Du passé vers l’avenir
Publié le : dimanche 27 février 2011
Fespaco 2011



À l’heure où le Maghreb renverse tour à tour ses gouvernements et que la Libye sombre dans la répression, un petit pays d’Afrique de l’Ouest, confiné aux portes du Sahel, célèbre le cinéma. Le Burkina Faso – ou pays des hommes intègres comme l’a rebaptisé en 1984 son président révolutionnaire Thomas Sankara – n’est autre que le berceau d’un festival de cinéma devenu grand : le Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO).

Sa 22e édition débute dans la tourmente naissante du pays : au Sud (Bobo-Dioulasso) le commerce est perturbé par le conflit politique ivoirien, au Centre (Koudougou) des étudiants ont affronté des CRS suite au décès de l’un des leurs, suscitant la suspension des cours jusqu’au 1er mars afin que la révolte ne gagne pas toutes les villes du pays.

Car le FESPACO est un événement bi-annuel majeur qui réunit près de 200 journalistes internationaux (dont les prestigieux Variety, Hollywood Reporter, BBC...) ainsi que de nombreux professionnels du cinéma. Le succès de cet événement a fait du Burkina-Faso un pays phare en matière de 7e art, tant sur le continent qu’à l’échelle mondiale ; tout en faisant du Fespaco un événement majeur des cinématographies africaines.

De cette visibilité extérieure prestigieuse découle des conséquences importantes dans le pays : exploitation de salles de cinéma alors que beaucoup d’autres pays n’en ont plus, engouement du public pour les productions locales, production régulière de séries télévisées et de fictions tournées en numérique, existence de ciné-clubs et de cinémas ambulants...

Alors que la 21e édition du FESPACO célébrant ses 40 ans avait une organisation catastrophique, la 22e édition a démarré sous de bons auspices. Premier point encourageant : la communication. A l’égard des professionnels du cinéma, des conférences de presse ont pu se tenir au Maroc, en France et en Belgique en janvier 2011. L’avancée des dates limites d’inscription des films et des demandes d’accréditation a permis au comité d’organisation d’annoncer sa sélection de longs-métrages 40 jours avant le début de la manifestation et d’imprimer badges, catalogues et programmes en amont de la manifestation. A l’égard des populations locales, des spots télévisés en français et mooré – principale langue du pays – a permis d’annoncer l’évènement bien avant sa tenue. Un petit programme hebdomadaire lors des journaux télévisés de 13h15 et 19h de la chaîne nationale RTB informait les Burkinabè de l’avancée du festival tant dans l’organisation pratique, quand dans l’avancée des travaux et la sélection des films. Un effort soutenu par la retransmission en direct de l’ouverture du festival tout au long de la journée du 26 février.

Deuxième point satisfaisant : l’engagement en faveur des cinéphiles. Des projections de plein air organisées dans les quartiers périphériques de Ouagadougou en association avec le Cinéma Numérique Ambulant aux séances hommages aux cinéastes disparus organisées dans 9 salles de cinéma de la ville le soir de l’ouverture, le FESPACO souligne l’importance de son rôle dans l’implication des publics. Plus encore, au vu de l’organisation d’autres grands festivals de cinéma internationaux, l’instauration d’un Pass Festival pour les journalistes limite leur accès aux séances publiques afin de permettre à tout un chacun d’assister aux projections sans que celles-ci ne soient l’exclusivité entière des professionnels. Ainsi la projection de Visages de femmes de Désiré Ecaré [Côte d’Ivoire, 1985] le premier soir du festival a fait vibrer les spectateurs initiés comme les novices par la fraîcheur, le culot et l’humour de ce film que la censure de scènes érotiques avait rendu on ne peut plus célèbre au moment de sa sortie.

En regardant vers le passé (le couac de la 21e édition, les œuvres phares des aînés disparus) pour mieux se tourner vers l’avenir (les jeunes cinéastes à travers la nouvelle section dédiée aux écoles de cinéma, la place des cinémas africains sur les marchés), et à la veille de l’ouverture de la compétition officielle (le 27 février à 16h), le FESPACO nous montre avec fierté qu’il est utile de tirer des leçons de nos échecs et de l’expérience de ceux qui nous ont précédé.

Claire Diao

Également…
1

Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France
Tél /fax : 01 48 51 53 75