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Kabala, l’image d’une afrique qui doit se secouer
Publié le : dimanche 10 juin 2007

Kabala veut être l’image d’une Afrique qui doit enfin se secouer en se débarrassant de la pesanteur de toutes les traditions rétrogrades. Enfin, il est l’image d’une Afrique qui doit gérer l’épineuse problématique de son environnement et cesser d’être assistée.

Ah, sacré Afrique ou le sacré à toujours une place importante. Ce n’est pas Assane kouyaté, réalisateur malien du film Kabala qui nous dira le contraire.

La sécheresse est rude dans les régions sahéliennes. A Kabala, l’eau se fait rare. Le puit sacré n’apporte plus sa substance précieuse au villageois. Que peut un peuple sans le minimum vital ? Face à la souffrance des hommes, il faut implorer les divinités, il faut faire appel au sacré.

Pour féconder le puit sacré, les anciens du village organisent une danse sacrée, la danse du feu. Hamala, un jeune homme du village souhaite participer à cette importante danse. Malheureusement, il ne peut le faire. Hamala a une naissance douteuse. Il n’est pas le fils de son père. Hamala ne peut supporter cette humiliation. Il lui faut partir. Il faut quitter ce village.

A travers l’aventure de Hamala, Assane Kouyaté, à voulu donner à voir aux cinéphiles des réalités vécus : conflit de générations, mariage forcé, violence à l’égard des femmes, accès à l’eau potable, carences sanitaires, permanence de la sorcellerie. Ce film est pour le réalisateur, l’occasion de mettre à la portée des villageois, maliens mais aussi sahéliens, des éléments leur permettant de prendre du recul et de faire un choix, le bon choix entre les traditions.

Un message revient régulièrement dans le film : Chacun à sa place dans le processus de développement de la communauté. Dans le village de Kabala, malgré la danse du feu, le problème de l’eau n’est pas résolu. Il devient de plus en plus crucial. Le choléra sévit dans la région. Mais les anciens ne veulent pas changer d’habitude. Ils refusent de mettre en cause la qualité de l’eau et préfèrent condamner certains habitants du village en disant qu’ils n’ont pas respecté certains interdits. Hamala lui, dans son exil se sent interpellé. Il revient au village et se bat pour que le puit sacré soit à nouveau foré en profondeur pour que l’eau soit meilleure. Les avis divergent. Chacun campe sur sa position. Les anciens disent que toute intervention humaine désacraliserait le puit.

Kouyaté met en évidence deux mondes. Le premier est celui du sacré et de la magie. Le féticheur Faukourou est le principal garant de ce monde. Il refuse toute intervention humaine dans le domaine des divinités. Il sera le farouche opposant au monde du rationnel et de la logique qui est ici incarné par Hamala. En mettant face à face ces deux réalités, Assane Kouyaté met en évidence une vérité : le développement doit permettre un équilibre entre ces deux univers. Si il y avait un choix que le réalisateur devait faire entre le sacré et le rationnel, le film nous laisse percevoir son point de vue. Il choisira le rationnel mais sans mettre fin à la tradition. En d’autres termes, pour Assane Kouyaté, il faut savoir faire le choix des bonnes traditions pour vivre harmonieusement.

La fin du film ouvre la porte à l’optimisme. Le problème de l’eau s’est résolu. Le juste milieu a été trouvé pour le bonheur des villageois de Kabala. Hamala reprend sa place parmi les siens.

En visionnant ce film, certains pourront penser que c’est encore une histoire sur l’Afrique des cases. Mais le message que véhicule Kabala est fort. C’est la lutte que mène tous les jours des africains qui recherchent le juste milieu entre tradition et modernité, entre sacré et rationnel. Dans une Afrique ou le taux de scolarisation et peu élevé, ou les connaissances scientifiques sur certains fléaux ne sont pas toujours acquises, certaines traditions sont parfois sources d’asservissements. Pour Assane Kouyaté, "Kabala veut être l’image d’une Afrique qui doit enfin se secouer en se débarrassant de la pesanteur de toutes les traditions rétrogrades. Enfin, il est l’image d’une Afrique qui doit gérer l’épineuse problématique de son environnement et cesser d’être assistée".

Rappelons que Kabala a reçu le Prix spécial du jury, le Prix du meilleur scénario et le Prix de Signis au Fespaco 2003 à Ouagadougou.

Candide Etienne

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