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Danny Glover : il y a une grande différence entre l’afrique vue dans des films
Publié le : dimanche 16 décembre 2007
Fespaco 2007



Voila maintenant plusieurs années que le talentueux comédiens Danny Glover participe au Fespaco. L’Afrique, sa seconde patrie fait partie de ses préoccupations quotidiennes. Bien qu’ayant très peu tourné dans des films africains, il n’apporte pas moins son soutien à des réalisateurs africains. Il en parle avec notre reporter, Sophie Perrin.





« Pourquoi manifestez-vous un tel intérêt pour un festival qui se tient si loin des Etats Unis ? »

C’ est une très longue histoire et j’ ai très peu de temps. J’ ai 60 ans. Je suis en contact avec l’ Afrique depuis que j’ ai 19/20 ans. A travers ce que j’ ai lu ; les gens avec qui j’ ai été à l’ université, mon investissement et mon soutien aux comédies africaines, à travers toutes les campagnes politiques ; et toute la campagne contre la colonisation portugaise notamment. Tout cela est partie intégrante de mes préoccupations, de ma vie entière. Donc, quand j’ ai commencé à faire des films et du théâtre, quand je suis devenu acteur, le premier travail que j’ ai embrassé, c’ est le travail de « Fugard », le grand écrivain de théâtre sud africain. Alors naturellement quand j’ ai commencé à faire des films, je me suis mis à chercher des histoires et à soutenir celles qui étaient en relation avec toute cette expérience. J’ ai fait Mandela il y a 21 ans pour HBO. Et depuis ce moment précisément, j’ ai essayé de trouver des moyens pour collaborer avec des réalisateurs africains : avec « Ousmane Sembène » un bon ami à moi, que j’ ai aidé et soutenu pour réaliser son film « Mooladé », avec Sidiki Bakaba, de Côte d’ Ivoire ; j’ ai toujours entretenu ce genre d’ expériences. Quand je suis venu pour la première fois au Fespaco en 1999, on a décidé de lancer avec deux amis à moi, un festival de film panafricain à Los Angeles. J’ en suis le co-fondateur. On a commencé à rencontrer des réalisateurs africains et à voyager dans le continent. Donc c’ est une longue histoire, et ma rencontre avec A. Sissako n’ est pas un accident, ainsi que ma décision dès les premières étapes du travail, de participer au projet Bamako comme producteur. Mon producteur associé Johnson Barnes, avec qui je travaille depuis 7 ans, et moi avons décidé de longue date de soutenir la création cinématographique africaine et ce festival.

« On a souvent fait au cinéma africain la critique de manquer de professionnalisme, pensez-vous qu’ on puisse dire qu’ il y a eu une amélioration significative au cours des années récentes ? »

Tout dépend sous quel angle vous abordez le professionnalisme. Certains des pires films possibles que j’ ai vus ont été réalisés avec des financements inimaginables. Donc tout dépend de ce qu’ on veut dire par professionnalisme. Tout est question de combien de temps vous consacrez à l’ écriture, de la qualité du scénario, du sujet. Et bien sûr, cela dépend des standards, des codes auxquels vous êtes attentifs et que vous appliquez pour juger. Tout cela est relatif. Oui, je pense qu’ il y a une amélioration dans le sens où les réalisateurs prennent leurs responsabilités et élargissent leurs perspectives. C’ est difficile pour moi de parler de professionnalisme car cela dépend aussi de qui regarde et de qui juge.

« Faut-il alors plutôt parler d’ un manque d’ expérience ? »

Oui ! Peut-être qu’ il y a un manque d’ expérience, mais l’ Afrique a une longue et vieille histoire commençant avec les films coloniaux. La première chose que « Kwame N’ Krumah » a installé au Ghana, ce sont les films ghanéens… Je pense que le plus important, c’ est l’ effort qui a été fait dans l’ apprentissage et le développement de la qualité des films, mais cela prend du temps à construire et cela ne se fait pas en une nuit.

« Le cinéma américain traite de plus en plus souvent de problématiques africaines (Blood Diamonds, Hotel Rwanda…) ? Vous semble-t-il important que des cinéastes africains puissent exprimer leurs propres points de vue sur ces problématiques qui les concernent ?
il y a une grande différence entre l’afrique vue dans des films américains et la vision que les africains ont d’eux-mêmes et qu’expriment les cineastes du continent -mêmes, le cheminement de leur histoire à travers leur propre imagination. Les réalisateurs du Nord ont un point de vue « eurocentrique » vaniteux lorsqu’ ils abordent l’ Afrique ; c’ est une réalité, c’ est ce qui arrive.Je pense qu’ il y a effectivement une fascination pour l’ Afrique, mais les occidentaux ont toujours eu un problème avec la manière de construire la vision qu’ ils veulent formuler de l’ Afrique et des africains. Mais ils partent d’ une bonne intention, ils ont conquis un certain public, et peut être d’ une certaine manière en construisant ce public cela donne une opportunité de voir ces films et ces réalisateurs qui ont eux un intérêt à raconter leur propre vérité.

« Vous êtes le co-producteur de Bamako, pourquoi vous a-t-il paru nécessaire de vous impliquer à ce point dans un projet aussi spécifique que celui-ci ? »

Je vais essayer de vous donner une idée de mon histoire. J’ étais étudiant en sciences économiques. Je suis économiste et la première chose qui a retenu mon attention, c’ est l’ économie africaine. J’ ai essayé de comprendre à travers les livres et les discussions autour de ce thème. Donc quand on a commencé le film sur la dette, une question à propos de laquelle je me sentais particulièrement concerné, cela m’ a paru naturel de faire partie du projet. Les discours autour de la dette sont une composante majeure du « traité de la croissance africaine et ses possibilités » engagé par Clinton il y a 10 ans. Les organisations avec lesquelles je travaille sont concernées par cette situation. Que veut-on dire par développement ? Lorsque j’ ai commencé à être consultant au programme des Nations Unies pour le Développement, j’ ai voulu élargir le dialogue autour de sens du développement. Qu’ est-ce que le développement ? Comment le définit-on ? Quels sont les critères que l’ on mesure ? C’ est pour toutes ces raisons que ce film est important pour moi.Prenez par exemple le livre merveilleux de Paul Former qui travaillait à Haïti intitulé « les pathologies du pouvoir ». Il s’ interroge sur le regard porté sur le bon fonctionnement d’ une économie.Prenez le cas de la Nouvelle Orléans, comment se porte l’ économie ? Je ne peux rien dire si je considère uniquement la dynamique économique générée par le tourisme. Mais je dois considérer aussi les autres facteurs comme la santé, l’ éducation, l’ accès aux transports, l’ écart des revenus… Ce sont toutes ces choses qui nous révèlent le véritable état d’ une économie. Tout cela est important. Si tu écoutes les gens et leur lecture des situations économiques, tu entends quel est l’ impact de la violence des ajustements structurels. Ces structures supranationales d’ ajustements ont donc des retombées directes sur leur vie.

« Comment pensez-vous continuer à aider le cinéma africain ?

En restant disponible pour mes amis cinéastes lorsqu’ ils me demandent si je peux faire ceci ou cela. Certainement en soutenant ce festival de cinéma, en trouvant des réseaux et des télévisions qui voudront promouvoir le cinéma africain. J’ essaie simplement de faire tout ce que je peux quand une occasion se présente d’ être utile. Je continue de le faire d’ où je suis. Mais il est important pour les réalisateurs de commencer à cultiver, identifier et développer leur propre public ici.

Propos recueillis par Sophie Perrin

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