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La face cachée de Maurice
Publié le : mardi 26 février 2013
Les enfants de Troumaron - Fespaco 2013

Avec « les enfants de Troumaron » se dessine le portrait amer de l’autre visage de l’Île Maurice. Les quatre personnages incarnent une jeunesse prise au piège, qui vit sur son île comme en prison. Pour divertissement, ils n’ont guère que le spectacle sordide du défilé des touristes pour qui cette parcelle de terre perdue dans l’océan n’a pas de réalité plus profonde que ses plages de sable fin et ses clubs de vacances.

Les enfants de Troumaron nous rappelle que ces « indigènes » de nos villégiatures d’Outre Mer sont contraints à une vie de dénuement et de précarité. Alors que les journaux télévisés annoncent la fermeture de la toute dernière usine qui offrait à un quartier de modestes emplois, rien ne semble freiner l’industrie florissante du tourisme qui offre en pâture une jeunesse aux tentations de l’argent facile. Reprenant les personnages du Roman « Eve de ses décombres », les réalisateurs tentent de nous faire entrer dans la vie intérieure de captifs qui tentent de trouver le sens d’une vie de frustrations où l’on n’a pas le choix de ses ambitions.

Pour tous il est clair que leur environnement les oppresse, chacun pour ses propres raisons. L’ouverture du film nous fait un très rapide et appuyé « tour de table » de ces quatre protagonistes ; un exercice un peu maladroit à la conséquence fâcheuse d’enfermer ces personnages dans des archétypes. Misérabiliste peut-être (on ne peut s’empêcher de se poser la question), le film prend le parti de ne dépeindre ce quartier, sensible, que par la négative. Si l’on admet que la vétusté, la promiscuité, la désertification économique, l’échec scolaire, l’alcoolisme soient le quotidien de ce microcosme, qu’en est-il de la tendresse, de l’humour, de la solidarité ? Ils semblent avoir totalement disparu sous les agressions multiples d’une société déliquescente. Sont-ils vraiment solubles dans la misère ? Plausible, au vu du récit de Harrikrisna et Sharvan Anenden.
Face au constat de l’implacable injustice, pour une jeunesse écorchée, il semble que la morale ne représente pas grand chose. A ceux qui tentent malgré tout de rester en contact avec elle les sobriquets ridicules, les railleries. Après tout, comme le formule Eve face à la naïveté de Savita, est-ce la morale qui nous sauvera ?

Malgré un jeu inégal et un début poussif, le film trouve peu à peu ses marques et délivre quelques scènes fortes où la petitesse des moyens, le manque d’expérience des comédiens et le support vidéo du tournage se font complètement oublier. Des moments volés à un ensemble qui peine un peu à imposer une esthétique et à s’affranchir vraiment du cliché.

Sophie Perrin

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