La chronique de Caroline
Publié le : jeudi 5 mars 2009
Back from hell



A peine arrivée sur la terre africaine, un paludisme me terrasse pour trois journées entre la vie et la mort dans ma chambre à l’hôtel Samaritain. Très chic excuse pour ne pas affronter les festivités ? Raison du petit retard de la chronique ouagalaise promise depuis Paris.
A peine sortie de mes fièvres tropicales, j’atterris au cinéma Nerwaya, où les brochettes bien pimentées à 100 f CFA sont toujours aussi bonnes, la tradition ne déroge pas. Là, la tradition ne déroge pas non plus… le film de Jean-Marie Teno, notre grand documentariste camerounais, auteur notamment du « Malentendu colonial » ou d’« Afrique je te plumerai », commence dans un vent de panique molle avec une bonne heure de retard. Comment un jeune cinéaste peut-il se lancer dans le monde du show business africain ? De la manière suivante : la panique molle continue, un animateur tente d’animer, on attend la copie 35 mm du film qui se balade encore quelque part entre l’aéroport de Ouagadougou et la salle, à moins qu’elle n’ait été retenue par le jury du festival qui n’avait rien trouvé de mieux que d’examiner le film dans une chambre d’hôtel climatisée… au moment même où le film devait être présenté au public…

Donc, on demande s’il n’y a pas quelqu’un dans la salle qui aurait quelque chose à raconter, un conte africain pourquoi pas, si quelqu’un se sent… et là, un jeune qui était venu avec son court-métrage fait de bric et de broc à Ouagadougou dit : « moi, moi, j’ai un film ! un court-métrage ! ». Et le film de ce jeune homme a rencontré son premier public au cinéma Nerwaya. Il y était question de vélos customisés avec des radios, si j’ai bien compris. Cette invention allait sauver le village de son inventeur. La lumière se rallume enfin, on a retrouvé la copie du film de Monsieur Teno ! Le retard du film « Lieux saints », une réflexion sur les cinémas de quartier (à travers une étude de cas particulier), car pour Jean-Marie Teno - peut-être en mal d’inspiration ou en crise de foi (Jean-Marie, ne me téléphone pas pour m’engueuler)-, les cinémas de quartiers sont des lieux saints, en tout cas, à Ouagadougou, la religion du cinéma fait des émules tous les deux ans, comme le chante le clip qui passe en boucle sur la RTB, et nous nous en réjouissons ! - se répercute sur le retard du film documentaire du Belge Thierry Michel, « Katanga Business », qui m’emporte dans l’aventure de l’amitié… entre la Belgique et le Congo, devenue aujourd’hui une amitié… avec les investisseurs Chinois. Dans l’ensemble, exploités pour exploités, les mineurs katangais n’ont guère vu leur sort évoluer dans l’échange.

Retard pour retard, le film « La rivale » de Edouard Carrion, dont le personnage principal est interprété par Laurentine Milébo, également auteur du scénario, est projeté dans une salle quasi-vide, à minuit passées. Laurentine est effondrée, le Fespaco est ingrat. Mais il paraît que le film aura droit à une deuxième projection, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas des documentaires, espérons lui un rattrapage digne d’elle et de tout ce qu’elle a donné pour ce joli film.

« On se retrouve à l’indé ?
D’accord lundi, mais où ?
On se retrouve à l’indé, quoi ?
D’accord mais où ? »

Je ne sais plus quel jour j’ai surpris cette conversation. La nuit ouagalaise résonne de concerts, de fête, les maquis sont pleins à craquer jusque tard dans la nuit. Je n’ai pas encore mis les pieds à l’Indépendance…

Propulsée dès le lendemain dans la salle du Centre Culturel Français, où l’on se bouscule pour aller voir « cour commune », par Eric Hervé Lengani. Je me réjouis – et m’étonne presque – d’un tel engouement pour un documentaire sur ce que j’imagine être la vie quotidienne dans une cour africaine, - sujet déjà magistralement traité par le cinéaste malien Abderahmane Sissakho l’année dernière -, et en fait, je tombe sur la dernière sitcom de l’équipe préférée du grand public : la bande des guignols d’Abidjan. Dès le générique, les applaudissements fusent et là, tout le monde se marre et hurle de rire à toutes les répliques de l’acteur principal, le célèbre Michel Gohou, qui interprète un bon père de famille complètement estourbi d’amour pour une jeune fille aux seins protubérants qui vient de s’installer dans sa cour. Il y a des enfants dans la salle, des bébés, des vieux, des jeunes, tout le monde rit à l’humour abidjanais. Je sors de la séance ragaillardie. C’était certes pas très intello.
Le film du sénégalais Mansour Sora Wade me remet directement d’équerre. Pour la deuxième fois après « Le prix du pardon », cet élégant cinéaste me raconte l’histoire de deux frères de lait qui se déchirent pour l’amour d’une femme dans un village près de la mer. Le village s’appelle Mansaré. Le film, Les feux de Mansaré. Bon, je vais tenter d’en dire quelque chose de plus pertinent plus tard.

J’aurais tout de même un mot d’hommage à la statue érigée à l’effigie du grand Sembène, le père spirituel des cinéastes sénégalais, hanté sans doute par d’autres démons. Dans Ceddo, si je me souviens bien, la femme était la plus forte, la reine en quelque sorte, et non pas le jouet plaintif des conflits virils et fratricides. Avec sa vieille pipe, le Vieux observe maintenant avec un sourire ricaneur les voitures et (nombreuses) mobylettes qui défilent place des Cinéastes, en plein cœur de la ville. J’avais quelques appréhensions à propos de la couleur doré-satiné de la statue, elle est bien, elle ne brille pas trop, c’est bien comme ça. Aller, à domani les petits…

  • Le 24 avril 2009 à 10:17, par Stéphane MORO

    Bonjour à vous.
    Avez-vous bien récupéré de votre séjour ?!
    Je souhaitais me rendre au Fespaco cette année mais le réveil d’une hernie discale en a décidé autrement. Une des grandes motivations de mon déplacement à Ouaga était de découvrir le film de Jean-Marie Teno, Lieux saints, dont vous ne dites pas grand-chose. Avez-vous quelques infos sur les possibilités de voir ce film en France ?
    Vous parlez également du film de Thierry Michel, qui représente pour moi la pire façon de filmer l’Afrique. "Congo River", "les Derniers colons", sont des films dégueulasses qui plaident les bienfaits de la colonisation, et "Mobutu Roi du Zaïre" sur la fascination de Mobutu est un film d’irresponsable, d’inconscient, d’infectieux…
    Cordialement
    Stéphane Moro

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