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Rencontre avec Dominique Olier
Publié le : jeudi 16 décembre 2010
Afrique en doc, du 16 au 18 décembre 2010 à Lille

Dominique Olier : passeur d’images entre Saint Louis au Sénégal et Lille en France

Vous lancez un nouvel événement : trois journées consacrées au documentaire africain à Lille. Pourquoi ces rencontres « Afrique en doc » ont-elles lieu à Lille ?

La ville de Lille est jumelée avec celle de Saint Louis du Sénégal. En 2005, j’ai créé à Lille un festival ouvert aux cinémas du monde (le festival du film indépendant de Lille, qui a lieu en avril), et j’ai rejoint depuis un an l’équipe d’Africadoc qui m’a amené à Saint Louis, où nous menons, avec Jean-Marie Barbe, des rencontres pour les professionnels (le Louma). Lors de ces rencontres à Saint Louis, nous avons eu envie de faire des projections en plein air (car il n’y a plus de cinéma dans la ville), cette fois à l’adresse du public non professionnel. Il y avait pour cela une demande des étudiants, déçus de ne pas avoir pu présenter leurs films à un large public.

Comment est venue l’idée d’un partenariat culturel entre Saint Louis au Sénégal et Lille, en France ?

Le jumelage entre Saint Louis et Lille n’a jamais été très riche au plan culturel. Là, c’est une première. Tous les réalisateurs viendront présenter leur film à Lille (voir le DP). Nous avons été soutenus dans notre démarche par la Région Nord-Pas de Calais et la ville de Lille et l’idée d’un partenariat culturel entre les deux villes s’est mise en place, avec l’idée de programmer les mêmes films dans les deux villes. Au Sénégal, la productrice Mati Gueye, le critique Baba Diop avaient depuis longtemps envie de créer un festival consacré au film documentaire à Saint Louis. C’est donc une première expérience. La ville de Saint Louis fêtait cette année ses 350 ans !

C’était donc une première expérience de documentaire sur grand écran à Saint Louis, au Sénégal ?

Nous avions déjà l’expérience d’une collaboration avec les Cinémas numériques ambulants, qui avaient donné lieu à 22 projections, dans 22 quartiers de la ville. Les films projetés étaient les films réalisés par les étudiants du Master 2 de cinéma documentaire de création de l’université Gaston Berger de Saint Louis. Ce master existe depuis 2008. Il forme 8 étudiants par an, tous originaires de l’Afrique de l’Ouest. Il est soutenu par Africadoc, la région Rhône Alpes et l’OIF. Il est conçu sur le modèle du Master 2 de Lussas. Par exemple, Le cri du chœur, de Sébastien Tendeng, réalisé en 2009, a été tourné dans un village de pêcheurs près de Saint Louis. Il n’avait jamais été montré dans ce quartier. Eh ! bien, hier, le film a été projeté. C’était l’émeute ! Il y a toute une génération de jeunes qui ne sont jamais allés au cinéma et qui découvrent également le documentaire. Car ce genre de films ne passent pas à la télévision sénégalaise… En outre, le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissakho développe un projet « des cinémas pour l’Afrique » : il s’agit d’ouvrir des salles équipées en numérique à Bamako pour commencer et ensuite à Saint Louis.

Quel public attendez vous pour cette première édition à Lille ?

Le documentaire africain n’est pas beaucoup diffusé en France. A Lille, il y a très peu d’occasions de voir des films africains. J’ai travaillé au festival Vues d’Afrique à Montréal, en programmation, et j’ai pu voir que les gens qui venaient voir les films africains étaient souvent… des Blancs ! Seuls, les Tunisiens, souvent cinéphiles et dans une moindre mesure certains publics originaires d’Haïti venaient voir beaucoup de films. Les autres… Les Sénégalais viendront voir un film sénégalais, mais n’auront pas forcément la curiosité de voir d’autres films. A Lussas, les séances de programmation « Afrique » sont pleines à craquer. C’est un public très particulier, dont beaucoup de festivals rêveraient !

Quelle est aujourd’hui la place du documentaire africain ?

On est au début, cela ne fait que monter ! On parle en ce moment de « Nouvelle Vague », mais le terme n’est pas assez fort ! C’est hallucinant de voir le nombre de personnes qui veulent faire du documentaire en Afrique. Lors de la mise en place d’une résidence d’écriture de documentaire menée par Africadoc à Niamey, nous avons reçu 40 projets ! Et de très bons projets. J’espère e qu’il y aura d’autres réseaux que celui d’Africadoc, qui a déjà travaillé avec 12 pays, surtout en Afrique de l’Ouest. Mais il y a aussi l’Afrique de l’Est… où Jean-Marie Barbe s’est rendu récemment et a rencontré tout un vivier de jeunes cinéastes documentaristes.

