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1er documentaire engagé d’une femme nigérienne sur Areva
Publié le : mardi 30 août 2016
La colère dans le vent de Amina Weira

L’avant-première du film La colère dans le vent de la jeune réalisatrice Amina Weira, a eu lieu ce samedi 06 aout 2016 à Niamey dans les locaux d’Alternative Espaces Citoyen à l’espace Frantz Fanon.
Le cinéma moderne au Niger n’est-il pas incarné par Les femmes ?
En tous cas, l’avant première du film La colère dans le vent peut affirmer la place au combien importante de la femme nigérienne dans le cinéma actuel.
Un film documentaire qui donne la parole aux autochtones de la Zone uranifère d’Arlit qu’exploite la société Areva. Une société aux capitaux français, qui sert les intérêts français depuis plus de 40 ans au Niger. La réalisatrice Amina Weira et son père, ancien minier à la retraite, vont à la rencontre de cette frange de la population (jeunes, femmes, anciens miniers) qui se voient piller les ressources naturelles, humilier dans leur dignité, confisquer leur territoire naturel et contaminer à vie des conséquences de cette exploitation minière, devenue un mal nécessaire.
Plusieurs séquences sont marquantes dans le film dont, l’activisme sans arme à feu de la jeune réalisatrice, de conscientiser de manière passive mais vivante ses frères et sœurs nigériens, et le monde, sur les enjeux de santé publique de l’exploitation minière par le groupe Areva, face à la faiblesse des autorités d’un pays, classé dernier sur la perception de l’Indice de Développement Humain (2015).

Sur de belles images, dans un son maîtrisé illustré par des chansons et musiques traditionnelles des femmes de la région dans leurs beaux accoutrements, Amina Weira n’hésite pas à partager ces instants avec les cinéphiles. Elle réaffirme ses valeurs culturelles nigériennes, à travers la langue Haoussa, le voile féminin pour couvrir les cheveux et le petit geste respectueux lors des salutations en face des grandes personnes.
Un film éducatif et chose rare au Niger, de voir une femme dénoncer l’impérialisme dans le cinéma. La réalisatrice de manière méthodique soutire des informations sur la gestion catastrophique de la société Areva auprès de la population. Une sorte de micro trottoir public, un procès social en pleine rue où des jeunes, des femmes et des anciens miniers retraités ont témoigné afin de comprendre les conséquences néfastes de la présence d’Areva à Arlit.
Le patriotisme de la réalisatrice l’amène à poser la question des injustices dans la gestion de l’exploitation uranifère et d’affirmer sans ambigüité sa fierté d’être nigérienne, de la défendre partout si besoin, sans fusil d’assaut.

La colère dans le vent est vraiment un film à regarder, une métaphore qui dénonce les tabous, sur le silence des autorités sur la question de protection de la population de cette exploitation d’uranium ; à l’image de la séquence où Amina Weira, s’entretient avec un homme qui vivait seul dans une position stratégique de la ville. La réaction de l’homme en dit long sur l’omerta, car, malgré l’effort de communication de la réalisatrice, cet homme dans un regard provocateur, a gardé le silence, peut être pour dire que cause sans issue, ma fille.

Un film sensible et engagé comme les films des pionniers africains à l’instar de : La Bataille d’Alger (1966) du livre de Yacef Saadi adapté par l’Italien Gillio Pontecorvo, Cabascabo (1968) de Oumarou Ganda et Camp de Thiaroye (1988) de Sembene Ousmane. La réalisatrice a préféré donner la parole au peuple en écartant celle des autorités.
Amina Weira est issue de l’Institut de Formation aux Techniques de l’Information et de la Communication de Niamey (IFTIC) où elle a décroché une licence en montage et un master 1 en réalisation documentaire de création, avant de poursuivre son master 2 en réalisation à l’Université Gaston Berger de Saint-louis au Sénégal en 2013. Elle a réalisé trois films d’école : La musique des films (2011), Des études aux miels (2012), C’est possible en 2013. Une jeune réalisatrice prometteuse !

Youssoufa HALIDOU HAROUNA, critique de cinéma.

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