Il raconte sa ville, le poids de la famille, de la religion, de la corruption, tranquillement. Il ne dénonce pas, il montre, la vie de tous les jours, l’argent qui manque, les petites combines, la tradition qui étouffe, la religion qui excuse, la place si fragile des femmes, épouse vite répudiées, célibataires vite tentées par la vie facile, les hommes qui ont vite la grosse tête…Mais aussi, l’administration pesante, corrompue, toute puissante. Pas d’effet inutile, de lumière additionnelle, ce qui rend ses films encore plus noirs, quelques notes d’Ali Farka Touré le grand malien en bande son. Nécessité faisant loi, c’est une sorte de Dogma à l’africaine. Mais il est libre, Djingarey, aucune production ne lui donne des ordres. On peut alors comprendre qu’il dérange au point de faire disparaître son dernier film. Comme le phœnix, et avec l’aide de ses amis, il finira bien par redonner vie à sa « Quatrième Nuit Noire ». Suspense…

Michèle Solle

  • Le 8 janvier 2010 à 14:24, par bouba

    il aime beaucoup le cinema a 71 ans il ne ce rien fair d’autre que le cinema et ne vie que de ça.slt

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