Les jeunes cinéastes d’Afrique ont-ils envie de se tourner plutôt vers le documentaire que vers la fiction ?

Beaucoup ont envie de parler de leurs rêves et de leur réalité… pour l’instant, ce réel est là – et ils ne le voient pas en images (ou alors, vu par des réalisateurs venus de l’étranger). Le documentaire est donc une opportunité. Il y aurait Africafiction… on verrait peut-être des projets de fiction venir à nous ! C’est une autre économie. Et de plus en plus de jeunes réalisateurs sont équipés de matériel. Ils ne dépendent plus de la France, ni de personne pour faire leur film. Ils le feront ! Il y a une fiction qui existe en numérique, mais pas en pellicule. Elle reste à l’échelle d’un pays, avec des moyens modestes. Beaucoup de films se font donc sur le tas. On apprend en faisant. Ce n’est pas non plus « Nollywood » (l’industrie de l’audiovisuel du Nigéria), mais ils font !

Quel sera l’avenir du documentaire africain ? Vous êtes un observateur privilégié….

A Africadoc, on ne fait pas qu’observer ! Le projet d’Africadoc est de permettre à des réalisateurs africains de faire des films, en les accompagnant dans l’écriture, en encourageant les rencontres avec des producteurs et des diffuseurs. Nous voyons que de nombreux auteurs sont en train de s’affirmer. Nous avons le souci de renforcer le tissu de la production africaine. Une différence, peut-être, entre cette génération et la précédente : ce sont des cinéastes qui restent dans leur pays, qui créent des ateliers, qui sont soucieux de transmission.

Quelle est la position des chaînes de télévision nationales face au documentaire de création ?

Les chaînes de télévision africaines, qu’elles soient publiques ou privées, n’achètent pas. A Saint Louis, Africadoc a mis en place ce qu’on appelle la Louma, une vidéothèque d’acquisition, qui s’adresse aux chaînes françaises, à CFI et aux chaînes des pays africains. Parmi ces derniers, beaucoup ne connaissaient pas le documentaire. Ils faisaient à peine la différence entre un documentaire et un reportage. Mais peu à peu, on les voir découvrir et repartir frustrés de ne pas pouvoir acheter. L’envie d’acheter est là, maintenant, mais comment faire ? Cette année, on assiste à une évolution réjouissante. Trois collectifs se sont créés pour acheter des films. Les chaînes africaines, en particulier au Mali et au Burkina, vont donc commencer à diffuser du documentaire de création !... et par la suite, on l’espère, coproduire… Cette année, on sent une nette envie aussi à la RTS (la radio télévision sénégalaise). On sent un discours nouveau. C’est encourageant, même si cela reste compliqué. Quant aux chaînes privées, elles dépendent des annonceurs, avant le sport ou la fiction. Mais là aussi, nous avons senti une envie chez les diffuseurs, même si les annonceurs bloquent. Mais c’est déjà une victoire !

Propos recueillis par Caroline Pochon

Jeudi 16 décembre
19H00 Le Collier et la perle. Un film de Sellou Diallo (Sénégal, 52’)
20H30 La Tumultueuse vie d’un déflaté. Un film de Camille Plagnet & Saidou Ouédraogo (Burkina Faso/France, 59’)

Vendredi 17 décembre
19H00 Itchombi. Un film de Gentille M.Assih (Togo, 52’)
20H30 Ceux de la Colline. Un film de Berni Goldblat (Burkina Faso/Suisse, 72’ )

Samedi 18 décembre
19H00 Pour le meilleur et pour l’oignon. Un film de Elhadj Sani Magori (Niger, 52’)
20H30 Saint-Louis, Regards pluriels. Une sélection de courts métrages documentaires tournés à Saint-Louis
(Sénégal) par de jeunes cinéastes du Sénégal, du Niger, du Cameroun, du
Mali et du Burkina Faso. Films réalisés dans le cadre du Master II « réalisation
documentaire de création » de l’Université Gaston Berger de St-Louis.

Le Lieu : Maison Folie de Wazemmes
70 rue des Sarrazins, 59000 Lille, France / Tél. +33 (0)3 20 78 20 23
www.fifilille.com

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