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A Vaulx, les films sont beaux
Publié le : mercredi 1er février 2012
Festival Un point c’est court 2012

Il a grandi dans la banlieue lyonnaise puis en est parti. Est revenu en se disant qu’il pourrait tirer les gens vers le haut. Azzedine Soltani, salarié depuis 30 ans du cinéma Les Amphis et directeur d’Un poing c’est court, nous raconte comment, après le festival « Cinéma et banlieue » des années 1990, le festival du film court francophone de Vaulx-en-Velin s’est fait une renommée.

Voilà 12 ans qu’existe le festival. Quelle est l’histoire de ce rendez-vous cinématographique lyonnais ?

Azzedine Soltani : Dans les années 1997-1998, nous avons organisé pendant le festival de jazz de Vaulx-en-Velin « Le court en Rhône Alpes » avec la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC). Il y avait 120 personnes dans la salle et comme nous n’avons habituellement pas trop de public, je me suis dit «  Tiens, il y a un public pour le court-métrage ! » Il y a ici 50 nationalités issues des anciennes colonies françaises donc je pensais que le cinéma, au travers la langue française pouvait fédérer... C’était une illusion d’intellectuels mais nous avons choisi avec Laurent Millet de la MJC de l’appeler « festival du film court francophone ». Cela n’a pas été simple au début mais l’idée était vraiment d’asseoir notre salle de cinéma – Les Amphis à Vaulx-en-Velin- pour que l’on soit reconnu dans la région et à l’extérieur. La mairie nous a dit de faire nos preuves, nous les avons faites et elle nous a toujours soutenu financièrement. Politiquement, c’est parfois plus compliqué...

En 2012 le festival a changé de nom pour s’appeler Un poing c’est court. Pourquoi ?

Azzedine Soltani : Cette année, nous avons recruté Jérémie Abessira mais nous devons trouver 15000€ pour pérenniser son poste. Il a travaillé trois ans sur le festival de Toronto et est arrivé avec un nouveau concept de communication. Il disait que « Festival du film court francophone » était trop long, et comme notre ligne éditoriale est engagée, nous avons choisi « Un poing c’est court ».

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Combien de personnes participent à l’organisation de ce festival ?

Azzedine Soltani : Il y a une trentaine de bénévoles au sein de l’association. Jusqu’à maintenant nous comptions 5 personnes actives. Cette année, avec le départ de Laurent Millet et de la présidente, nous nous sommes retrouvés Jérémy et moi à coordonner l’ensemble du festival. Cela a été un peu plus difficile que les années précédentes mais nous avons réussi à mener cette édition à terme.

Globalement, quelle a été la part de films africains durant ces douze années ?

Azzedine Soltani : Au départ, l’idée de la francophonie venait du fait qu’il y avait une grosse production de films africains. A Clermont-Ferrand, qui est LE festival de courts-métrages, il y avait une programmation de films africains mais c’était beaucoup de vieux films. La production cinématographique actuelle en Afrique du Nord ou en Afrique noire a vraiment diminuée, il n’y a que les gens qui ont vraiment envie de faire du cinéma qui en font. Il y a une production de télénovelas apparemment mais très peu de films cinéma à orientation universelle. Dans un premier temps, nous avons ouvert la sélection aux films en 35mm puis à la Beta en pensant que cela serait plus facile pour les réalisateurs africains, mais cela est faux. Ou alors nous n’avons pas les vrais réseaux. Mais deux années de suite, des personnes du festival sont allées au Fespaco et nous avons malgré tout eu très peu de films.

Des films africains ont-ils été primés chez vous ?

Azzedine Soltani : Adama Roamba a été primé pour ses films [Mouka en 2003 et Humanitaire en 2008, ndlr], Antoine Yougbaré a eu un prix l’année dernière [avec Tiiga, ndlr]. Cela fera deux années de suite que des films algériens sont primés mais globalement, nous n’avons pas tant de films africains que ça. [1] Je pensais que les nouvelles technologies allaient permettre de faire facilement du cinéma en Afrique. La France produit 600 courts-métrages par an mais ce n’est pas comparable. Il est aussi possible que de jeunes réalisateurs africains ne connaissent pas l’existence de notre festival. Nous avons par ailleurs créé depuis deux ans un festival francophone de films à Atakpamé au Togo avec les centres sociaux de la ville et le jury jeune.

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Quel public fréquente votre festival ?

