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32e Festival de films de femmes
Publié le : mardi 6 avril 2010
Créteil du 2 au 11 avril 2010





A Créteil, du 2 au 4 avril 2010, la 32ème édition du Festival de films de femmes rend hommage aux cinéastes et comédiennes africaines. Pour ce cinquantenaire des indépendances africaines, toute une section « trans-europe-afrique » (et non le transparisrêve - mais en tout cas trans- ou transe possible !). Bref, métissage ou transformisme, les femmes nous réservent de belles surprises. Jackie Buet parle de d’offrir à Créteil « un lieu de reconnaissance et de visibilité des démarches de réalisatrices, afin de renverser le processus de décapitation de leurs pensées et de leurs manières de voir le monde. » Eh bien ! ce que montre le festival, c’est qu’il y a pas mal de femmes qui ont un cerveau et qui créent, - malgré les difficultés -, dans le monde et en Afrique en particulier. Et cela fait plaisir.

Si vous vous rendez à Créteil, à la Maison des Arts, place Salvador Allende, vous vous sentirez donc at home. Pendant une semaine, le festival offre un choix impressionnant de films, longs et courts. Peu de nouveautés venues du continent, si ce n’est l’avant première du film Les secrets , de la réalisatrice tunisienne Raja Amari (vendredi 9 avril). On peut aussi redécouvrir son premier long métrage Satin rouge. On peut voir aussi Africa is a woman’s name co-réalisé par trois femmes, Ingrid Sinclair (dont on avait vu Flame en 1997), Bridget Pickering et Wanjiru Kinyanjui. Film réalisé en 2009 en Afrique du Sud et au Zimbabwe ou encore des court-métrages récents dont on parle : Atlantique de Mati Diop ou Un transport en commun de Dyana Gaye.

Mais on aura aussi la joie de trouver un hommage rendu à Safi Faye, avec le trop rare Lettre paysanne, premier documentaire au féminin réalisé en Afrique (1975), ainsi que deux portraits « argumentés » (c’est à dire avec filmographie complète) des deux comédiens Sotigui Kouyaté (un homme parmi les femmes, il sait y trouver sa place) et Aïssa Maïga (avec Bamako d’Abderrahmane Sissakho, Sexe gombo et beurre salé de Mahamat Saleh Haroun et à découvrir, Quand la ville mord de la française Dominique Cabrera). Il y a aussi des concerts, notamment de Rokia Traoré.

Dans la sélection africaine du festival, on retrouve presque toutes les grandes documentaristes africaines : Rahmatou Keita et son Al’leessi, une actrice africaine, Behind the rainbow de Jihan El-Tahri sur l’Afrique du sud, En attendant les hommes de Katy Lena Ndiaye, Les deux documentaires de Khady Sylla, Le monologue de la muette (réalisé avec Charlie Van Damme) et Une fenêtre ouverte, et aussi, déjà beaucoup vus en festival mais indispendables : Nos lieux interdits de Leïla Kilani, Une affaire de nègres d’Oswalde Lewatt. Sont représentées aussi les grandes du long métrage de fiction : Fanta Regina Nacro, Eliane de Latour, Claire Denis et son White material, programmé au cinéma du Palais (critique à venir)….

Clap Noir retrouve aussi pas mal de ses coups de cœurs des dernières années : Ouled Lénine de Nadia El Fani, Les sénégalaises et la sénégauloise d’Alice Diop, L’autre 8 mai 1945, aux origines de la guerre d’Algérie de Yasmina Adi, ou issus de la collection Lumière d’Afrique d’Africadoc, Itchombi de Gentille M. Assih (voir entretien réalisé à Lussas) et Waliden l’enfant d’autrui d’Awa Traoré, ou encore, le très contemporain Bul Fallé, la voie de la lutte de Rama Thiaw, découverts à Lussas cet été (voir entretiens). Le cri de la mer d’Aïcha Thiam, ou Sénégalaises et Islam d’Angèle Diabang complètent ce panorama bien achalandé. C’est donc le moment de voir et revoir les films et surtout, de faire connaissance avec ces femmes qui luttent, militent, témoignent et créent.

Il ressort de ce programme quelques évidences : les femmes y vont ! et elle y vont bien, car les films sont forts et beaux. Leur subjectivité de femme, elles l’affirment et en font une arme et même, une raison de filmer : Nadia El Fani filme son père avec amour et évoque à travers lui l’histoire politique de l’indépendance tunisienne, Khady Sylla va à la rencontre d’une femme qui souffre parce qu’elle souffre aussi et met en scène cet échange, Alice Diop revendique sa position de « sénégauloise » (à la fois in et out) pour aller filmer le gynécée de ses cousines sénégalaises, Yasmina Adi a eu un père tirailleur algérien et c’est pour cela qu’elle revient sur la date tragique du 8 mai 1945…

Elles « y » vont plus facilement avec le documentaire ou le court-métrage, avec des moyens plus accessibles, des écritures plus libres, une créativité plus ouverte. Le long métrage au féminin en Afrique reste une gageure et pour certaines, une souffrance : pour une Raja Amari qui parvient à faire ses films comme elle l’entend, (mais au prix de quelles difficultés ? ), combien de projets de films de femmes ont été cassés : soit parce qu’une fois réalisés, ils ne trouvaient pas de distributeur, comme ce fut le cas du très beau Mossane, de Safi Faye ( montré à Cannes en 1996 mais jamais distribué), soit parce que les méandre de la production ont fragilisé les projets : beaucoup de ces réalisatrices de documentaires et de court-métrage ont des projets de long-métrage en attente. D’autres attendent pendant des années… Alors, le documentaire : lieu de création ? Et le cinéma, lieu renvoyant les femmes à leur attente, comme disait Katy Lena Ndiaye. Et comment vit-on quand on est réalisatrice de film qui ne se font qu’au compte-goutte ?

Caroline Pochon

Site web du festival : www.filmsdefemmes.com

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