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Le cinéma de la République démocratique du Congo
Publié le : lundi 15 janvier 2007
Contrairement à la littérature de la RDC qui rassemble une pléiade d’auteurs parmi lesquels un certain nombre se distinguent à la fois comme universitaires, critiques littéraires et écrivains, le cinéma de l’ex-Zaïre est resté modeste mais vivant. On devrait cependant reconnaître qu’au cours de la dernière décennie, il a réalisé plus de progrès qu’en trente ans. C’est dire qu’il s’agit d’un cinéma en pleine expansion. Il s’agit surtout d’un cinéma de la diaspora.
Ce qui explique sans doute que les images de l’exil, de la rencontre des cultures, un peu plus qu’ailleurs, occupent une place quasi-dominante. Cela n’exclut pas la présence remarquable d’images prioritairement de ce pays vaste et riche, non seulement de son sous-sol et de sa nature, mais aussi de ses hommes, de son histoire, de sa culture.

De tous les cinéastes de la RDC, Joseph Koumbela reste celui dont les œuvres ont été le plus marquées par le thème de l’exil et ses dérivés. En 1991, il joue le principal rôle dans Gito, l’ingrat de Léonce Ngabo et participe également à sa mise en scène. Pour ce film, il reçoit le prix de la meilleure interprétation masculine au Fespaco 1993. L’ancien styliste parisien avait déjà fait de la comédie et de la danse à New York et à Los Angeles. Il avait par ailleurs acquis une certaine expérience à travers des rôles secondaires interprétés dans des téléfilms français.

A partir de 1994, Joseph Koumbéla s’installe l’autre côté de la caméra et réalise une série de courts métrages autour de l’émigration africaine, un milieu dans lequel il baigne depuis l’âge de treize ans.

Perle noire (1994, 35 mm) est une fiction couleur de 27minutes. Roland, un homme criblé de dette et sans scrupule, contraint Blandine, sa quatrième épouse qui est une jeune Africaine à se prostituer. Celle-ci parvient à se rebeller grâce à l’aide de sa patronne.

Dans Taxcarte (1996, 35 mm), fiction couleur de 8 minutes Touré et Diop, deux cinéastes africains, sont à Paris au festival Panafricain du Cinéma Calebasse 1996. Touré emprunte la carte de Corinne et lance un coup de fil en Afrique à sa femme qui est sur le point d’accoucher. Un quiproquo s’installe à l’irruption de Josiane, sa fiancée.

Dans Colis postal (1996, 35 mm) fiction couleur de 10 minutes, Isidore, un Africain résidant en France, panique lorsque débarque de manière inattendue sa fiancée d’Abidjan. Comment lui annoncer qu’il est séropositif ?

L’étranger venu d’Afrique (1998, 35 mm, fiction 13 min) nous conduit à Pékin, une fin de journée : Sun, une jeune chinoise a rendez-vous avec son amant, un jeune étudiant africain. Les différences culturelles provoquent des conflits qui se compliquent sous le regard voyeur des autres.

José Laplaine qui débute sa formation cinématographique chez Paralax à Bruxelles, assiste Roger Vadim dans Safari, une production italienne, puis s’installe en France en 1989. Commence une ascension constante de l’artiste. En 1996, il réalise un court métrage, Le Clandestin, fiction en noir et blanc de 15 minutes dont le héros est un Charlot d’ébène. Lorsque celui-ci débarque sur le port de Lisbonne, il est traqué par un policier qu’il parvient à semer. Mais un jour de retrouvailles, le clandestin et le policier vont devoir s’expliquer.

Macadam tribu (1996, 87 min, fiction) raconte la vie de la petite famille de la veuve Maman Bavusi. Elle se compose d’elle-même et de ses deux fils. Ils vivent dans un quartier populaire. Désœuvrée et solitaire, elle va chasser le cafard dans le bar de Papa Sandu. Mike vient de sortir de prison. Kapa, lui est mécanicien mais veut devenir boxeur. Son entraîneur défie un champion dans un combat qui va tourner mal.

Le Jardin de papa (2003, 35cm) couleur de 75 minutes : un jeune couple français en voyage de noces en Afrique. Jean fait découvrir à Marie le royaume de son enfance. Mais un accident intervenu dans un quartier populaire fait basculer tout.

Quant à Bakupa-Kanyinda Balufu, non content de se forger les idées à Bruxelles en étudiant sociologie, philosophie et histoire de l’art, il se tourne bientôt vers d’autres cieux, la France, puis l’Angleterre et enfin aux Etats-Unis pour se former au septième art. Jusqu’à lors, Balufu s’affirme surtout comme documentaristes. Il débute en 1991 avec Dix mille ans de cinéma et Thomas Sankara, le baobab de Dagnoen, auxquels s’ajoutent en 1993, un troisième, Balangwa Nzembo portant sur la célèbre musique de son pays. Parmi ses plus récentes œuvres, s’inscrit le fameux Afro@digital (2002). Ce documentaire de 52 minutes montre l’appropriation faite par les Africains des nouvelles technologies et envisage des perspectives encourageantes pour le continent. Le réalisateur apporte une contribution positive aux débats et réflexions en rapport avec le sommet mondial sur la société de l’information. Rappelons que la première phase du SMSI s’est déroulée en décembre 2003 et la deuxième phase est prévue pour novembre 2005 à Tunis.

