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Au nom du père ...
Publié le : dimanche 26 septembre 2010
Un homme qui crie de Mahamat Saley Haroun

Raccourci d’une phrase célèbre d’Aimé Césaire : Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. Aller chercher plus loin que l’évidence, c’est à cet exercice que nous convie Haroun dans son dernier film.
Premier film africain depuis treize ans en sélection officielle à Cannes 2010. Où il obtint le prix du Jury.
Ses derniers films (oublions "Sexe, Gombo et Beurre Salé" en 2008, commande télé style Plus Belle la Vie chez les Blacks…), "Abouna" (2002) et "Daratt" (2006) laissent au cœur un chaud impact d’humanité plus forte que le désespoir. Une plongée au vif des personnages, jeunes enfants d’Abouna, jeune homme de Daratt, rythmée par les bruits de la vie et du vent africain, des pas dans le sable et du claquement des étoffes. Une lenteur tenue, obligeant au respect, pour, à la fin, jaillir en boucle lumineuse.

Allons donc chercher ce qui se cache derrière le personnage d’Adam, le père, incarné magistralement par un des plus grands acteurs du continent noir, le tchadien Youssouf Djaoro, celui- là même qui portait Darrat sur ses épaules et a raflé quelques médailles à ce titre.
Dans N’Djamena écrasée par la guerre invisible, Adam bel homme, ex champion, règne sur la piscine d’un grand hôtel. Racheté par les chinois… Mélancolique, il assiste à l’éclosion mondaine de son successeur et rival, son propre fils, et à son déclin. Beau début, rythme lent, élégantes images, décor campé entre menace et illusion de luxe.
Cinquantes ans après les indépendances, Haroun revient sur l’héritage, le rôle des pères, ceux qui ont « gâché » gravement l’avenir des jeunes générations. Par orgueil, intérêt, bêtise. Attitude criminelle. Adam est de ceux-là. Incapable de voir plus loin que son ego, il symbolise une génération qui veut garder le pouvoir, synonyme de puissance, donc de jeunesse.
Pourquoi alors, la fin prévisible nous prend-elle à froid, en traître ? Où est Haroun dans son film ? Trop loin, ailleurs, extérieur. Absent, il n’accompagne ni son acteur ni ses spectateurs à vivre et comprendre le drame qui se joue. Rendez-vous à la coda, comprenne qui pourra.
Ou bien, a-t-il, habileté suprême, voulu illustrer son titre, style, un train peut en cacher un autre ? Pendant qu’Adam crève l’écran, on zappe sur le dur du sujet. Pirouette ? Dommage !
De quoi vouer aux gémonies les sélectionneurs de Cannes qui ont raté "Daratt" et pris "Un homme qui crie" en rattrapage ?

Michèle Solle

Sortie française le 29 septembre 2010
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