Raconte, Sheherazade raconte...
Publié le : samedi 5 mars 2011
Fespaco 2011





Raconte, Sheherazade raconte... (Femmes du Caire) est un film coup de poing du réalisateur égyptien Yousry Nasrallah. Un film fort, dur et percutant lorsque l’on sait ce qu’est devenu la dynastie Moubarak dernièrement. Hedda (Mona Zakki), belle jeune femme à la carrière accomplie, anime un talk-show politique reconnu. Son mari Karim (Mahmoud Hemeda), journaliste affilié à un quotidien national, a pour ambition de devenir rédacteur en chef. Mais cela est sans compter sur les pressions de ses patrons, résolus à modifier le contenu des émissions d’Hedda jugées trop politiques.

Alors que le film démarre sur une relation de couple amoureux et épanoui (indépendance de la femme, sexualité débordante du couple), Yousry Nasrallah nous fait basculer en douceur dans la corruption, les enjeux de pouvoir et de domination. Le prisme du couple glisse insidieusement vers une critique plus globale de la société égyptienne. Pour que Karim accède au poste tant convoité, il faut que son épouse remanie son émission. Une concession qui n’est pas sans répercussions, puisqu’Hedda, déterminée à ne pas perdre son public, transforme son plateau en confessionnal pour femmes seules ayant vécu des amours tourmentés.

Par son choix de narration, Youssry Nasrallah nous mène vers une mise en abyme des femmes du Caire, celles qui sont opprimées par les hommes, amants, maris ou serviteurs. Au travers de trois histoires distinctes (le couple Hebba/Karim, la fratrie des célibataires, le mariage arrangé – arrangeant ? - d’argent), le réalisateur dresse un portrait oppressant de la société égyptienne. « Tout est politique » énonce Hedda à son mari. Et pour cause : la quête de réussite personnelle est confrontée à l’influence politique, la quête d’amour est freinée par la domination masculine et le mensonge, la quête de vérité n’a d’autre conséquence que l’oppression, la souffrance ou la soumission.

Pourtant, Raconte, Sheherazade raconte... n’est pas un film pessimiste. Il est au contraire le faire-valoir d’une révolution en cours dans les pays du Maghreb. Savamment orchestré par Yousry Nasrallah, finement interprété, ce long-métrage dépeint avec brio les espoirs et frustrations engendrées par la censure. Des allusions à Madame Moubarak à la manifestation silencieuse et pacifique de l’une des protagonistes, Raconte, Sheherazade raconte... est un brûlot politique dissimulé autant qu’un film prémonitoire. La femme, souvent effacée dans la religion musulmane, revendique ici ses droits et ses ambitions. Et de ses paroles naît alors un espoir : celui de la prise en main d’un destin et donc d’une nation.

Claire Diao

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