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Charles Mensah : Une grande figure du cinéma indépendant
Publié le : mercredi 29 juin 2011

Le cinéaste Charles Mensah a tiré sa révérence le 3 juin 2011 à l’âge de 63 ans. Ce décès a secoué le monde culturel, les professionnels du cinéma, de l’audiovisuel ainsi que les cinéphiles.

Un expert écouté, un militant convaincu et persévérant dit l’OIF

Selon un communiqué publié le 6 juin dernier par l’Organisation internationale de la francophonie, « Charles Mensah a, depuis toujours, accompagné la Francophonie dans ses actions en faveur du développement d’un cinéma du Sud et notamment africain, indépendant, rayonnant et de qualité ».

Une semaine avant son décès, précisément le 26 mai 2011 à Paris, il avait tenu à remercier personnellement le Secrétaire général de la Francophonie, M. Abdou Diouf, d’avoir entendu l’appel que la FEPACI lui avait lancé lors du dernier Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) pour mobiliser les Chefs d’Etat africains en faveur du projet de création d’un Fonds panafricain du cinéma et de l’audiovisuel. A cette audience, il était accompagné du célèbre journaliste et réalisateur tunisien Ferid Boughedir, connu pour ses publications sur le cinéma africain.

Rétrospectives et hommages

Selon le délégué général du Festival international du film d’Amiens, M. Jean-Pierre Garcia, une belle part de la rétrospective de l’édition 2011 dudit festival sera consacrée à l’œuvre de Charles Mensah avec une rétrospective du cinéma gabonais. « Sa disparition soudaine rendra encore plus nécessaire ce travail de mémoire et nous comptons programmer en novembre prochain, nombre de ses films, ceux qu’il a réalisé, ceux qu’il a co-produit ou soutenu » annonce M. Garcia. Le festival d’Amiens entend ainsi dédier cette rétrospective du Cinéma Gabonais à la mémoire de Charles Mensah, « le gentleman des cinémas d’Afrique, ce grand homme d’autant plus discret qu’il avait un sens aigu des mutations en cours comme des responsabilités incombant aux ainés au long de l’histoire des cinémas d’Afrique ».

Par ailleurs, selon le cinéaste togolais Jacques Do Kokou, un hommage sera rendu à ce collègue et compatriote par l’Association pour la Promotion de la Culture, des Arts et Loisirs (APCAL) et le Cinéma Itinérant du Togo (CIT) dans le cadre des 6èmes Rencontres du Cinéma et de la Télévision (RECITEL) du Togo, attendues fin 2011. Ce sera sans doute le cas des prochains festivals du continent et d’ailleurs au cours des mois et années à venir.

« Charles Mensah est un grand professionnel et une personne très cordiale pour qui j’avais beaucoup d’estime et de respect », écrit dans un hommage Thierno Ibrahima Dia, facilitateur du site Africiné de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC). De par ces nombreux et éloquents témoignages, il ne fait donc pas de doute que l’illustre disparu est un grand acteur du développement des Cinémas d’Afrique.

Qui est ce « gentleman » des cinémas d’Afrique ?

D’origine togolaise et de nationalité gabonaise, Charles Mensah a été jusqu’en 2009 directeur général du Centre National du Cinéma Gabonais (CENACI) aujourd’hui Institut Gabonais de l’Image et du Son (IGIS) et Président de la FEPACI (Fédération panafricaine des cinéastes). Il est le co-réalisateur de Obali (1976), d’Ayouma (1977) et d’Ilombe (1978). Il a réalisé des films documentaires, produit et signé avec un collectif de réalisateurs gabonais une grande série télévisée à succès, L’Auberge du Salut (1994).

En tant que producteur délégué, il a participé à de nombreux films tels : Le Damier, Dolè et L’ombre de liberty d’Imunga Ivanga, Les Couilles de l’éléphant d’Henri Joseph Koumba Bididi, Tartina City d’Issa Coelo, L’Héritage perdu, Batépa, et plus récemment Le Collier du Makoko d’Henri Joseph Koumba Bididi présenté à Cannes lors de l’édition 2011. « Son implication dans le développement des cinématographies africaines était connue et appréciée », reconnait Imunga Ivanga, cinéaste gabonais et successeur de Charles Mensah, à la tête de l’Institut Gabonais de l’Image et du Son.

Un chantier laissé en héritage

« Au delà de notre douleur, avise Jean-Pierre Garcia, il nous faut constater que cette vitalité longtemps portée par notre génération signifie de fait, le passage du relai vers les jeunes générations ». En effet, l’OIF a été sollicitée début 2010 par la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI) en vue d’apporter son expertise à la constitution d’un Fonds panafricain pour le cinéma et l’audiovisuel conformément à une recommandation des Ministres de la culture de l’Union Africaine en 2006. Le rapport d’étape de l’étude de faisabilité de ce projet a été présenté fin 2010 aux Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) à Tunis et au Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou. « Tel aurait été le dernier combat de Charles Mensah, déclare Clément Tapsoba, conseiller du Délégué Général du FESPACO. Il appartient aux professionnels du cinéma et de l’audiovisuel en Afrique de faire en sorte que ce projet voit réellement le jour pour rendre un hommage à Charles. »
Ce chantier laissé en héritage par Charles Mensah, grâce à l’engagement de ses collègues et collaborateurs de la FEPACI, un comme un héritage que doit sauvegarder et valoriser les cinéastes africains, toutes générations confondues. « Car, nous sommes tous tes héritiers, a écrit Monique Mbeka Phoba, même les plus anciens parmi nous, de par cette idée que tu as porté plus qu’aucun de nous, cette haute idée d’un cinéma africain se frayant son chemin et se construisant ses propres voies pour ce faire. »

N’est-ce pas aussi le lieu d’interpeller les professionnels du secteur cinématographique du continent africain afin de renforcer la FEPACI en lui conférant une véritable portée fédérative à travers un dynamisation des cellules régionales et nationales de cette institution sur laquelle repose l’avenir des cinémas d’Afrique ?

Charles Ayetan

  • Le 21 juillet 2011 à 08:28, par Monique Mbeka Phoba

    Cher Charles, je découvre cet article que tu as écrit sur Charles et te remercie. Il est difficile de se battre actuellement pour les cinéastes, dont la génération actuelle est très individuelle, ce qui est compréhensible, de par leur vécu, qui ne s’est pas, comme les premiers ténors de la Fepaci, enraciné dans le combat contre l’apartheid, le colonialisme et le néo-colonialisme. Charles Mensah m’a bien soven, à ce propos, confié ses doutes que la Fepaci retrouve l’ancrage qi était le sien précédemment. Prendre la tête de la Fepaci, c’est récolter des peaux de banane et se retrouver, d’une manière presque cyclique, retrouver accusé de tous les maux d’Israël. Charles et Seipati s’y sont pourtant astreints, presque sans soutien et sous tant de quolibets, alors qu’ils ont vécu ensemble et heureusement dans une solidarité sans failles entre eux, tant de moments éprouvants ! Et pour cela, pas la moindre gratitude et des anathèmes à n’en plus finir... J’en ai encore les larmes aux yeux. Charles Mensah était la quintessence du cinéma africain, il avait les pieds dans toute son histoire et restait incroyablement actif, accessible, passionné par les gens... Il y a des cinéastes actuels, qui sont plus vieux que lui, encombrés de leur ego et posant pour la postérité, un brin ridicules... Personne ne le remplacera. Monique.

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