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Clermont l’aime court
Publié le : vendredi 24 février 2012
Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand 2012

Quatre films en compétition internationale, 2 en compétition nationale, 15 dans le programme Regards d’Afrique... La sélection africaine 2012 du Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand nous a donné à voir de multiples regards sur le continent africain.

Des parcours d’abord puisque le cinéma est avant tout le moyen d’expression visuel et sonore le mieux adapté aux récits de vie. Ainsi Le grand parcours pour l’avenir du malgache Tianjato Gatien Rajaoarinarivo met en avant l’importance de l’(auto) éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie.

Son homologue Laza signe lui aussi un brillant portrait du musicien Rajery, joueur reconnu de l’instrument malgache Valiha, à travers Fragments de vie. Marqué par la maladie de sa sœur et par son propre handicap, Rajery initie un atelier de musicothérapie dans un hôpital psychiatrique malgache, lieu propice à la rencontre et à la découverte de patients souvent mis de côté par la société.

L’apprentissage est aussi au cœur du film mauricien Les Mo’zars de Roche Bois de Gopalen Parthiben Chellapermal où l’on suit le travail du saxophoniste José Thérèse qui forme au jazz des jeunes en difficulté. Par ce parcours emblématique, le film dépeint à la fois les attentes des familles qui souhaitent voir leur enfant évoluer et celui du musicien expérimenté qui revient sur sa dure expérience personnelle.

Si les images mauriciennes sont encore méconnues du grand public, force est de constater que la puissance de ce témoignage et la fraîcheur dégagée par son message méritait bien le Prix Fe Net du meilleur film documentaire, obtenu lors du dernier festival international de films d’Afrique et des Iles (FIFAI) de La Réunion.

Enfance

L’enfance est toujours un sujet palpitant. Ainsi des films comme Umkhongo du sud-africain Matthew Jankes place la science-fiction au service de la sorcellerie dont on accuse un jeune garçon qui pleure du sang, tout comme Conter les feuilles des arbres du malgache Lova Nantenaina et Éva Lova-Bely souligne la douce rêverie dans laquelle des enfants se projettent vers l’avenir.

On s’attardera davantage sur le prometteur Cirage du français Christophe Tardy dont la photographie de Rémi Mazet (connu pour son film Siggil) laisse pantois. Un jeune cireur de chaussures tombe sur un billet de banque et décide de le rendre à son propriétaire. Portrait touchant de la ténacité d’un enfant de la rue, ce personnage incarné par Seydou Diop n’est pas sans rappeler celui de Deweneti de Dyana Gaye (Sénégal, 2006) ou de Zebu and the photo fish de Zipporah Nyaruri (Ouganda, 2010).

La relation parent-enfants était aussi à l’honneur au travers des films mauriciens Kaso de Ritvik Neerburn et Papan Kulta de Krishna Luchoomun. Deux pères voués à leurs échecs (la prison pour l’un, l’abandon de sa fille pour l’autre) se remémorent et projettent les moments passés avec leur progéniture. Si les remords de chacun se traduit cinématographiquement par des huis-clos (la prison, la chambre), les deux films montrent à quel point l’amour filial peut être source d’espoir et de réconciliation.

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Cirage

Animation

Les films d’animation sont un peu moins récurrents. Pour preuve, l’ingénieux Kin de l’Atelier Collectif. Basé sur des personnages et objets de récupération de Kinshasa, ce court-métrage est en fait davantage belge que congolais, à l’exception de la belle voix de son narrateur.

Réalisés par des autodidactes qui se forment sur Internet et téléchargent des versions de démonstrations pour faire leurs films, Hazalambo et Mandalo placent définitivement Madagascar au centre de ce genre. Réalisés en ombre chinoise, ces courts d’animation muets démontrent avec brio que le cinéma venant d’Afrique peut être universel s’il sait s’adresser à un large public.

On n’en dira pas autant des films Olivier le gibier du burkinabè Issa Saga, La boule et la sauce du camerounais Moustapha Bako ou le documentaire La forêt du congolais David-Pierre Fila qui nous ont déçu par leur jeu d’acteur, leur dramaturgie et leur supposition selon laquelle les spectateurs seraient à priori acquis à leur cause.

Ovni

Plus maladroit mais touchant par sa démarche, le documentaire Yvette des agriculteurs burkinabè Marie Bassolé et Ferdinand Bassono aborde le quotidien d’une femme et sa condition. Non sans rappeler le brillant Djanta Halidou de Didier Bergounhoux (Bukina Faso, 2010) primé au dernier festival Quintessence, le film traite avec subtilité des difficultés d’un village privé de sa principale source d’emploi.

Petit ovni parmi les autres, la comédie Home Away du mauricien Wassim Sookia place le spectateur dans un monde universel. Grâce au football et au soutien dément de deux équipes étrangères (Liverpool vs Manchester United), le réalisateur signe un film à gags (attendus) drôle et finement interprété.

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Home, Away

Maghreb

Les films en provenance du Maghreb avait une autre teneur. En effet, Al hesab de l’égyptien Omar Khaled, Demain, Alger ? d’Amin Sidi-Boumédine, Mollement un samedi matin de Sofia Djama, Vivre et Mkhobbi fi kobba des tunisiens Walid Tayaa et Leyla Bouzid affichaient davantage leurs discours politiques.

L’oppression (Al hesab), la désintégration de l’État (Mollement un samedi matin), le quotidien étouffant (Vivre), le refus d’indépendance (Mkhobbi fi kobba) et l’espoir d’un avenir meilleur (Demain, Alger ?) soulignent tous à leur façon la révolte opprimée qu’ont connu dernièrement les différents pays d’Afrique du Nord.

Vu d’Europe

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EinspruchIV

Regarder les films d’Afrique sans porter attention aux films sur l’Afrique aurait été une gageure et c’est pour cela que nous nous permettrons de vous parler du Prix du Jury du festival.

Einspruch VI (Oppression) est un brillant plaidoyer contre l’expulsion des sans-papiers en Suisse. Basé sur l’histoire réelle d’un jeune nigérian, le film - entièrement tourné en caméra subjective – retrace, du rejet de sa demande d’asile à son expulsion sous camisole, le parcours d’Alex Khamma.

Témoin silencieux d’une répression globalisée, de l’incapacité des uns à aider les autres et de la déshumanisation du traitement des migrants, le film de Colla Rolando est un uppercut détonnant en même temps qu’un signal d’alarme douloureux.

Claire Diao

Février 2012

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