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Conférence débat sur l’écriture documentaire
Publié le : dimanche 16 décembre 2007
Fespaco 2007



Le centre Culturel Français, lieu de rencontre du côté doc




L’écriture documentaire

Jean-Marie Teno (réalisateur : Le malentendu colonial, le mariage d’Alex , Afrique je te plumerai responsable de Côté Doc ) - Le documentaire est une quête de la vérité. Il n’y a pas de vérité absolue.

Jihan El Tahir (réalisatrice de Requiem pour la révolution, 2006) - Il y a quinze histoires à raconter. Je dois accepter que ce n’est pas moi qui vais raconter toute la vérité, mais seulement une part de la vérité, sous un angle précis. Dans mon premier film "L’Afrique en morceaux", il y avait trop de pays à aborder. Il a fallu décider d’exclure certains pays, certains thèmes. D’autres prendront la relève. Le documentariste est un maillon dans une construction.

Arnold Antonin (réalisateur de Le président a-t-il le Sida , 2006) - Le documentaire diffère du reportage, qui est limité dans le temps, qui ne met pas en oeuvre une recherche personnelle. Pour mes portraits d’artistes, je passe deux ans avec chacun et au début, je ne connais même pas mon angle.

Chantal Richard (réalisatrice de Lili et le Baobab , 2005)- C’est l’écriture qui fait la différence entre documentaire et reportage. Elle instaure un rapport intime au sujet. Des choix se font dans cette phase qui se retrouveront au tournage. On écrit ce qu’on recherche : même s’il y a des inconnues, qu’on ne sait pas ce qui va se passer. Quand on est en tournage, on trouve réponse à ce que l’on a écrit qu’on cherchait.


Jihan El Tahir - Le documentaire permet aussi de découvrir ce qui n’a pas été écrit ! Il est plus simple, quand on écrit un documentaire, de rester dans l’existant, mais il faut aussi laisser la place de se retrouver complètement chamboulée. Par exemple, dans "les maux de la faim", une étude du circuit de l’aide alimentaire, je me suis retrouvée face à un fermier qui cultivait des tomates alors que l’on était dans une zone de famine !

Jean-Marie Teno - Justement, l’écriture est aussi une arme pour mieux appréhender l’imprévu. Je spécifie ma place et mon point de vue, d’où je me place pour raconter mon histoire. Le spectateur, c’est une invitation à avoir une autre place.

Chantal Richard - Un documentaire, c’est signé. Les films prennent en charge leurs conditions de fabrication. On suit la pensée de quelqu’un. La signature n’est pas qu’une question d’ego.

Jihan El Tahir - Si votre film vous tourmente assez pour y passer deux-trois ans de votre vie, allez-y !

Samba Felix Ndiaye (réalisateur de Questions au pays natal , 2006) - Chris Marker ne se posait pas la question de l’écriture. Vous avez un projet qui vous tient à coeur. On écrit pour soi. On sait qui vous êtes, on vous voit à travers vos films : ce que vous pensez et pourquoi vous pensez comme ça !

Les personnages

Chantal Richard - Un documentaire, ce sont des personnages. Le bon personnage, c’est celui qui a besoin de faire le film, à expérience égale. Ce sont des gens dont on va se souvenir ensuite.

Jihan El Tahir - Une interview est un accord entre deux adultes consentants. Chacun ne voudrait voir que sa vérité.

Jean-Marie Teno - Chacun se présente sous son meilleur jour. Chacun utilise chacun et cherche à échapper au contrôle.

Jihan El Tahir - Si on débarque dans une maison pauvre, on prend leur électricité : le minimum est de les défrayer. Mais on sous-estime l’envie de chacun d’avoir sa place à l’écran. Les soldats que j’ai rencontrés au Congo pour mon dernier film "Requiem pour la révolution", parce qu’ils ont été avec Le Che : personne ne s’était intéressé à leur histoire. Le film leur a donné une place, il a donné une légitimité historique à ce qui n’était qu’un souvenir personnel.

Samba Felix Ndiaye - Dans le documentaire, il importe de souligner l’importance de la singularité d’un regard, d’un imaginaire. Cela signifie un travail en amont, en profondeur. C’est un processus long, tissé, fait d’échange. Si vous n’amener rien, vous n’obtenez rien. Dans "Questions au pays natal", je me suis dit qu’on avait jeté beaucoup de pierres aux aînés, à Senghor, sur l’époque des années soixantes, des indépendances. J’ai voulu faire un bilan, trente ans après. Comment se fait-il que nous soyions gouvernés par des médiocres ?

Caroline Pochon

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