Accueil > Archives > 2010 > Rencontre avec Patrick Benquet
Rencontre avec Patrick Benquet
Publié le : jeudi 9 décembre 2010
Réalisateur de Françafrique

Sortie DVD aux éditions Phares et Balises, INA. Coffret double DVD, 2x80’

Il présentait son film Françafrique en avant première au Festival International du Film Historique de Pessac et concourrait dans la catégorie documentaire. Deux fois 80 minutes : La Raison d’Etat et L’Argent roi. Une projection remarquée dans un festival qui comptait de très grands moments.
Ancien journaliste à Libération et au Monde, auteur de nombreux documentaires, il n’avait jamais, à ce jour traité directement de sujet sur l’Afrique.

Clap Noir : Patrick Benquet, pouvez vous expliquer la genèse de votre film ?

Patrick Benquet : A son arrivée au pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy, a déclaré : « La Françafrique, c’est fini ! ». Mon producteur Jean Labib avait un vieux dossier, nous avons pensé que c’était le moment de le sortir. En nous assurant les conseils d’Antoine Glaser, l’incorruptible rédacteur en chef de La Lettre du Continent et référence absolue en matière de politique française en Afrique ; il vient, d’ailleurs, de sortir un livre Sarko et l’Afrique. Il a été un intermédiaire précieux pour contacter les grands témoins. France Télévision a accepté le projet ; c’était le bon moment, il y avait une fenêtre à saisir.

A qui s’adresse votre film ?

P.B. : Le film va passer sur France 2, un média de masse. Je ne m’adresse pas à des spécialistes, mais à un public qui, par définition, ne connaît de ce sujet, que ce que le journal télévision lâche de temps en temps. Ce qui est resté dans la mémoire collective comme la famine au Biafra, les diamants de Giscard, les coups d’état un peu partout, ou bien l’éviction de Jean-Marie Bocquel, ex-socialiste, secrétaire d’état chargé de la Coopération et de la Francophonie lors du premier gouvernement, à la demande d’Omar Bongo et de Denis Sassou Nguesso. Bocquel ayant pris la déclaration de son président, La Françafrique c’est fini, au pied de la lettre. J’ai voulu être pédagogue, reprendre du début, expliquer le dessous des cartes.
J’ai voulu montrer comment, au lendemain de la fin de la guerre en Algérie, De Gaulle se tournant vers le pétrole des pays africains, a créé une diplomatie parallèle et secrète, avec à sa tête Jacques Foccart, et que ce système occulte, par le biais d’Elf, qui distribuait des sommes colossales et finançait, entre autres, des guerres civiles en Afrique, a définitivement gangréné la politique française, depuis 50 ans, tous présidents confondus.

Comment se fait-il que l’on n’entende aucun africain dans Françafrique ?

P.B. : c’est un choix. En dehors des nombreux documents d’archives, j’ai voulu démonter le système du côté français, en n’interrogeant que des Français, une sorte de « Les Français parlent aux Français ». Et pas de spécialistes, uniquement ceux qui étaient dans l’action, et au plus haut niveau. Beaucoup ont accepté de témoigner, pour diverses raisons. Par exemple, on peut considérer l’interview de Maurice Delaunay, décédé un mois après notre dernière rencontre, comme son testament politique. (Une carrière exemplaire : passé des services secrets à Elf et ensuite ambassadeur au Gabon avant de finir à Elf. Son témoignage est sans prix.)
De la même façon Loïc Le Floch-Prigent, interrogé entre deux séjours en prison, a beaucoup à dire, PDG d’Elf de 83 à 93 pendant toute la période Mitterrand, il peut se considérer comme la victime désignée du système. Jean-Pierre Cot, ministre de la Coopération sous Mitterrand, s’est vu, 22 ans avant Jean-Marie Bocquel, prié de rentrer dans le rang, pour non alignement de sa conception de la politique africaine. Le plus disert, encore qu’il ait fallu attendre le bon moment fut Robert Bourgi : successeur et fils spirituel de Jacques Foccart comme conseiller occulte auprès de l’Elysée, il a moins que son modèle le sens du secret. Il n’avait pas hésité à justifier sur RTL l’éviction de Bocquel à la demande d’Omar Bongo. Albin Chalandon, encore un personnage de poids, Eva Joly, Martin Kirch monsieur Afrique actuel, et tant d’autres… témoignent de ce monde secret qui commande la politique française.
Mais Sarkozy n’est pas De Gaulle et Bourgi n’est pas Foccart… Et le monde change.

Avez-vous rencontré des problèmes de censure ?

P.B. : Aucun, jusqu’ici. Tant du côté de France Télévision que du conservatoire du patrimoine de l’ECPAD, (l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) que j’ai beaucoup sollicité. On verra après la projection à la télé.

Propos recueillis par Michèle Solle
Décembre 2010

Lire aussi : La françafrique à France télévision, aie ça fait mal !

Voir aussi : Interview de Patrick Benquet à la quinzaine littéraire :
L’axe du film Françafrique

Également…
1

Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France
Tél /fax : 01 48 51 53 75