Bakupa-Kanyinda Balufu ne déteste pas pour autant la fiction. Au contraire, il en apporte la preuve dès sa première fiction. Le Damier tourné au pays en 1996 et les 35 minutes d’émotions que procure ce film qui a reçu entre autres distinctions le Prix ACCT au Fespaco 97. En 1999, la filmographie de celui que le grand public reconnaît à travers Le Damier, s’enrichit d’une deuxième fiction court métrage, Watt. Evidemment, c’est une histoire d’énergie, mais aussi d’amour, et surtout de musique au centre de laquelle officie un DG d’enfer. Balufu reste pratiquement le seul réalisateur de la RDC à n’avoir pas encore fait du dépaysement de l’exilé africain en Europe le thème directeur d’un film.

Ce thème n ’est pas inconnu du pionnier Dieudonné Mwenzé Ngangura, pour qui le documentaire, plus qu’un terrain de prédilection, tient lieu de cheval de bataille. Ngangura vogue depuis plusieurs décennies entre le Congo et la Belgique, en quête d’images, de paroles, de vies qui se complètent comme les deux faces d’une même monnaie. Né en 1950 à Bukavu, études à l’Institut des Arts de Diffusion à Bruxelles, il a enseigné le septième art dans plusieurs instituts professionnels à Kinshasa. Mwenzé Ngangura. Il entretient une complémentarité entre le documentaire et la fiction. Soit, les documentaires lui donnent, après coup, le fil conducteur de la fiction. Soit, en vue de réaliser un projet de fiction à long terme, il rassemble les matériaux documentaires. Cette seconde alternative rejoint la démarche de l’artiste dont les deux chefs-d’œuvre de fiction occupent une place particulière dans le cinéma de la RDC.

Mwenzé est co-réalisateur avec Benoît Lamy de La vie est belle (1987), comédie musicale sur l’exode rurale où Papa Wemba, Krubwa Bibi, Nzunzimbu Landu, Matshia Kasongo Kanku donne le ton. On y retrouve les thèmes de Kin-Kiesse, prix du meilleur documentaire au Fespaco 1983, ainsi que ceux des documents antérieurs. De même, Le roi, la vache et le bananier (1998) et d’autres documentaires dont certains ont été réalisés à Bruxelles ont servi de matières premières à la conception de Pièces d’identité, récompensé à juste titre par l’Etalon de Yennenga en1999. Mani Kongo, se rend à Bruxelles à la recherche de sa fille dont il n’a plus de nouvelle. Une quête qui en cache bien d’autres pour faire de l’ouvrage du maître, une œuvre majeure du cinéma africain.

Trente ans de pouvoir monolithique dominé par la propagande d’un parti unique et le culte de la personnalité n’ont pas permis au septième art de s’épanouir. Dans ces contexte, Mwenzé fait figure de rescapé parmi les Congolais formés à la même école que lui. Le folklore politique et son corollaire, la catastrophe économique, ont favorisé la formation d’une diaspora de laquelle s’élèvent des voix qui entendent combler le vide et rompre le silence qui pèse sur la terre de Patrice Lumumba.

C’est Raoul Peck, cinéaste haïtien qui réalise Lumumba ( 95 minutes 2000). Dans la forêt équatoriale, deux militaires belges dépècent en morceaux le cadavre d’un homme dont ils effacent les traces pour toujours. Premier ministre du Congo, Patrice Lumumba est assassiné en 1961 quelques mois après l’accession de son pays à la souveraineté dont il fut l’un des principaux artisans. A sa place les commanditaires de son élimination ont mis Désiré Mobutu alias Sesse Seko Kukubendu Wazabanga, celui qui imposera trente ans de dictature dans ce pays. Le film retrace le portrait fascinant du dirigeant charismatique, sa vie et sa pensée. Il dévoile les péripéties et les intrigues qui ont scellé le destin tragique de l’homme qui demeure le symbole de tout un continent. Sept ans plus tôt, le cinéaste haïtien avait terminé un documentaire intitulé Lumumba, la mort d’un prophète. Raoul Peck s’inscrit dans la perspective de la conscience panafricaine dans le sillage de l’auteur d’Une saison au Congo (Présence Africaine 1966). Le Martiniquais Aimé Césaire a écrit une pièce historique et prophétique, tragique et épique.

Mobutu roi du Zaïre, (1999, 135 minutes) est signé par Thierry Michel, cinéaste belge. Celui qui fut l’un des derniers dictateurs issus de la guerre froide, n’était qu’un jeune sergent de l’armée coloniale qui s’arrogea les rênes du pouvoir avec l’aide de la CIA en 1965. Il instaure au Congo qu’il baptise Zaïre un régime politique fondé sur la corruption, le mensonge et la violence. Comme l’exception qui confirme la règle, Le Damier de Balufu caractérise avec une économie exemplaire la dictature mobutiste. Il y aurait là une question à poser non seulement aux réalisateurs congolais, mais à tous les cinéastes ainsi qu’aux écrivains africains. Pourquoi ce lourd silence sur les héros africains, en particulier Lumumba ? Ce n’est nullement une accusation. Ce silence ni gratuit ni volontaire, ce n’est pas non plus un hasard que ce soient des Césaire, Peck, Vincent qui le rompent. Il y aurait un intérêt certain à comprendre les raisons de ce silence.

Jean-Baptiste Dossou-Yovo

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