Azzedine Soltani : C’est plutôt un public de Rhône-Alpes, mais aussi de Vaulx-en-Velin. Plutôt de classe moyenne mais avec un « capital culturel » - comme dirait Bourdieu - qui fait qu’ils ont la curiosité intellectuelle de venir au festival. Les publics « difficiles », c’est un vrai travail de terrain que nous menons à l’année. Nous leur amenons le court à proximité mais eux ne viennent pas assister au festival. Le public familial va au cinéma quand il a entendu parler d’un film mais ne vient pas plus aux Amphis qu’il ne va au Pathé [chaîne commerciale française de cinémas, ndlr]. Les 15/25 ans vont au cinéma mais ce ne sont pas eux qui ont la démarche de participer au festival du film court.

Justement, comment mobilisez-vous les habitants du quartier ?

Azzedine Soltani : Nous menons un travail avec les centres sociaux qui consiste à créer des jurys jeunes et adultes. Nous essayons de sélectionner des personnes hétérogènes et de les sensibiliser pour qu’elles reviennent ensuite au festival en tant que spectateur. Ce qui n’est globalement pas le cas. C’est un travail de longue haleine et les gens viendront lorsqu’il y aura la reconnaissance médiatique d’une personne invitée marraine de l’événement. Cette année nous avons raté de peu Mathieu Kassovitz qui était pris par la sortie de son long-métrage L’ordre et la morale. Nous avons finalement invité Christophe Monnier, réalisateur de court-métrage, mais il n’est pas connu donc cela n’a pas le même impact publicitaire. Nous n’avons pas suffisamment les réseaux pour inviter des réalisateurs qui nous parrainent.

La ville des frères Lumière abrite entre autres depuis plus de trente ans un festival de courts-métrages à Villeurbanne ainsi que le prestigieux festival Lumière depuis trois ans. Comment survivez-vous dans ce contexte particulier ?

Azzedine Soltani : Le festival Lumière fait de l’ombre à tous les petits festivals comme les nôtres. Nos perspectives sont de mutualiser les festivals de Villeurbanne et Vaulx-en-Velin pour créer un festival du court-métrage de l’Est lyonnais. Non concurrent mais complémentaire au festival Lumière, nous souhaitons honorer les frères Lumière et les courts-métrages pour continuer l’ œuvre de cinéma qu’ils ont créée en début de siècle. Mais pour cela, nous avons besoin de pérenniser notre poste de coordinateur.

Propos recueillis par Claire Diao
21 janvier 2011

Palmarès 2012 :
Grand Prix : Khouya, de Yanis Koussin
Prix Spécial du Jury : Un Fossoyeur… un jour, de Charlotte Grange
Prix du meilleur scénario : Cette obscure tentation, de Renaud Ducoing
Prix de la Presse : Ultima Donna, de Tristan Aymon
Prix de l’Espace Francophone : Blue Line, de Alain Sauma
Prix Jury Jeunes : Lignes, de Johann Bertelli
Prix ENTPE / ENSAL : La place du cœur, de Frédéric Dubreuil
Prix du Public : Quidam, de Gael Naizet
Prix Enfance : Bouton d’or, de Boris Vial
Prix Collège : Junior, de Julia Ducournau
Prix Lycée : Brûleurs, de Farid Bentoumi

A propos de "Cette obscure tentation", lire Black and White au cinéma

1- Depuis sa création, le festival a récompensé Le chauffeur du député de Tahirou Tasséré Ouédraogo en 2002 (Coup de cœur du jury) ; Mouka d’Adama Roamba (Grand Prix du Jury) et Une femme pour Souleymane de Dyana Gaye (Mention spéciale du jury) en 2003 ; Visa, la dictée d’Ibrahim Letaïef (Grand Prix), Le secret de Fatima de Karim Bensalah (Prix de la Francophonie) et Safi la petite mère de Raso Ganemtore en 2006 ; Deweneti de Dyana Gaye (Prix du Jury), La pelote de laine de Fatma Zohra Zamoum (Prix de la presse et Prix Jury Jeune) en 2007 ; Commerce équitable de Michael Dreher (Grand Prix et Prix de la Presse), Humanitaire d’Adama Roamba (Prix des vaudais) en 2008 ; Timpoko de Serge Armel Sawadogo (Prix du Jury), C’est dimanche de Samir Guesmi (Prix de la Francophonie) en 2009 ; Il était une fois l’indépendance de Daouda Coulibaly (Mention spéciale) en 2010 ; Garagouz d’Abdenour Zahzah (Grand Prix), Mouja de Mohamed Ben Attia (Coup de cœur), Tiiga d’Antoine Yougbaré (Prix Jury Jeunes) en 2011 ; Khouya de Yanis Koussim (Grand Prix) en 2012.

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