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Les chroniques tunisiennes - 28 octobre
Publié le : lundi 27 octobre 2008
22eme édition du 25 octobre au 1er novembre 2008

Beaucoup de monde partout. Certaines projections refusent du monde, bien qu’on y voie des gens assis par terre…En majorité des jeunes, qui profitent d’un prix d’entrée très attractif (1 dinar au lieu de 3 ou 4 le reste de l’année) mais mon voisin, financier, prend chaque année un congé pour « engranger pour l’année » me dit-il. Les films tunisiens présentés au festival ne sont pas tous distribués ensuite, d’où l’engouement. Et pour être sûr de trouver une place au Mondial, aux séances de 18h et 21h, quelque soit le pays d’origine du film, il vaut mieux ne pas s’y prendre au dernier moment. L’autre soir, Emmanuelle Béart, arrivée après ses collègues du jury, a failli ne pas pouvoir entrer ; elle n’est pas connue ici, et, son apparence ne révèle pas la star qu’elle est en France !

Isabelle et Boubacar Diallo

15h - Au Cinémafricart, petite salle toute neuve dans l’hôtel Africa, Boubacar et Isabelle Diallo présentent leur film Sam le Caïd, dans la sélection « low budget ». Ce film a coûté 50000 euros. Après s’être réjoui de revenir dans la ville où il avait suivi un atelier d’écriture de scénario en 2000, Boubacar Diallo précise : « Devant la désaffection des salles en Afrique de l’Ouest, nous avons décidé de faire un cinéma différent. Ne plus attendre l’argent des guichets du nord, chercher sur le terrain des bailleurs de fond, et surtout, traiter de sujets qui intéressent les gens aujourd’hui » Pari réussi, les salles de Ouaga se remplissent dès l’affichage d’un des films du Dromadaire, sa maison de production gérée par son épouse, Isabelle, qui reconnaît que les cachets très modestes donnés aux acteurs sont compensés par la fidélisation et le nombre de jours de tournage par an. De fait, autour du couple, vit une famille d’acteurs, que le public retrouve dans tous les films. Sam le Caïd met en scène un truand au petit pied, roitelet ouagalais. Faussaire, joueur impénitent, lâche, jouisseur, après s’être ruiné au casino, il monte un plan dont les conséquences en cascades impliquent des policiers véreux, des complices peu fiables, et éclaboussent dans leur chute quelques braves gens qui se trouvaient là. Ce n’est pas tant l’histoire de ce polar qui importe, mais son propos et la façon de l’habiller. Une langue truffée d’expressions imagées, - « Ne me parle pas aujourd’hui, j’ai mal la migraine ! » -, qui fait merveille, des situations quotidiennes tournées en dérision, -relations en famille, entre copains - le bon rythme.

Le dernier film du réalisateur est d’ores et déjà retenu pour la compétition du prochain Fespaco, il traite de l’esclavage et, actuellement, est en kinescopage

Une terrasse Bd H. Bourguiba

17h - Au 4 ° Art : Compétition officielle Vidéo, 2 films
Divorce de Manouchka Kelly Laboula, une jeune Gabonaise (40’). Ou comment un couple uni par le mariage coutumier, essaie de rompre cet engagement, comment il n’y parviendra pas, se réconciliera et se mariera devant le maire et le curé. La force de la tradition dans les relations familiales opposée à des situations résolument modernes…. Fraîcheur et force d’un premier film.
Mere-Bi (La Mère) de William Mbaye, Sénégal ( 55’) et qui pourrait durer des heures, tant le personnage est multiple, attachant, passionnant. « Depuis le temps que je tourne autour de ma mère, je me suis dit qu’il fallait poser quelque chose, et ne plus hésiter » déclare-t-il en présentant son film, qui sort juste du mixage. Sa mère, c’est la grande Annette Mbaye d’Erneville, sortie de l’école normale de Rufisque, première femme journaliste africaine, proche de Senghor, après avoir tutoyé l’intelligentsia parisienne dans les années 50, directrice des programmes radio, poète, scénariste, pionnière des luttes d’émancipation des femmes africaines féministe. Liste non exhaustive, et réductrice par force, cette femme magnifique dont la maison fut, est et reste un lieu de rencontres et de lumière, rêve de créer une imprimerie. Elle n’est pas la mère de… c’est lui Ousmane William Mbaye le fils de… qui lui rend hommage dans ce beau film rempli d’amour. Les images, il a dû les acheter aux archives françaises… « Ce sera mon prochain combat : rapatrier les archives africaines qui sont actuelles stockées en France ! » Il n’est pas interdit de l’aider.

Bd Habib Bourguiba

21h - Le Mondial. Compétition officielle Teza de Haile Gerima, Ethiopie.
Prix Spécial du jury à la dernière Mostra de Venise, le dernier film de Gerima est précédé de sa réputation. Teza, c’est la rosée. Les enfants jouent aux énigmes. « Je l’ai vu le matin, je reviens, il n’y a plus rien » C’est ainsi que l’éthiopien de Washington, retrace, à travers le destin d’un intellectuel, l’histoire récente de son pays, les violentes convulsions politiques des années 70/8O sous le régime de Mengistu. Les changements intervenus, les désillusions. Anberber, revient chez lui, c’est un homme mûr, blessé, il a perdu une jambe et sa mémoire, hurle toutes les nuits. De quelle guerre réchappe-t-il ? Sa terre lui parle avec force et les images traversent le spectateur. On retient son souffle. Savoir qu’il ait fait un jour des études de médecine en Allemagne ne peut le tirer de sa nuit. Le veut-il ? Grâce au rite de l’eau glacée, les strates se révèlent, toutes porteuses de douleur. Construction en flash-back ; L’enfance heureuse dans une Ethiopie disparue à jamais, les rêves européens du jeune médecin, le retour militant dans son pays, ses utopies confrontées à la violence de la dictature marxiste, sa fuite en Allemagne, pour y rencontrer une autre violence, celle du racisme et revenir, encore, dans ce pays qui ne peut être que le sien malgré tout. Que peuvent comprendre les européens à la complexité de la situation ? Anberber, à bout de douleurs et de renoncement trouve finalement une place…
Rien à dire. Les yeux sont impressionnés d’images inouïes, le corps met du temps à digérer l’onde de choc !

Michèle Solle (Clap noir)

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