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Fragments de courts-métrages
Publié le : vendredi 8 février 2013
Festival de Clermont-Ferrand 2013

Quelques moments forts du festival !
Petit coup de cœur pour Brebis galeuse, un documentaire d’Alain Rakotoarisoa, de Madagascar qui brosse le portrait d’un père de famille pas très ordinaire au milieu d’un bidonville. L’humour, la complicité, la connivence voire la tendresse qui s’établissent en quelques minutes lui donne une vraie magie. Autre documentaire qui retient l’attention, non pas par sa forme modeste et parfois maladroite mais par la pertinence cruelle du propos : Cette couleur qui me dérange de la Sénégalaise Khady Pouye. Entre position militante contre la pratique (trop courante) du blanchiment de la peau et vision dantesque de la folie féminine, le film captive et aura sans doute une répercussion sur l’auditoire féminin. On y voit par exemple la préparation des crèmes « khessal » au Sénégal : monstrueux. Et encore, ce n’est pas le pire. A voir !

Belle naissance d’une réalisatrice avec l’Algérienne Baya Allouache, qui est peut-être un peu « tombée dans la marmite quand elle était petite », mais prouve avec son film Une journée ordinaire, fiction tournée dans un appartement à Alger, son aisance à filmer hommes et femmes, avec humour, finesse, justesse et point trop d’intentions lisibles. Une grande maturité pour une jeune réalisatrice prometteuse.

Passage obligé sur sujet à la fois délicat et cliché, on a regardé avec une agréable surprise Zamaana, il est temps !, un premier court-métrage (40mns) de la réalisatrice burkinabè Zalissa Babaud-Zoungrana, présente à Clermont-Ferrand. Ce film raconte l’excision d’une fillette, qui refuse, une fois adulte, que sa fille subisse le même traitement et entre en lutte. Le film sera visible également en compétition court-métrage au Fespaco. Réalisé de manière classique, dans la tradition du cinéma burkinabé, d’Idrissa Ouedraogo à Gaston Kaboré. Les comédiens sont justes. Si on peut lui reprocher un certain volontarisme, en particulier pour ce qui concerne la deuxième partie, au moment où l’héroïne adulte prend parti et s’engage, on peut du moins saluer un travail courageux, honnête et dont l’utilité reste forte, dans des régions où l’excision reste malheureusement une pratique encore usitée. La jeune réalisatrice raconte son parcours.

Zalissa Badaud Zoungrana

« J’ai écrit mon premier scénario à 15 ans. J’ai grandi à Ouagadougou et très jeune, ma passion pour le cinéma a été nourrie par le Fespaco. Je suis venue en France, j’ai joué dans des clips, fait quelques voix et j’ai rencontré une jeune réalisatrice, Alice Bohl, qui a lu mes scénarios. Celui qui parlait de l’excision l’a attirée. On a présenté le Défi jeune et on a obtenu le troisième prix, avec une bourse de 2800 euros. Alice s’est retirée du projet qui était trop peu financé. Moi, j’ai travaillé, j’ai fait des ménages pour produire le film ! Plus le projet semblait impossible, plus une force me disait d’avancer. Je suis entrée dans un cours de cinéma comme comédienne, et je gardais mon projet de film. A l’école, j’ai appris ce que c’était qu’un axe, un plan. J’ai lu des livres, rencontré quelques réalisateurs. Gaston Kaboré m’a donné de bons conseils, ainsi que Dany Kouyaté. Le film Yaaba m’avait beaucoup touchée dans mon enfance. Pierre Yaméogo est un cinéaste qui m’inspire beaucoup. J’ai trouvé quelques financements complémentaires, des copines commerçantes m’ont aidée. En tout, 52 partenaires ont participé ! Et en décembre 2011, je suis venue tourner au Burkina. Je me suis retrouvée avec une équipe de dix garçons pour qui ce n’était pas facile « qu’une petite fille vienne les diriger ». Mais ils ont fini par accepter ma direction. Cela a été un engagement de lutter contre l’excision : « ce n’est pas ton film, c’est notre film » a déclaré le régisseur. Des comédiens, comme Rasmane Ouedraogo, ont contribué au delà du salaire. Au Burkina, on lutte déjà beaucoup contre l’excision. Je souhaite que le film soit vu partout, en particulier dans les villages. Un film peut convaincre plus qu’un discours. Je voudrais apporter une pierre à cette lutte. »

Le clochard du Vatican, de Tahirou Tasséré Ouédraogo, du Burkina Faso est d’une certaine manière moins fort et moins surprenant. Il tente d’aborder le thème de la pédophilie d’une manière militante mais pas très convaincante, sans parvenir pour autant à vraiment aller au bout des ambiguïtés perceptibles à l’image entre l’homme et la fillette. C’est un peu timide et la chute est vraiment trop... une chute.

Une rencontre, du mauricien Jon Rabaud montre qu’avec 1000 euros, à 23 ans, on peut faire un joli film bien maîtrisé, original et réalisé avec une écriture à l’américaine : gros plans percutants, visions subjectives, profondeurs de champ, scénario efficace. La tentation de la drogue chez un jeune homme a lieu ici non pas au pied d’un immeuble mais au milieu d’une nature luxuriante...

Impeccable réalisation pour Le zébu de Dadilahy, de Luck Ambinistsoa Razanajaona, pourtant réalisé avec un micro-budget dans des conditions épiques, qui réinvente à la manière malgache le conte traditionnel filmé (les méchants pourraient dire le film calebasse). Mais avec ses couleurs chaudes et saturées, la beauté exigeante et rigoureuse de chaque plan, l’épure de son scénario, le jeune réalisateur de Madagascar prouve son talent et son envie de faire du bon cinéma. Incompréhensible que les sélectionneurs du Fespaco soient passés à côté de ce film !

Caroline Pochon

Lire aussi : Clermont-Ferrand 2013 : la créativité viendrait de l’océan indien.

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