Les bonnes surprises du Fespaco
Publié le : dimanche 16 décembre 2007
Fespaco 2007

Newton Aduaka





Je retiendrai de ce festival, trois films qui exploitent des sujets rarement abordés : la rédemption.

« Shoot the messenger » de Ngozi Onwurah (Royaume Unis), projeté une seule fois dans la sélection de la diaspora, méritait d’avoir plus de visibilité. Malheureusement non sous-titré, ce film décrit la difficulté pour un noir à accepter sa négritude dans l’Angleterre actuelle.

Un jeune professeur noir est accusé de racisme envers un élève de la même couleur. Ne supportant pas les clichés que l’on attribue aux personnes de couleur, le professeur fait du jeune rebelle de sa classe son bouc émissaire. Celui-ci se vengera en l’accusant de racisme. Le paradoxe de la situation donne au film un caractère Kafkaien. « Shoot the messenger » nous entraîne dans une descente aux enfers où les convictions du professeur seront à jamais mises à mal. Enfermé dans ses certitudes et la haine de celui qui a détruit sa vie, il sera continuellement confronté à ses contradictions. Le réalisateur a choisi l’autodérision pour traiter ce sujet tabou. C’est la réussite de ce film drôle, sensible et émouvant. Découvrir que son ennemi a autant souffert que soit permet-il de pardonner ? La réponse est dans ce film à voir absolument.

« Ezra » de Newton Aduaka (Nigeria) et « Daratt » de « Mahamat Saleh Haroun (Tchad) posent tous les deux la même question : « peut-on pardonner à ses assassins ? »

Brillamment, Newton Aduaka retrace le procès d’un ex-enfant soldat sierra léonais parricide. Le jeune Ezra est devenu amnésique. Est-il sincère ? A t’il vraiment tué ses parents ? Ment il pour ne pas être condamné ou bien son traumatisme est-il tel, qu’il a développé un processus de protection par l’oubli. La beauté du film tient dans le choix de ne pas juger, mais de faire ressurgir les souvenirs soient-ils tragiques pour pouvoir pardonner.

Un tribunal de réconciliation nationale sous l’égide de l’Onu a été formé. Le juge, la psy et la sœur de l’accusé, seule survivante du génocide du village, sont là non pas pour accuser, mais pour rétablir la vérité. La guérison de tous doit passer par là.

Newton Aduaka avec beaucoup de sensibilité parvient à nous émouvoir et nous interroger sur nos propres sentiments. « Ezra » vous obsède bien après l’avoir vu. Une véritable réussite.

« Daratt » de Mahamat Saleh Haroun soulève la même problématique. A quinze ans, Atim part à la recherche de celui qui a tué son père. Son unique but est de venger son meurtre pour que lui et son grand père soient en paix. Mais peut-on tuer aussi facilement ? Sa rencontre avec Nassara, ancien combattant et meurtrier de son père va bouleverser ses certitudes. Il réussit à se faire embaucher dans sa boulangerie.

La force de ce film, c’est bien sûr la relation qui va s’établir entre les deux. Chacun trouvant ce qui leur a toujours manqué : un fils pour l’un et un père pour l’autre. Atim reste inflexible devant les marques d’affection que lui porte Nassara. Il a construit une barrière d’insensibilité qui s’effrite petit à petit. Va-t-il trouver la paix après l’avoir tué ? Mahamat Saleh Haroun a trouvé le ton juste pour aborder le thème de la rédemption. Avec une très grande sobriété et grâce à un dépouillement total, il réussit là encore à nous toucher. Le rebondissement final est un grand moment de cinéma. Un film à ne pas manquer.

Victor Hugo écrivait : « je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux »

Isabelle Audin

www.clapnoir.org

Également…
1

Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France
Tél /fax : 01 48 51 53 75