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"Un jour naîtra en Afrique des grands de la mise en scène"
Publié le : dimanche 10 juin 2007

La promotion du cinéma africain peut dire beaucoup de chose et peut ne rien dire aussi. Le volume de production des films africains ne permet pas une programmation soutenue, continue et rentable, donc tu fermes boutique en deux jours car le nombre de film existant n’est pas suffisant et le nombre de film fabriqué par an n’est pas non plus important.

Au Burkina Faso, une association a repris en gérance les salles de cinéma appartenant à l’Etat. C’est le cinéaste Idrissa Ouédraogo qui à la charge de mener à bien le projet. Nous l’avons rencontré au siège de l’Arpa.

clap noir : Arpa : Association ? Maison de distribution ?

Idrissa Ouédraogo : Arpa, c’est l’Association des auteurs, réalisateurs et producteurs africains. C’est un instrument qui est né pour pouvoir défendre les intérêts de ces membres mais aussi réfléchir sur les nouvelles technologies et leurs implications sur notre métier d’artistes et de professionnels de l’image. Cette association menait ses activités jusqu’au jour où l’Etat du Burkina a décidé de nous confier la réhabilitation et la gestion de ses salles de cinéma. Vous savez qu’un peu partout en Afrique, les salles de cinéma qui ont été privatisé sont devenues soit des boutiques, des temples et bien d’autres choses. Au Burkina, l’Etat a décidé de ne pas vendre les salles, de payer les dettes de la Sonacib (Société nationale de cinéma) et de garder les salles. Il faut dire que le contexte politique favorise le cinéma, car c’est au Burkina que se trouve le siège de la Fédération panafricaine des cinéastes, la FEPACI, et c’est aussi le pays qui abrite le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, le Fespaco.

Vous gérez combien de salles de cinéma ?

Nous couvrons les cinq salles de l’Etat à savoir, le ciné Burkina et le kadiogo à Ouagadougou, le Sagnon et le Houet à Bobo Dioulasso et enfin le Yadega à Ouahigouya. Nous travaillons à remettre en état ces salles parce qu’elles sont vétustes et ne sont pas équipés en numérique. Nous apportons aussi un soutient à certaines salles du privées.

Le ciné burkina a été complètement renové

La reprise des salles est-elle dictée par la logique de la promotion du cinéma africain ou simplement par le bizness ?

La promotion du cinéma africain peut dire beaucoup de chose et peut ne rien dire aussi. Le volume de production des films africains ne permet pas une programmation soutenue, continue et rentable, donc tu fermes boutique en deux jours car le nombre de film existant n’est pas suffisant et le nombre de film fabriqué par an n’est pas non plus important. Cela ne permet pas de tenir une programmation. Nous programmons donc du cinéma tout court. Et dans cette programmation, le film africain trouve sa place. Vous savez bien que le cinéma est un produit culturel et le premier marché du cinéma reste son propre marché. Si nous passons au numérique, nous pensons que la production sera soutenue en quantité et en qualité en ce moment et sur 20 ou 30 films produits, nous en aurons peut-être 2 ou 3 qui vous vont embrasser le monde.

La loi de la quantité joue donc ?

Oui. La loi de la quantité joue et aujourd’hui la seule possibilité de faire des films en quantité pour approvisionner les salles, c’est de les faire sur un support pas cher. Le numérique permettra de faire des films en quantité mais aussi en qualité, à des coûts pas très élevés. Cela nous aidera à asseoir notre propre économie locale et si cette économie est assise, il y aura suffisamment assez d’argent pour faire des films sur d’autres supports dont le 35.

Vous savez, il n’existe pas d’images de l’Afrique à travers le monde. Dans le monde, on vit d’échanges culturels, on donne et on reçoit. Le problème, c’est que nous, nous ne faisons que recevoir. Je pense qu’il nous faut passer par une nouvelle étape. Nous pouvons l’appeler l’étape des films de proximité ou autre chose. On trouvera l’appellation exacte, mais il nous faut trouver le moyen de nous exprimer et que notre public se sente concerné par ce que nous faisons, qu’il puisse y participer en venant au cinéma. Et si le public participe, s’il vient au cinéma, nous pourrons avoir de quoi faire des nouveaux films puisque le support, le numérique, permet une production à un coût raisonnable.

Vous pensez donc qu’une bonne distribution favorisera la production ?

Production et distribution sont liées. Si tu ne produis pas, tu ne feras que distribuer les films faits ailleurs. Aujourd’hui, il y a une autre économie qui est la. L’audiovisuel, à travers le numérique nous permet de faire certaine chose. Il est vrai que le support numérique ne peut pas remplacer l’argentique, mais on n’est pas à l’étape du luxe. Nous nous sommes à l’étape où nous avons envi de voir des images de nous même. Nous sommes dans l’urgence. Le cinéma ne doit plus être considéré comme une activité élitiste, mais une activité démocratique où pourront naître de nouveaux talents.

Le ciné burkina a été complètement renové

Liberté de production est donc égale à liberté de création ?

N’oubliez pas que quand nous proposons un scénario pour un financement dans les pays du Nord, celui-là qui va le lire ne connaît pas forcément nos réalités et il juge selon ses propres repères. Cela nous pousse parfois à faire des films qui ne correspondent pas forcément à notre propre personnalité. Cela ne favorise pas la créativité. Alors que quand tu travailles avec un support accessible dont tu as la maîtrise, cela à une conséquence immédiate sur ta créativité. Tu es libre de t’exprimer. Cela permettra peut-être qu’un jour naisse dans le cinéma africain des grands génies de la mise en scène. On ne sait jamais.

Le futur d’Idrissa Ouédraogo : Cinéaste, distributeur ?

Je suis toujours cinéaste. J’assume une mission ponctuelle parce que j’ai conscience que mes propres films, je les produits difficilement et je les distribues difficilement. Là, nous sommes en train d’amorcer une dynamique en faisant des films nationaux que nous produisons et distribuons. Que ce soit Traque à Ouaga, Sofia ou Sous la clarté de la lune nous nous rendons compte qu’en termes de recettes, ces films marchent comme tout bon film américain. C’est pourquoi j’ai la ferme conviction qu’une production nationale, au niveau de l’identification du public marche bien.

Candide Etienne

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